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La livraison automnale du n° 71 de Réfléchir & Agir va ravir un large public. Outre un bref entretien avec l’excellent Xavier Eman, l’évocation de la New-Wave musicale et la découverte des jacobites d’outre-Manche et du Parti social nationaliste syrien, le dossier central aborde un sujet salutaire : « La nécessaire remigration ».

Les rédacteurs s’attachent à montrer par des textes concis et percutants ses précédents historiques ainsi que son effectivité réelle. Or, ils passent un peu trop rapidement sur les implications juridiques et diplomatiques que susciterait la mise en œuvre d’une politique « remigratoire ». Intitulé « Un quinquennat pour la remigration », l’article de Klaas Malan est le plus charpenté : il présente à grands traits ce que ferait un authentique État national-identitaire au nom du sursaut public. Eugène Krampon insiste, lui, sur l’indispensable « Dénationalisation des Français de papier », ce qui supposerait d’appliquer, fort du précédent juridique des « crimes contre l’humanité », des actions rétroactives prises au nom du combat contre les « crimes envers le peuple, la nation et l’identité ».

Pour réussir cette politique de remigration, les rédacteurs soutiennent assez paradoxalement une vision fort gaullienne de la Ve République qui n’a plus cours d’ailleurs. Klaas Malan envisage le recours « à l’armée et aux immenses potentialités de l’article 16 de la Constitution ». Si le président de la République peut user de cet article particulier, il doit d’abord prévenir par un message radio-télévisé ses compatriotes. Le Conseil constitutionnel a l’obligation de rendre un avis publié au Journal officiel sur les motivations présidentielles. Le Parlement se réunit de plein droit et, pendant toute la durée de la période d’exception, l’Assemblée nationale ne peut être dissoute. Enfin, toutes les décisions exceptionnelles élyséennes sont transmises au Conseil constitutionnel qui peut publier ou non ses attendus. Avec des politiciens retraités nommés par leurs compères politicards, il ne fait guère de doute que les hiérarques du Palais royal s’opposeront à l’emploi des pleins pouvoirs présidentiels et récuseront ainsi toute véritable remigration.

On retrouve ce verrouillage institutionnel avec l’usage de l’article 11 qui permettrait la révision extra-parlementaire de la Constitution par la voie référendaire. Charles De Gaulle l’a utilisé en 1962 (élection au suffrage universel direct du chef de l’État) et en 1969 (réforme du Sénat et régionalisation). En 1962, le président du Sénat, Gaston Monnerville, avait hurlé à la forfaiture. Saisi, le Conseil constitutionnel, bien que composé d’une majorité de fidèles gaullistes, avait adressé à la présidence de la République un avis resté secret qui condamnait la lecture présidentielle de l’article. Il précisait cependant que les électeurs convoqués au référendum seraient en dernière instance les juges ultimes.

Recourir de nos jours à l’article 11 pour modifier le texte constitutionnel serait retoqué par les neuf conseillers constitutionnels qui exigeraient des fonctionnaires et des maires de ne pas contribuer au scrutin. Par une série continue d’actes de jurisprudence, le Conseil constitutionnel a neutralisé les articles 11 et 16. Il n’est même pas certain que cet organisme entérine le principe de l’« Assemblée constituante » de la VIe République réclamée par Jean-Luc Mélenchon.

Avec tout ce corset juridique, l’actuel ordonnancement institutionnel empêche en fait toute véritable remise en cause de l’hypertrophie juridique et de l’affadissement du pouvoir politique. Le chef d’État national-identitaire devra affronter les pratiques coutumières constitutionnelles. Face à un inévitable blocage légal, le dirigeant hexagonal disposerait d’un atout majeur : la force armée. Il devrait alors l’utiliser sans hésiter.

Les coups d’État en France réussissent seulement quand l’exécutif les fomente à condition d’opérer au préalable une épuration interne de l’encadrement militaire et administratif largement infesté d’opposants, avérés ou non, à toute politique de remigration. Il pourrait s’affranchir des contraintes légales de l’article 16, de l’état de siège (article 36) et de l’état d’urgence. Le coup d’État présidentiel entraînerait l’abrogation de la Constitution de 1958 maintes fois révisée, la dissolution du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, de la Cour de cassation, des deux chambres du Parlement, des partis politiques, et la mise au pas des réseaux sociaux, des chaînes télévisées et des radios. À l’instar de l’« Opération Rubicon » du 2 décembre 1851 préparée par le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte qui demeure un modèle du genre, ce coup de force devra ensuite être impérativement approuvé par référendum puisqu’il s’agira de changer les règles du jeu politique, de remplacer le modèle institutionnel et de passer de l’« État de droit libéral » à l’« État de loi » traditionnel.

Le nouvel État remigrateur buterait sur d’autres difficultés. Scipion de Salm propose, dans un autre article, la sortie de la France « de très nombreux traités et conventions, inclus notamment dans le cadre des principes et règlements de l’ONU, de l’UE, de l’OTAN, et des innombrables conventions ». Le collaborateur de Rivarol propose de quitter les Nations unies. Ce serait une grave erreur. Certes, « l’ONU est une institution néfaste », mais en tant que membre de droit du conseil de sécurité, la France dispose du droit de veto. L’auteur soutient que cela n’a pas empêché l’invasion anglo-saxonne de l’Irak en 2003. Il oublie que cette invasion s’est faite hors de toute résolution onusienne, empêchant la France de Jacques Chirac de mettre le veto. Par ailleurs, sur ordre direct du même Chirac, les services secrets français fournirent à la CIA bien des renseignements sur l’Irak baasiste.

La remigration plongerait la France dans des campagnes internationales hystériques de désinformation massive. Elle pourrait en outre subir un embargo économique et/ou un blocus. Avec le droit de veto, elle pourrait tenir tête au cosmopolitisme. Sans cette procédure, trois États résistants exemplaires (la République populaire démocratique de Corée, la République islamique d’Iran et le Bélarus) sont obligés de se tourner vers Pékin et Moscou afin d’atténuer la portée dévastatrice des sanctions posées par le Bloc occidental atlantiste.

En 1950, l’intervention militaire de l’ONU dans la péninsule coréenne qui aurait dû se réunifier alors a été rendue possible par l’absence volontaire de l’URSS. Au moment crucial, Moscou aurait pu s’opposer à cette expédition occidentaliste. Les Soviétiques commirent ce jour-là une erreur irréparable. Évitons à tout prix que la France albo-européenne nationale-identitaire fasse la même erreur !

Que ce soit en politique intérieure ou dans le domaine diplomatique, une législation nouvelle compatible avec la remigration surgira au forceps de l’actualité. Le droit n’est-il pas au fond un rapport de forces permanent ?

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