Qui fait la soupe doit la manger
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Surnommé « L'enfermé » pour avoir passé une trentaine d'années de sa vie en prison, Blanqui (1805-1881) a combattu tous les régimes politiques du XIXe siècle. C’est une grande figure révolutionnaire, activiste hostile à tout compromis et adepte du « coup de force ».
Blanqui se démarque des fon¬dements marxistes du socialisme d’essence matérialiste et scientifique. La lutte des classes et les autres concepts marxistes ne s'inscrivent pas dans sa pensée révolutionnaire.
Homme d'action, Blanqui envisageait qu'une minorité organisée pour¬rait créer la force révolutionnaire, nécessaire et suffisante, pour insuffler au peuple une volonté d’action victorieuse contre la ploutocratie et ses séides.
Écrit en 1834, « Qui fait la soupe doit la manger » était destiné au journal Le Libérateur. Blanqui y dénonce l’exploitation et l'idée d'égalitarisme comme remède contre toutes les injustices sociales. La révolution à venir doit être l’œuvre d’une minorité agissante et activiste. Il s’agit là d’un texte qui a gardé toute sa fraîcheur et qui dégage un enthousiasme pour l'action révolution¬naire, chère a Blanqui. Un texte à méditer.
T & P
La richesse naît de l'intelligence et du travail, l'âme et la vie de l'humanité. Mais ces deux forces ne peuvent agir qu'à l'aide d'un élément passif, le sol, qu'elles mettent en œuvre par leurs efforts combinés. Il semble donc que cet instrument indispensable devrait appartenir à tous les hommes. Il n'en est rien.
Des individus se sont emparés par ruse ou par violence de la terre commune, et, s'en déclarant les possesseurs, ils ont établi par des lois qu'elle serait à jamais leur propriété, et que ce droit de propriété deviendrait la base de la constitution sociale, c'est-à-dire qu'il primerait et au besoin pourrait absorber tous les droits humains, même celui de vivre, s'il avait le malheur de se trouver en conflit avec le privilège du petit nombre.
Ce droit de propriété s'est étendu, par déduction logique, du sol à d'autres instruments, produits accumulés du travail, désignés par le nom générique de capitaux. Or, comme les capitaux, stériles d'eux-mêmes, ne fructifient que par la main-d'œuvre, et que, d'un autre côté, ils sont nécessairement la matière première ouvrée par les forces sociales, la majorité, exclue de leur possession, se trouve condamnée aux travaux forcés, au profit de la minorité possédante. Les instruments ni les fruits du travail n'appartiennent pas aux travailleurs, mais aux oisifs. Les branches gourmandes absorbent la sève de l'arbre, au détriment des rameaux fertiles. Les frelons dévorent le miel créé par les abeilles.
Tel est notre ordre social, fondé par la conquête, qui a divisé les populations en vainqueurs et en vaincus. La conséquence logique d'une telle organisation, c'est l'esclavage. Il ne s'est pas fait attendre. En effet, le sol ne tirant sa valeur que de la culture, les privilégiés ont conclu, du droit de posséder le sol, celui de posséder aussi le bétail humain qui le féconde. Ils l'ont considéré d'abord comme le complément de leur domaine, puis, en dernière analyse, comme une propriété personnelle, indépendante du sol.
Cependant le principe d'égalité, gravé au fond du cœur, et qui conspire, avec les siècles, à détruire, sous toutes ses formes, l'exploitation de l'homme par l'homme, porta le premier coup au droit sacrilège de propriété, en brisant l'esclavage domestique. Le privilège dut se réduire à posséder les hommes, non plus à titre de meuble, mais d'immeuble annexe et inséparable de l'immeuble territorial.
