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Nos lecteurs connaissent peut être déjà le militant politique nationaliste corse Nicolas Battini, qui a payé d’années de prison son engagement au service de sa patrie. Avec des camarades, il vient de lancer Palatinu, association de défense de l’identité, de l’histoire et la de langue corse.

Nous l’avons interrogé, pour en savoir plus sur ce projet, qui rencontre un succès croissant en Corse et qui dénote d’avec les traditionnels mouvements nationalistes.

 

Breizh-info.com : Vous avez récemment participé à un débat sur l’identité corse avec M. Talamoni, qu’est-il ressorti de ce débat en matière de convergences et de différences ?

Nicolas Battini (Palatinu) : J’ai un infini respect pour M. Talamoni. Il a été un maître à penser pour la génération à laquelle j’appartiens. Adolescent, nous avons adhéré volontiers à la vision du monde qu’il propose, directement issue des années soixante-dix, et qui divise le monde entre colonisés et colonisateurs. Cette offre politique nous a permis de répondre à la question identitaire et de situer notre peuple dans un espace-temps lui rendant toute son individualité en même temps que des perspectives de combat. Nous avons été tiers-mondistes. 

À titre personnel, M. Talamoni fut également mon témoin de moralité devant la Cour d’Assises Spéciale, devant laquelle il accepta de contribuer à ma démarche de défense politique et de rupture. C’est une chose qui compte pour moi. Néanmoins, cette adhésion n’a pas survécu aux questions que suscitent la massification de l’islamisme criminel et l’émergence du wokisme dans le débat politique européen. Pour finir, son ouvrage « Littérature et politique en Corse » a été déterminant en ce qui concerne le vif intérêt qui est le mien pour la période 1920-1939. C’est une période fondatrice pour le nationalisme corse. Je lui ai dédié mon mémoire et poursuis une thèse à ce sujet depuis l’année dernière.  

Ainsi, nous avons des convergences évidentes en ce que nous sommes Corses. Ceci suppose un univers et une culture en commun, ce qui n’est certainement pas négligeable. J’aurais tendance à dire que ceci est le plus important. Pour le reste, je suis issu du tiers-mondisme que je dénonce désormais avec le soutien de nombreux trentenaires au parcours semblable au mien. Nous connaissons par cœur les dessous et les travers du concept aujourd’hui totalement suranné de « Lutte de Libération Nationale ». C’est précisément le fait d’y avoir appartenu, en ce qu’il était la seule offre politique réellement centrée autour de la volonté de défendre les Corses en tant que peuple, qui nous permet aujourd’hui de le critiquer, d’en viser les défaillances et d’en soulever les profondes incohérences. Si nous divergeons désormais, et c’est un euphémisme, cela est essentiellement dû à un conflit de générations. Plus que jamais nationalistes, nous rejetons le tiers-mondisme. Diviser le monde entre opprimés et oppresseurs ne correspond à rien de bien concret ni de bien factuel pour les gens de mon âge. Continuer de considérer que la Corse appartient moins à l’occident catholique et romain qu’au tiers-monde colonisé devient proprement risible. Feindre de ne pas avoir de positionnement sur les questions relatives à la famille et à sa structuration (un père, une mère, GPA etc…) relève désormais d’une désertion de l’intelligence, surtout lorsque l’on sait que tout cela n’est dû qu’à une totale soumission à la pensée woke et à la peur de déplaire aux inquisiteurs de cette dernière. Quant à la question de l’Islam, hormis le fait de donner des gages humanitaristes à la classe dirigeante parisienne et européenne, rien de bien consistant. Les boomers dans leur grande majorité sont incapables d’intégrer les questions civilisationnelles et sociétales qui apparaissent incontournables aux yeux d’une grande partie des moins de quarante ans évoluant en périphérie urbaine et dans la ruralité. 

Pour revenir à ce débat de février, ce fut, il faut le dire, un débat extrêmement agréable et courtois mené devant un amphithéâtre rempli d’étudiants. M. Talamoni est d’ailleurs l’un des derniers acteurs du jeu politique en Corse capable de manier des concepts idéologiques et philosophiques de haut vol, il apporte beaucoup au débat et, au-delà de ce qui désormais nous sépare, mon respect et toute mon affection lui sont acquises. Il faut saluer également la prestation de M. Di Meglio qui, bien que développant des positions tout à contraires, a largement enrichi nos échanges. 

 

Breizh-info.com : Parlez-nous de l’association Palatinu que vous avez lancée ? 

Nicolas Battini (Palatinu) : C’est une structure qui rencontre un succès tout à fait notable. Tous les acteurs du paysage politique en Corse nous connaissent désormais. Nous sommes au centre de beaucoup de discussions. En seulement cinq mois d’activité, nous approchons des quatre cents adhérents répartis en sept sections recouvrant toute la Corse. Une grande structure politique comme celle de la majorité territoriale compte un peu plus d’un millier de militants à jour de leur carte en tenant tous les grands pôles d’influence électorale tout en bénéficiant d’années et d’années d’existence, c’est dire. Je dois avouer que nos prévisions quant à la dynamique que nous souhaitions lancer ne prévoyaient pas un succès aussi rapide et fulgurant. 

