Le fait pour un groupe social de faire ensemble des choses moralement répréhensibles et pénalement interdites, soude le groupe et garantit la fidélité de ses membres face aux non-membres et aux groupes concurrents.
Voici un phénomène bien documenté par la recherche en sciences sociales : la cohésion par la transgression partagée. Ce mécanisme est très courant dans les cercles de pouvoir ou d'influence et dans les sociétés secrètes.
Plusieurs mécanismes entrent en jeu :
- Création d'un lien fort : Commettre des actes répréhensibles ensemble crée un secret partagé et une culpabilité collective. Cette expérience intense et interdite peut souder les membres d'un groupe bien plus fortement que des activités banales.
- Mur face à l'extérieur : La conscience de transgresser la loi ou la morale commune isole le groupe du reste de la société. Les membres savent qu'ils ne peuvent pas parler de leurs actes à des « non-initiés », ce qui renforce la frontière entre « nous » (le groupe) et « eux » (les autres).
- Garantie de loyauté : Participer à un acte illégal ou immoral rend toute défection beaucoup plus risquée. Un membre qui voudrait quitter le groupe ou le dénoncer devient immédiatement vulnérable, car il est lui-même coupable. La loyauté est ainsi « achetée » par la participation à la transgression.
On observe ce phénomène dans divers contextes : gangs criminels, sectes, dirigeants corrompus au sein d'entreprises ou d'institutions, sociétés secrètes, et même dans certains rites de bizutage.
Limites et dangers de ce mécanisme
Bien que le mécanisme soit très courant, il présente des limites fondamentales et des dangers majeurs :
- Cohésion fragile et basée sur la peur : Cette solidarité n'est pas fondée sur la confiance ou des valeurs positives, mais sur la peur (de la justice, de la vengeance des autres membres, de l'exclusion). Dès que la menace extérieure faiblit ou qu'un membre se sent en danger à l'intérieur du groupe, la loyauté peut s'effondrer.
- Escalade de la violence : Pour maintenir cette cohésion, le groupe est souvent amené à commettre des actes toujours plus graves pour tester la loyauté des nouveaux membres ou resserrer les liens entre les anciens.
- Absence de valeurs positives : Un groupe qui ne se maintient que par la transgression partagée manque souvent d'un projet positif ou d'une raison d'être constructive. Il est principalement défini contre la société, et non pour quelque chose.
- Destruction individuelle : Ce processus est extrêmement destructeur pour les individus qui le subissent, les enfermant dans une spirale de culpabilité et les coupant de tout autre réseau social.
11 septembre 2025