Au XVIe siècle, une recrudescence meurtrière de l'oppression amène l'esclavage des noirs, et aujourd'hui encore les habitants d'une terre réputée française possèdent des hommes au même titre que des habits et des chevaux. Il y a du reste moins de différence qu'il ne paraît d'abord entre l'état social des colonies et le nôtre. Ce n'est pas après dix-huit siècles de guerre entre le privilège et l'égalité que le pays, théâtre et champion principal de cette lutte, pourrait supporter l'esclavage dans sa nudité brutale. Mais le fait existe sans le nom, et le droit de propriété, pour être plus hypocrite à Paris qu'à la Martinique, n'y est ni moins intraitable, ni moins oppresseur.
La servitude, en effet, ne consiste pas seulement à être la chose de l'homme ou le serf de la glèbe. Celui-là n'est pas libre qui, privé des instruments de travail, demeure à la merci des privilégiés qui en sont détenteurs. C'est cet accaparement et non telle ou telle constitution politique qui fait les masses serves. La transmission héréditaire du sol et des capitaux place les citoyens sous le joug des propriétaires. Ils n'ont d'autre liberté que celle de choisir leur maître. De là sans doute cette locution railleuse : « Les riches font travailler les pauvres ». À peu près, en effet, comme les planteurs font travailler leurs nègres, mais avec un peu plus d'indifférence pour la vie humaine. Car l'ouvrier n'est pas un capital à ménager comme l'esclave ; sa mort n'est pas une perte ; il y a toujours concurrence pour le remplacer. Le salaire, quoique suffisant à peine pour empêcher de mourir, a la vertu de faire pulluler la chair exploitée ; il perpétue la lignée des pauvres pour le service des riches, continuant ainsi, de génération en génération, ce double héritage parallèle d'opulence et de misère, de jouissances et de douleurs, qui constitue les éléments de notre société. Quand le prolétaire a suffisamment souffert et laissé des successeurs pour souffrir après lui, il va, dans un hôpital, fournir son cadavre à la science, comme moyen d'études, pour guérir ses maîtres.
Voilà les fruits de l'appropriation des instruments de travail ! Pour les masses, des labeurs incessants, à peine l'obole de la journée, jamais de lendemain sûr, et la famine, si un caprice de colère ou de peur retire ces instruments ! Pour les privilégiés, l'autocratie absolue, le droit de vie et de mort! Car ils ont les mains pleines, ils peuvent attendre. Avant que l'épuisement de leur réserve les contraigne à capituler, le dernier plébéien serait mort.
Qui ne se rappelle les misères de 1831, quand le capital s'est caché par crainte ou par vengeance ? Du fond de leur fromage de Hollande les barons du coffre-fort contemplaient froidement les angoisses de ce peuple décimé par la faim, en récompense de son sang versé au service de leurs vanités bourgeoises. Les représailles de la grève sont impossibles.
Les ouvriers de Lyon viennent de les tenter. Mais à quel prix ! Soixante mille hommes ont dû fléchir devant quelques douzaines de fabricants et demander grâce. La faim a dompté la révolte. Et n'est-ce pas un miracle même que cette velléité de résistance ? Que de souffrances n'a-t-il pas fallu pour lasser la patience de ce peuple et le raidir enfin contre l'oppression !
Le pauvre ne connaît pas la source de ses maux. L'ignorance, fille de l'asservissement, fait de lui un instrument docile des privilégiés. Écrasé de labeur, étranger à la vie intellectuelle, que peut-il savoir de ces phénomènes sociaux où il joue le rôle de bête de somme ? Il accepte comme un bienfait ce qu'on daigne lui laisser du fruit de ses sueurs, et ne voit dans la main qui l'exploite que la main qui le nourrit, toujours prêt, sur un signe du maître, à déchirer le téméraire qui essaie de lui montrer une destinée meilleure.
Hélas ! L’humanité marche avec un bandeau sur les yeux, et ne le soulève qu'à de longs intervalles pour entrevoir sa route. Chacun de ses pas dans la voie du progrès écrase le guide qui le lui fait faire.