 

Breizh-info.com : Quels sont les fondements de ce mouvement ? 

Nicolas Battini (Palatinu) : Le constat que l’identité corse n’est plus défendue par personne d’une part, la volonté de refaire de cette thématique le centre des débats politiques en Corse d’autre part. Qui plus est, nous avons fait le choix de la praxis. Nous voulons évoquer l’identité corse de façon tout à fait concrète. D’où l’idée d’organiser commémorations, banquets, conférences et d’autres activités conviviales et communautaires qui nous permettent de diffuser notre point de vue tout en créant du lien. C’est une stratégie gagnante et constructive. Palatinu ne s’oppose pas, il promeut.  

 

Breizh-info.com : Est-il politique, ou surtout culturel et métapolitique ?

Nicolas Battini (Palatinu) : Tout ça à la fois. Si l’on considère que le politique relève de ce qui concerne la Polis (la Cité) grecque, et bien tout est politique. Le culturel est politique. Le métapolitique est politique. En revanche, si votre question consiste à me demander si notre structure est électorale, je vous réponds sans aucune ambiguïté que tel n’est pas le cas. Palatinu a vocation à rassembler nos troupes, à fédérer la communauté de ceux qui sont attachés à l’identité corse dans toutes ses dimensions concrètes, qu’ils viennent du nationalisme corse ou d’autres traditions politiques. L’activité électorale ne le concerne pas. C’est bien d’ailleurs toute sa force et toute sa liberté.

 

Breizh-info.com : Il semblerait que Palatinu n’ait pas que des amis en Corse, comme vous l’avez relaté récemment sur les réseaux sociaux. Expliquez-nous ?

Nicolas Battini (Palatinu) : En effet, une organisation marginale d’extrême-gauche, qui existe depuis une vingtaine d’années sans jamais avoir franchi le cap de la vingtaine de militants, s’est émue de notre poussée significative, avançant que Palatinu « incarne un retour aux fondamentaux de la pensée fasciste dont l’offensive actuelle en direction du mouvement national et de la société corse en général est sans précédent depuis les années 1930. »

De par son côté outrancier, cette communication nous a énormément servis dans la réalité. La quasi-totalité de nos cadres sont jeunes, viennent du nationalisme corse et sont connus dans les différents secteurs qu’ils organisent et structurent. Les quatre centaines de membres à jour de cotisation qui constituent notre force de frappe comptent beaucoup d’entrepreneurs, d’indépendants et de commerçants très intégrés dans le tissu économique et social. Nous sommes des conservateurs et des réactionnaires, c’est incontestable. Nous venons d’horizons différents, des nationalistes de la gauche ouvrière, des nationalistes libéraux, des corsistes de droite ; une chose essentielle nous rassemble : nous aimons la famille telle que nos parents nous l’ont enseignée, un père, une mère, des grands-parents, le village pour repère, l’univers catholique comme socle culturel ; nous aimons la Corse telle que l’avons connue et nous souhaitons la faire perdurer, mieux encore, la régénérer… 

En revanche, les accusations de fascisme sont délicieusement délirantes et contribuent à nous faire connaître auprès des Corses qui ne supportent plus la dictature bien-pensante établie par ceux qui s’inventent des Marches sur Rome chaque samedi. Qui plus est, la société corse étant ce qu’elle est, c’est-à-dire une société de proximité, ces mêmes accusations de fascisme n’opèrent pas bien longtemps en ce que nos membres diffusent autour d’eux ce que nous sommes réellement : des Corses qui veulent simplement défendre leur modèle de vie traditionnel tout en étant attachés à la démocratie et à la pluralité des opinions.

Nous espérons avoir de tels ennemis encore longtemps en ce qu’ils nous aident beaucoup.

 

Breizh-info.com : En quoi la revendication d’une identité chrétienne est-elle fondamentale pour vous, et dans la Corse d’aujourd’hui ?

Nicolas Battini (Palatinu) : L’identité corse est ce qu’elle est. Elle s’est constituée durant des siècles dans l’ensemble occidental romain et s’est imprégnée de la christianisation progressive de l’Empire. Le Moyen-âge a enraciné en un millénaire les usages et les représentations chrétiennes dans les tréfonds de l’âme corse. La Réforme n’a jamais atteint la Corse, quant à la République et au jacobinisme, ils ne sont pas parvenus à y réaliser la même œuvre de déchristianisation qui a abouti un peu partout en France. C’est en cela que l’identité corse est restée profondément catholique. Son hymne est une prière à la Vierge Marie, son drapeau un reliquat de la Reconquista espagnole, sa fête nationale a lieu le jour de l’Immaculée Conception. Des traditions emblématiques et vivantes telles que la paghjella sont des pratiques catholiques devenues profanes. Je pourrais argumenter en ce sens indéfiniment. La chose est évidente. Du reste, rien de bien original en Europe occidentale. Toutes les cultures autochtones qui se sont développées dans notre aire civilisationnelle correspondent peu ou prou au descriptif que je viens d’exposer. Ce qui nous renvoie nécessairement à cette idée de civilisation et de conscience civilisationnelle, idée nouvelle que nous insérons dans le nationalisme corse. En effet, la culture corse est la déclinaison locale et originale de la civilisation gréco-latine. Défendre l’une implique nécessairement de défendre l’autre.

