Sous la plume de Jules Rivet, Le Canard enchaîné ne trouva rien à redire à ce troisième acte (de la pièce de Céline, L'Église) qu'il trouvait au contraire, particulièrement savoureux.
Et plus tard, pour Bagatelles pour un massacre...
« Un joli titre, un titre de poète, après tout, que porte, là, le nouveau livre de Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre. Cela évoque autant la petite fleur poussée dans les démolitions que la ruade dans les brancards ! Et que voilà de beaux coups de trique et de la belle langue solide, verveuse et bien constituée ! »
(Le Canard enchaîné, 12 janvier 1938).
Signalé dans CÉLINE AU THÉÂTRE, dernière lettre de Michel Mouls
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Jules Rivet (1884-1946), journaliste libertaire est l'auteur de cet article. On n'ose penser, encore moins imaginer rétrospectivement, ce que serait la réaction des rédacteurs actuels de ce journal devant une telle lecture...
« Un joli titre, un titre de poète, après tout, que porte, là, le nouveau livre de Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre. Cela évoque autant la petite fleur poussée dans les démolitions que la ruade dans les brancards ! Et que voilà de beaux coups de trique et de la belle langue solide, verveuse et bien constituée ! Je n'ai pas aimé beaucoup Mort à crédit dont j'ai dit, il m'en souvient, que c'était " l'épopée du vomissement ". Mort à crédit indiquait, peut-être à tort, chez l'auteur, le goût de se rouler dans l'ordure, de nier systématiquement la pureté des forêts, la clarté du soleil, la limpidité attardée de certaines petites rivières... Tout était pourri, bourbeux, verdâtre et nauséabond...
Dans Bagatelles pour un massacre, rien de sale, rien qui ne soit, au contraire, très sain et aéré. Voici de la belle haine bien nette, bien propre, de la bonne violence à manches relevées, à bras raccourcis, du pavé levé à pleins biceps ! Ici, Villon complète Rabelais et l'épure ! Ici, le non-conformisme se débat avec vigueur, le solitaire s'affirme, montre les crocs, règle des comptes.
Par exemple : " Les critiques, ils sont bien trop vaniteux pour vous parler d'autre chose que de leur magnifique soi-même. C'est un spectacle de grande lâcheté que de les voir ces écœurants, profiter de votre pauvre ouvrage pour se faire reluire ! Les torves fumiers ! "Et plus loin : " Renégat, moi ?... Renégat qui ?... Renégat quoi ?... Renégat rien !... Mais j'ai jamais renié personne... L'outrage est énorme !... Quelle est cette face de fumier qui se permet de m'agonir à propos du communisme ?... Un nommé Helsey qu'il s'appelle !... Mais je le connais pas !... D'où qu'il sort ce fielleux tordu ?... Il est soufflé, merde, ce cave !... De quel droit il se permet, ce veau, de salir de la sorte ?... Mais j'ai jamais rien renié du tout ! Mais j'ai jamais adoré rien ! Où qu'il a vu cela écrit ?... Jamais j'ai monté sur l'estrade pour gueuler à tous les échos : " Moi, j'en suis !... moi, j'en croque !... "Moi, j'ai jamais voté de ma vie !... j'ai toujours su et compris que les cons sont la majorité, que c'est donc bien forcé qu'ils gagnent !... Pourquoi je me dérangerais, dès lors ?... "
Je ne voudrais pas banaliser ce livre libérateur, torrentiel et irrésistible du mot de chef-d'œuvre. C'est beaucoup plus grand que cela, et plus pur. C'est une barricade individuelle avec, au sommet, un homme libre qui gueule, magnifiquement... » (Le Canard enchaîné, 12 janvier 1938).