Toujours ses héros ont commencé par être ses victimes. Les Gracques sont mis en pièces par une tourbe ameutée à la voix des patriciens. Le Christ expire sur la croix, aux hurlements de joie de la populace juive excitée par les Pharisiens et les prêtres et, naguère, les défenseurs de l'égalité sont morts sur l'échafaud de la Révolution par l'ingratitude et la stupidité du peuple, qui a laissé la calomnie vouer leur mémoire à l'exécration. Aujourd'hui encore, les stipendiés du privilège enseignent chaque matin aux Français à cracher sur la tombe de ces martyrs.
Qu'il est difficile au prolétariat d'ouvrir les yeux sur ses oppresseurs ! Si à Lyon il s'est levé comme un seul homme, c'est que l'antagonisme flagrant des intérêts ne permettait plus l'illusion à l'aveuglement même le plus obstiné. Alors se sont révélés les trésors de haine et de férocité que recèlent les âmes de ces marchands! Au milieu des menaces de carnage, de toutes parts accouraient pour l'extermination canons, caissons, chevaux, soldats. Rentrer dans le devoir ou périr sous la mitraille, telle est l'alternative posée aux rebelles. Le devoir du travailleur lyonnais, l'homme-machine, c'est de pleurer la faim, en créant jour et nuit, pour les plaisirs du riche, des tissus d'or, de soie et de larmes.
Mais une si dure tyrannie a ses dangers : le ressentiment, la révolte. Pour conjurer le péril, on essaie de réconcilier Caïn avec Abel. De la nécessité du capital comme instrument de travail, on s'évertue à conclure la communauté d'intérêts, et par la suite la solidarité entre le capitaliste et le travailleur. Que de phrases artistement brodées sur ce canevas fraternel! La brebis n'est tondue que pour le bien de sa santé. Elle redoit des remerciements. Nos Esculapes savent dorer la pilule.
Ces homélies trouvent encore des dupes, mais peu. Chaque jour fait plus vive la lumière sur cette prétendue association du parasite et de sa victime. Les faits ont leur éloquence ; ils prouvent le duel, le duel a mort entre le revenu et le salaire. Qui succombera? Question de justice et de bon sens. Examinons.
Point de société sans travail ! Partant point d'oisifs qui n'aient besoin des travailleurs. Mais quel besoin les travailleurs ont-ils des oisifs ? Le capital n'est-il productif entre leurs mains, qu'à la condition de ne pas leur appartenir ? Je suppose que le prolétariat, désertant en masse, aille porter ses pénates et ses labeurs dans quelque lointain parage. Mourrait-il par hasard de l'absence de ses maîtres ? La société nouvelle ne pourrait-elle se constituer qu'en créant des seigneurs du sol et du capital, en livrant à une caste d'oisifs la possession de tous les instruments de travail ? N'y a-t-il de mécanisme social possible que cette division de propriétaires et de salariés ? En revanche, combien serait curieuse à voir la mine de nos fiers suzerains, abandonnés par leurs esclaves! Que faire de leurs palais, de leurs ateliers, de leurs champs déserts ? Mourir de faim au milieu de ces richesses, ou mettre habit bas, prendre la pioche et suer humblement à leur tour sur quelque lopin de terre. Combien en cultiveraient-ils à eux tous? J'imagine que ces messieurs seraient au large dans une sous-préfecture.
Mais un peuple de trente-deux millions d'âmes ne se retire plus sur le Mont Aventin. Prenons donc l'hypothèse inverse, plus réalisable. Un beau matin, les oisifs, nouveaux Bias, évacuent le sol de France, qui reste aux mains laborieuses. Jour de bonheur et de triomphe ! Quel immense soulagement pour tant de millions de poitrines, débarrassées du poids qui les écrase! Comme cette multitude respire à plein poumon ! Citoyens, entonnez en choeur le cantique de la délivrance ! Axiome : la nation s'appauvrit de la perte d'un travailleur ; elle s'enrichit de celle d'un oisif. La mort d'un riche est un bienfait.