 

Breizh-info.com : Sous quelles formes allez-vous développer l’association, la faire connaitre ? 

Nicolas Battini (Palatinu) : Sous les mêmes formes que nous avons fixées il y a cinq mois, alors que nous n’étions qu’une vingtaine. Des conférences, des repas, des tribunes, notre site internet, des rencontres, des commémorations, des évènements sportifs. Nous misons sur l’intelligence, l’ouverture d’esprit et la convivialité en même temps que sur l’exigence intellectuelle. Notre démarche est l’histoire d’une méthodique et puissante charge de cavalerie qui enfonce profondément les lignes adverses en ce qu’elle culbute un flanc totalement désarmé. En dehors de communiqués outranciers et ridicules ou de manœuvres de caniveau visant personnellement certains de nos responsables – rien de bien original en politique -, nous ne rencontrons aucune force capable de défendre un socle doctrine bien défini et cohérent. En cela, beaucoup nous rejoignent. Des nationalistes corses comme des corsistes de droite.

 

Breizh-info.com : Comment comptez-vous peser sur la société corse ? 

Nicolas Battini (Palatinu) : Nous remplissons notre mission, bien plus tôt que prévu d’ailleurs. Nous imposons d’inévitables débats dans une partie de la société corse. Plus encore, d’aucuns nous prêtent des positionnements que nous n’avons pas. Ainsi, force est de constater que nous n’avons même pas besoin d’évoquer certains sujets pour qu’ils deviennent objets de discussion. Le fait même que nous refusions le wokisme et que nous affirmions notre vision conservatrice et traditionnelle de l’identité corse suffit à beaucoup de nos adversaires pour nous imputer des positionnements relatifs à d’autres questions que nous n’abordons pas, comme un jeu de dominos. C’est amusant. Bien que le processus manque d’honnêteté, il faut avouer qu’il provoque les débats que nous souhaitons provoquer. La précision viendra en temps et en heure. Nous parlons du combat d’une vie qui a vocation à investir tous les champs de l’action publique.

 

Breizh-info.com : Envisagez-vous de travailler avec d’autres associations ailleurs, dans d’autres patries charnelles ?

Nicolas Battini (Palatinu) : Pourquoi pas. Il est vrai que nous avons beaucoup de travail chez nous. La grande affluence que nous connaissons en termes d’adhésions nous impose un rythme soutenu car cela suppose l’organisation permanente et continue d’évènements, internes comme publics, mais rien n’exclut des contacts ailleurs qui du reste sont déjà établis. Nous croyons qu’un grand enjeu de notre combat réside dans le fait de faire infuser la question corse dans tous les réseaux favorables aux identités des Européens. 

 

Breizh-info.com : Votre site Internet est rédigé uniquement en langue corse. C’est un choix culturel et politique fort non ?

Nicolas Battini (Palatinu) : Pas uniquement, mais au moins pour moitié. C’est un choix spontané et évident. Encore une fois, l’essentiel des cadres de Palatinu sont des nationalistes corses de trente ans. Ceux qui ne le sont pas viennent d’une droite très corsiste et enracinée. Lorsque je convoque l’Exécutif, nous parlons corse. La plupart des discussions préparatoires nécessaires pour l’organisation de nos évènements se font en corse. La sociologie majoritaire de Palatinu est périphérique et rurale, beaucoup d’entre nous parlent toujours corse en famille. La langue corse est le témoignage de notre hérédité et de tout ce que nous ont légué nos ancêtres. Elle n’est quasiment pas un objet de revendication, nous avons bien compris que défendre la langue corse consiste avant tout à la vivre et à la pratiquer. Ainsi, rédiger une bonne moitié de notre site en corse s’est fait naturellement, notamment en ce qui concerne les proses, les poésies et un certain nombre d’articles. C’est ainsi. Du reste, c’est une dimension tout à fait significative de notre démarche : être plutôt que paraître. Faire plutôt que réclamer. Néanmoins, le français reste également et pleinement notre langue. Nous ne sommes absolument pas partisans de l’opposition entre langue vernaculaire et langue véhiculaire, c’est un fait de l’Histoire que nous prenons tel quel. Une réalité qui fait écho effectivement à cette double identité qui nous meut, l’une ethnoculturelle, l’autre civilisationnelle. Le corse est le lien qui nous unit à nos ancêtres, à nos anciens, à tout le passé qui nous structure communautairement et individuellement. La terre et les morts. Le français quant à lui nous ouvre d’incroyables portes sur l’une des cultures les plus prestigieuses de l’Humanité ainsi que sur des œuvres littéraires monumentales. Pour finir, que nous parlions l’un ou l’autre, nous ne parlons jamais que latin.

 

Propos recueillis par YV

Source : Breizh-info.com - 26 avril 2023

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