Des vestiges romains aux mosquées datant de 800 ans, le patrimoine exceptionnel de Gaza s’effondre sous les bombes israéliennes. D’après des archéologues, plus de deux tiers des sites historiques de l’enclave ont disparu depuis octobre 2023, emportant avec eux la mémoire d’une histoire millénaire.
Que restera-t-il de Gaza, une fois la guerre terminée ? À Washington, l’administration de Donald Trump a déjà imaginé un plan de reconstruction de l’enclave, alors même que 2 millions de Palestiniens y vivent toujours. Dans un document détaillé de 38 pages, que le quotidien américain The Washington Post a pu consulter, il est envisagé de placer l’enclave palestinienne sous tutelle américaine pendant dix ans, afin de la transformer « en station balnéaire et centre technologique ».
Ce plan pour l’après-guerre prévoit également la création « de six à huit villes intelligentes », ainsi que le déplacement temporaire et forcé des Palestiniens toujours présents sur place, moyennant une aide financière, « ce qui équivaut à un nettoyage ethnique », écrit The Guardian.
Mais le journal britannique souligne par ailleurs l’absence de considération du patrimoine historique de Gaza dans ces plans de reconstruction qui ont plutôt tendance à « privilégier les hôtels et les centres commerciaux imposants ».
Pourtant, avant le début de la guerre, en octobre 2023, « l’Unesco recensait 354 sites et monuments historiques » dans l’enclave palestinienne, rappelle le journal iranien Tehran Times. Un patrimoine exceptionnel, « marqué par le passage des Égyptiens, des Cananéens, des Byzantins et des dynasties islamiques ». « Grecs, Juifs, Perses et Nabatéens ont également vécu le long de cette côte au fil des siècles », souligne aussi Al-Jazeera.
« C’est un mémoricide »
Parmi les sites les plus notables, le média qatari cite notamment le port d’Anthédon, construit en 800 avant J.-C. par les Grecs, l’église orthodoxe de Saint-Porphyre, troisième dans le classement mondial des plus vieilles églises encore fréquentées, ou encore la grande mosquée de Gaza, érigée sur les fondations d’un temple de l’époque cananéenne, au IIe millénaire avant J.-C. Mais tous ont été détruits ou largement endommagés par les bombardements israéliens.
« Selon des experts palestiniens travaillant auprès d’archéologues britanniques, plus de deux tiers des sites historiques, culturels et archéologiques de Gaza sont endommagés, pour certains très lourdement », rapporte The Guardian dans un autre article.
Les bombardements ont également détruit les musées, les bibliothèques mais aussi les universités, énumère Tehran Times. Cité par le journal iranien, un responsable d’Icomos Palestine, une ONG qui œuvre à la conservation de sites et de monuments historiques à travers le monde, affirme que ces destructions « sont une attaque directe contre l’identité palestinienne ».
« Bombarder un musée ou une mosquée datant de plusieurs siècles, ce n’est pas seulement détruire des pierres, c’est effacer les racines d’un peuple », explique-t-il, avant de conclure : « C’est un mémoricide. »
Mélissa David - Courrier international - 5 septembre 2025