Oui! Le droit de propriété décline. Les esprits généreux prophétisent et appellent sa chute. Le principe essénien de l'égalité le mine lentement depuis dix-huit siècles par l'abolition successive des servitudes qui formaient les assises de sa puissance. Il disparaîtra un jour avec les derniers privilèges qui lui servent de refuge et de réduit. Le présent et le passé nous garantissent ce dénouement. Car l'humanité n'est jamais stationnaire. Elle avance ou recule. Sa marche progressive la conduit à l'égalité. Sa marche rétrograde remonte, par tous les degrés du privilège. Jusqu'à l'esclavage personnel, dernier mot du droit de la propriété. Avant d'en retourner là, certes, la civilisation européenne aurait péri. Mais par quel cataclysme? Une invasion russe? C'est le Nord, au contraire, qui sera lui-même envahi par le principe d'égalité que les Français mènent à la conquête des nations. L'avenir n'est pas douteux.
Disons tout de suite que l'égalité n'est pas le partage agraire. Le morcellement infini du sol ne changerait rien, dans le fond, au droit de propriété. La richesse provenant de la possession des instruments de travail plutôt que du travail lui-même, le génie de l'exploitation, resté debout, saurait bientôt, par la reconstruction des grandes fortunes, restaurer l'inégalité sociale.
L'association, substituée à la propriété individuelle, fondera seule le règne de la justice par l'égalité. De là cette ardeur croissante des hommes d'avenir à dégager et mettre en lumière les éléments de l'association. Peut-être apporterons-nous aussi notre contingent à l'œuvre commune.
Auguste Blanqui
MACHIAVEL, MARX ET LES ARMES DE MIGRATION MASSIVE. (Chroniques de Nicolas Bonnal)
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L’accueil euphorique des migrants est une vérité d’évangile, que je ne contesterai jamais. 12000 jeudi en Sicile, et soixante ans de prison pour le groupuscule de racistes qui s’y opposaient.
C’est bien fait.
Il y en a deux-cent-vingt millions qui sont prévus au programme de l’ONU, du pape bidule, et des marchés, et ils passeront tous. Anatoli Karlin rappelle (unz.com) qu’un milliard d’africains subsahariens vont devenir quatre milliards, qui devront tous passer ou presque, puisqu’ils ne peuvent pas vivre chez eux, à cause du blanc bien entendu.
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Analyse des relations Etats-Unis/ Russie/ Israël, par le Général (2S) Dominique Delawarde
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Le Général (2S) Dominique Delawarde est "Ancien chef du bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique » de l’État-major Interarmées de Planification Opérationnelle
« Cette analyse sur les relations entre ces trois états a été effectuée en février 2017, avant que les sondages pour l’élection présidentielle en France ne désignent nettement un favori. Lire cette analyse après la victoire d’Emmanuel Macron est d’autant plus intéressant. »
Budget militaire en baisse , mais fonds débloqués pour un métro en Côte d'Ivoire
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Mais pour la défense des Français :
Merci à tous les connards qui ont permis que le remplacement puisse continuer de façon aussi limpide !
Londres, soumission : le King's College va ôter des bustes de fondateurs blancs qui «intimident les minorités ethniques»
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Dans le hall d'entrée de l'Institut de psychiatrie du King's College de Londres, des bustes honorent la mémoire de ses deux figures fondatrices – des hommes blancs. Un climat «aliénant» auquel la direction a décidé de mettre fin.
Pierre-Antoine Cousteau et l'homme fasciste
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Après avoir reposé, la dernière ligne avidement lue, « EN CE TEMPS LA... », le livre de souvenirs de Pierre-Antoine Cousteau, mon regret s'est avivé de ne pas l'avoir connu.
Il y a de ces parties de colin-maillard du destin qui prend autant de soin de vous éviter des rencontres bénéfiques que d'en multiplier certaines dont, tout compte fait, nous nous serions passés le plus aisément du monde.
Aussi bien qu'à Louis-Ferdinand Céline, on pourrait appliquer à Cousteau le propos de Paraz sur le bonheur de découvrir un homme derrière un auteur, propos merveilleusement dit par cette grande voix qui s'est tue, mais pieusement recueillie sur un disque, comme les textes de Cousteau dans un livre par les soins de son ami Coston.
