thomas carlyle

Le « culte des Héros » est un fait inexprimablement précieux, le fait le plus consolant qu'on voie dans le monde à présent. Il y a un éternel espoir en lui pour la direction du monde. Quand toutes les traditions, organisations, croyances, sociétés qu'aient jamais institué les hommes, auraient sombré et disparu, ceci resterait. La certitude qu'il y a des Héros qui nous sont envoyés, la faculté que nous avons, la nécessité où nous sommes de révérer les Héros quand ils nous sont envoyés : cela brille comme une étoile polaire à travers les nuages de fumée, les nuages de poussière, toutes sortes d'écroulements et de conflagrations.

Le culte des Héros existe à jamais et partout ; pas seulement sous forme de loyauté : il s'étend et descend de l'adoration divine jusqu'aux plus basses régions pratiques de la vie. « S'incliner devant des hommes, » si ce ne doit pas être une pure grimace vide, dont il vaut mieux se dispenser, c'est le culte des Héros, — c'est reconnaître qu'il habite réellement dans cette présence de notre frère quelque chose de divin ; que tout homme créé, comme dit Novalis, est une « révélation dans la Chair »... La loyauté, la religieuse adoration elle-même, sont encore possibles ; que dis-je? encore inévitables.

Bien que tant de nos derniers Héros aient travaillé plutôt en révolutionnaires, ne pouvons-nous pas dire, que néanmoins tout Grand Homme, tout homme ingénieux, est de par sa nature fil de l'Ordre, non du Désordre? C'est une position tragique pour un vrai homme de travailler en révolutions. Il semble un anarchiste, et en vérité un douloureux élément d'anarchie l'entrave à chaque pas, —celui à qui pourtant de toute son âme l'anarchie répugne. Sa mission est Ordre, c'est celle de tout homme. Il est ici pour faire que ce qui était désordonné, chaotique, se change en une chose réglée, régulière. Il est le missionnaire de l'Ordre,

Toute œuvre d'homme en ce monde n'est-elle pas une création d'Ordre? Le charpentier trouve des arbres bruts ; il leur donne une forme, il les contraint à prendre des proportions équarries, des fins d'utilité. Nous sommes tous ennemis nés du Désordre : il est tragique pour nous tous de se mêler de bris d'images et de renversements ; pour le Grand Homme, plus homme que nous, c'est doublement tragique.

Les plus fous sans-culottes français, travaillent eux-mêmes et doivent nécessairement travailler à l'Ordre. Il n'y a pas un homme, même emporté par la rage, au plus fort de la folie, qui ne soit pourtant poussé, à tous les moments, vers l'Ordre. Sa vie même signifie cela. Désordre est désolation, mort. Pas de chaos qui ne cherche un centre pour graviter autour. Tant que l'homme est l'homme, quelque Cromwell ou Napoléon est la fin nécessaire d'un sans-culottisme. Il est curieux de voir comment, dans ces jours où le culte des Héros était la chose la plus incroyable pour chacun, il se dégage néanmoins, et s'affirme pratiquement, d'une façon qui s'impose à tous. Droit divin, si vous le considérez largement, se trouve signifier aussi pouvoir divin ! Tandis que les vieilles et fausses formules sont en train d'être partout foulées aux pieds et détruites, de nouvelles et sincères substances se développent d'une manière inattendue indiscutable. Dans les âges de rébellion quand la Royauté elle-même semble morte et abolie, Cromwell et Napoléon s'avancent de nouveau comme Rois. L'histoire de ces hommes, c'est ce que nous avons maintenant à considérer comme notre dernière foi d'Héroïsme. Les vieux âges sont ramenés pour nous; la manière dont se faisaient les Rois, et dont la Royauté elle-même pour la première fois prit naissance, est de nouveau exposée dans l'histoire de ces Deux.

Thomas Carlyle - Les Héros (traduction. de J.-B. J. Izoulet-Loubatière) – Ed. A. COLIN.

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