Pierre-Antoine Cousteau, dans un monde où l'espèce en se multipliant s'abâtardit dangereusement et vérifie le pronostic nietzschéen du sous-homme vautré dans les « sécurités sociales » comme le pourceau dans sa fange, nous a donné l'exemple de ce que pouvait être l'Homme.
En suivant ces pages écrites en prison avant la condamnation à mort, puis dans les chaînes, nous verrons se préciser une image, de plus en plus nettement mise au point, non certes de l'Homme fasciste, mais d'une variété authentique de l’homme fasciste. Aujourd’hui que le temps est venu des « psychologues à brevet », il y a trois siècles c'étaient des ducs, il y aurait un travail bien passionnant, pour un psychologue, breveté ou non, mais intelligent et honnête, qui consisterait à dénombrer les diverses familles spirituelles qui ont donné naissance, au XX° siècle à l'homme fasciste. Car notre siècle sera, qu'on le veuille ou non, le siècle du fascisme.
Ce ne serait évidemment pas le moindre étonnement du profane que de découvrir alors qu'au commencement de tout fasciste il y a eu, presque toujours, un anarchiste et constamment un insurgé. Oui un insurgé comme Jules Valles.
Pierre-Antoine Cousteau n'a pas démenti cette règle. Mais c'était par son origine bourgeoise un anarchiste bien élevé, de ceux que je nommais jadis, à la grande joie de Roger de Laforest que les parties de colin-maillard du destin replacent si parcimonieusement sur mon chemin, « les anarchistes de Sainte-Croix-de-Neuilly ». Encore quel Cousteau ait fait ses études à Louis-le-Grand : I
« Catholique et français. Mais pas toujours. Provisoirement. Dès mon entrée en classe de seconde, à Louis-le-Grand tout changea. Je découvris le libre examen et je m'installai avec une remarquable aisance dans la négation.
C'était une attitude facile. Je n'aurai point la sottise d'en tirer rétrospectivement quelque orgueil. Le conformisme du non-conformisme est un des ridicules permanents de l'adolescence et rien n'est plus éloigné du scepticisme fécond que ces insurrections saisonnières de jeunes chiens qui n'ont d'autres fondements que l'ignorance et la présomption. »
« Scepticisme fécond » ? Eh bien le jeune Cousteau n'en était pas si éloigné dès cette date où il lisait Anatole France avec délectation. Non point, bien sûr, parce qu'il pensait que l'idéal était de mourir confortablement dans son lit, il eut très jeune un mépris tout Pascalien de la guerre, du moins de ce que l'industrie a fait de la guerre.
Et comme la seule guerre imaginable pour un jeune Français des années 20 était une nouvelle guerre franco-allemande, l'antigermanisme doctrinal de L'Action Française non seulement le retint de s'intéresser à ce mouvement, mais le rejeta vers l'extrême-gauche.
« J'avais compris, solidement compris, avant même d'avoir de la barbe au menton, qu'il n'y avait de vie possible pour les Français que s'ils s'accordaient avec les Allemands. Après tout, on pactisait bien avec les Anglais, qui étaient des ennemis autrement héréditaires ! Et l'Entente Cordiale valait tout de même mieux que Trafalgar ou Waterloo... Parmi mes certitudes d'adolescent, c'est, je crois bien, la seule qui se soit maintenue à peu près intacte jusqu'à ce jour... »
Son bac philo décroché à la session d'octobre, au milieu du bouillonnement de cette première après-guerre du siècle si démoralisante, mais aussi si excitante pour les sens et l'esprit, notre jeune extrémistes ne délibère point trop longtemps sur l'orientation de sa vie. La voie toute tracée d'une Ecole parfaitement à sa portée, car Cousteau était un sujet bien doué et son premier échec n'avait été dû qu'au jugement sévère porté sur son carnet scolaire par un professeur de philo trop souvent nargué, cette voie trop facile ne le séduit pas et il s'en écarte sans discussion, avec la volonté naïvement balzacienne de faire fortune et naturellement rapidement, comme on voyait bien par de nombreux exemples, qu'il était possible de le faire. Mais les affirmations plus ou moins cyniques de la prime jeunesse n'ont pas grande portée, et Pierre-Antoine Cousteau n'allait pas tarder à constater qu'il n'était pas plus doué pour faire fortune dans « les affaires » que l'ex-collégien de Vendôme. Encore eut-il la chance, personne ne lui ayant prêté d'argent, d'éviter le boulet d'une dette à traîner sa vie durant.
Il est d'ailleurs possible qu'il ait alors obéi au besoin d'agir, et plus probablement encore à l'impulsion de cette poésie de l'action qui apparaît si fascinante chez les personnages balzaciens à commencer par César Birotteau et Gaudissart. Et Paul Claudel, grand poète sans caractère, a bien avoué dans une interview donnée à Paris-Soir, en pleine occupation, mais oui le Paris-Soir de Cousteau, qu'il n'avait jamais ressenti plus parfaitement le sentiment de sa pleine efficience que lorsqu'il commandait sur les marchés de l'Amérique du Sud « tel un général de l'épicerie, des tonnes de viandes en conserve pour le ravitaillement de la France, au cours de la première guerre. »
Besoin d'agir qui se manifestait aussi, avec une amusante fantaisie, par l'activité sportive de Cousteau rugbyman. Suffisante toutefois pour lui permettre de devancer l'appel et de passer ses dix-huit mois au service météorologique de l'armée, alors colonisé par les rejetons de notables Israélites fort bien pourvus d'espèces fiduciaires et de relations parmi les Princes du régime.
Après quoi il put redire son « à nous deux Paris », mais pour commencer il allait s'asseoir dans un bureau d'une Société maritime, puis tâter du commerce.
« II est possible, il est même certain que d'autres réussissent à gagner leur vie en vendant des choses à des gens qui n'en veulent pas. Pas moi. C'est dans mon cas une sorte d'impossibilité physique. D'abord lorsque j'essaie de vendre quelque chose, je suis au départ frappé d'inhibition, j'ai mauvaise conscience, j'ai l'impression confuse d'accomplir une vilaine action, de me livrer à une activité inavouable. Pour peu que l'acheteur présumé soulève la moindre objection, j'ai trop de savoir-vivre pour bousculer son libre arbitre, trop de respect de la personne humaine pour le violenter. »
Ses années d'apprentissage comporteront encore un séjour aux Etats-Unis où l'invitent de jeunes Yankees à qui il avait eu la gentillesse de faire connaître le « Gay Paris » et de retour, il doit s'avouer qu'il a, jusqu'à présent, « magnifiquement échoué ».
Toutefois., il pratiquait l'anglais et même le slang, ses jeunes amis américains n'ayant pas voulu être en reste et c'était justement ce qu'il fallait à une femme de lettres fort séduisante et à la mode, Mme Titayna, à qui l'on venait de commander une traduction d'auteurs anglais. Malheureusement Mme Titayna ignorait jusqu'au rudiment de la langue de Shakespeare, ce qui n'était pas une raison de refuser la commande bien entendu.
Et pour dédommager notre ami qu'elle avait oublié de rétribuer, elle le recommanda à Marsillac, alors rédacteur en chef du Journal, qui, ayant un poste vacant, « aux commissariats », engagea Cousteau séance tenante.
Ravi, mais non point ébloui, il rédige avec le recul des années, ce jugement qui n'est point si sévère qu'il y paraît à première vue :
« Le journalisme n'est pas une vocation. On ne s'y prépare pas. On ne s'y destine pas. On devient journaliste par nécessité lorsqu'on a échoué un peu partout dans diverses professions. Le recrutement des salles de rédaction est un recrutement de ratés. Et c'est d'ailleurs bien commode pour ceux qui ne se sont pas complètement dépourvus de qualités. »
Et il est vrai qu'un garçon qui n'était point idiot avait sa chance dans les journaux des gros marchands de papier d'avant-guerre et que, somme toute ce job — car exception faite pour les secrétaires de rédaction, j'accorde bien volontiers que le journalisme n'est pas un métier — a eu le mérite nullement négligeable de faire vivre de nombreux écrivains et des artistes. Cousteau ne croupit donc pas aux faits divers.
Tout de même, nous sommes loin de l'homme fasciste que j'ai promis, c'est que l'homme fasciste chez Cousteau fut de lente gestation. Comme j'ai conté la mienne qui ne fut pas plus rapide, ici même, il y a quelques années, je serais bien mal venu de lui reprocher cette lenteur.
Les avatars de sa vie de journaliste laissent encore intactes ses convictions d'homme de gauche admirateur naïf du Parti, du Parti Communiste bien entendu.
Il ne commencera à se troubler que lors de la grande volte-face qui devait transformer, après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes, les pacifistes professionnels en patriotes chatouilleux de style Déroulédien. Mais c'est sa rencontre avec Gaxotte et l'équipe seconde de « Je suis Partout. », dominée par la légendaire figure de Robert Brasillach qui précipite son évolution et littéralement lui fait tomber les écailles des yeux. Le refus de participer à la croisade des Démocraties, que Champeaux dénonçait avec tant de lucide intelligence, fut en fait l'élément catalyseur qui devait, d'une part, précipiter la prise de conscience fasciste d'un petit noyau de Français, jamais très nombreux bien sûr, mais qui aurait largement suffi à peser très fort sur les événements si la rivalité des ligues entre elles ne les avait pas toutes lamentablement affaiblies et, d'autre part, expliquer le ralliement de tant d'éléments disparates enfin éclairés par la catastrophe, autour du Maréchal Pétain.
Au reste, Cousteau avait aussi, innés, bien d'autres traits de caractère que l'on retrouve toujours chez l'homme fasciste. En premier lieu, le goût du risque, le sens de la vie dangereuse, le mépris du mensonge et cette double volonté restauratrice et révolutionnaire qui est à mon avis la composante majeure d'un type humain pleinement accompli au XXe siècle et que j'ai constamment retrouvée chez des hommes aussi différents que Messine, Bassompierre, Vaugelas, le Colonel Lelong, Constanzo, Charbonneau, Philippe Henriot, Paul Marion, Victor Arrighi, Detmar, Dumontel, Henri Lebre, Drieu la Rochelle, Jean Fontenoy, Maurice Bardèche et d'autres que j'oublie parmi les vivants et les morts.
Sans doute pourrait-on souligner chez les uns et les autres les particularités propres aux soldats, aux politiques, aux fonctionnaires, aux écrivains, mais chez tous on retrouverait les éléments constitutifs ci-dessus énumérés et qu'une requête de Franco complètement apolitique devait résumer d'un mot élégant et désinvolte « cuestion de estetica », ce qui est une autre façon de dire « Weltanschau ».
Après le cyclone, Cousteau connut lui aussi cette sérénité des cellules de Fresnes où nous vérifions à chaque rumeur confirmée venue de l'extérieur combien nous avions eu raison.
L'héroïsme tranquille dont Cousteau fit preuve devant ses « juges » devait hélas avoir son prolongement treize ans plus tard lorsqu'il affronta lucidement la mort dans son lit.
Dans le monde incertain, le monde est toujours incertain, bien sûr, mais il est aujourd’hui incertain et absurde aux yeux de tous, et c'est son trait distinctif où se poursuit et où s'achèvera peut-être hélas le cours de nos vies, les écrits posthumes de Pierre-Antoine Cousteau sont un tonique de choix qui nous aidera à conserver cette liberté inaliénable que notre ami, nous-mêmes et tant d’autres avons su goûter dans les geôles.
Car l'homme fasciste est aussi épris de liberté.
J.M. AIMOT
(Sources : Défense de l’Occident – Juillet 1959)
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