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Ce dimanche 27 décembre les déclarations du ministre de l'intérieur bavarois, Joachim Hoffmann auraient dû faire sensation. Elles se trouvaient très logiquement en vedette sur la page d'accueil du quotidien conservateur allemand favori die Welt. Son entretien avait été, en effet, réalisé par l'édition dominicale du journal qui s'appelle Welt am Sonntag. L'article a été publié sur le site du quotidien à 01 h 53 du matin. (1)⇓

On y apprenait que la Bavière qui s'intitule fièrement, aujourd'hui encore, et de par sa constitution de 1946, "l'État libre de Bavière" entend désormais assurer elle-même le contrôle de ses frontières. C'est d'ailleurs par celles-ci que passe, depuis l'été, le principal flux des réfugiés et migrants divers attirés par la nouvelle politique immigrationniste de la chancelière fédérale. Selon le ministre de l'Intérieur bavarois, les contrôles réalisés à la frontière germano-autrichienne sont inadéquats et représentent "un risque immense pour la sécurité" en Bavière.

Or, cette fronde met en péril une des données fondamentales de tout édifice fédéral : les fédérés y sont supposés avoir délégué la défense des frontières, comme la politique extérieure, à la fédération. La loi fondamentale allemande de 1949 n'y échappe pas. On trouve ainsi en présence d'une remise en cause explosive. Si elle faisait tâche d'huile, on pourrait, par exemple, imaginer un pouvoir régional mettant en question la gestion par l'État central parisien de la situation de Calais : impensable, dira-t-on, dans un pays de vieille centralisation. Et pourtant les habitants ne supportent plus la situation. Idem en Corse.

On aurait donc pu s'attendre dans la journée du 27 à voir apparaître certains commentaires sur les grands sites d'information de l'Hexagone. Ne serait-ce que pour stigmatiser la xénophobie bavaroise, peut-être même l'islamophobie ou même pour ironiser sur les difficultés de nos cousins germains, ils allaient en parler.

Et bien pas du tout. À l'heure où ces lignes sont écrites, peu de temps avant les journaux télévisés du soir, ni "Le Monde", ni "Libé", ni "Le Figaro" n'ont encore donné leur avis. Pas même "L'Huma". Le journal communiste donne pourtant la parole en vedette à Erri de Luca. Aux dires de ce personnage : "Notre classe dirigeante sera issue de Lampedusa". Magnifique, enthousiasmant, n'est-ce pas ? Vous n'aurez même pas le choix entre les immigrants de Calais, ceux de Lesbos ou ceux de Lampedusa… ce n'est même pas à prendre ou à laisser : c'est comme ça et pas autrement. (2)⇓

Plusieurs raisons peuvent expliquer le retard à l'allumage.

La plus vraisemblable me semble, hélas, au-delà de la négligence et de l'incompétence, l'absence d'un éclairage AFP, source essentielle d'information hexagonale, recyclant en général les mots d'ordre venus des services de l'Élysée.

Mais comment le pouvoir central parisien peut-il réagir face à une pareille nouvelle ? Déjà lorsqu’il a été question de renforcer Frontex l'opinion hexagonale a été singulièrement désinformée : quelques centaines de fonctionnaires supplémentaires relevant d'une autorité communautaire étaient présentés comme suffisants pour combler le désarroi des États périphériques livrés à eux-mêmes face à une politique imposée par Mme Merkel.

Or, on ne veut pas que les Français puissent douter du soutien de l'opinion populaire allemande aux ukases du gouvernement de Berlin. Le 14 décembre un congrès de la CDU à Karlsruhe a permis de manifester l'adhésion, au moins formelle, de son parti à la politique de la chancelière dont le programme en 11 points pour les 25 prochaines années a été très applaudi, malgré son caractère dérisoire à bien des égards et en l'absence des chrétiens-sociaux bavarois. Très rapidement on a pu découvrir que cette adhésion ne valait pas blanc-seing. "Manifestement", note le correspondant du Monde, Mme Merkel "malgré un discours relativement enthousiaste, n'a pas achevé son travail de conviction ni auprès de ses partisans ni de ses concitoyens."  (3)⇓

Le 26 décembre "Die Welt" avait fait état d'un sondage réalisé pour un organisme de Hambourg soulignant que 16 % seulement des Allemands considèrent que leurs responsables politiques ou économiques ont raison de leur présenter les migrants comme autant de "chances" pour l'Allemagne. Ce pourcentage tombe à 12 % dans les Länder de l'est.  (4)⇓ Sur cette question, la défiance des peuples européens se confirme et s'amplifie. Il me paraît plus que surprenant, en démocratie, que nos dirigeants n'en tiennent aucun compte. La crise migratoire pourrait bien être en passe de devenir révolutionnaire.

JG Malliarakis

→ Retrouver l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101.com

Apostilles

  1. cf. Bayern will Grenzen wieder selbst kontrollieren.
  2. "L'Huma" précise avec gourmandise que cet "écrivain, poète et traducteur italien a été jugé et acquitté de l'accusation d'incitation au sabotage de la ligne ferroviaire à très grande vitesse LyonTurin. Militant de Lotta Continua dans les années 1970, ancien ouvrier, le Napolitain Erri De Luca, devenu montagnard dans le val de Suse, chante les louanges des migrants, force régénératrice de son pays."
  3. cf. la chronique de Frédéric Lemaître du 14 décembre.
  4. cf. article "Deutsche glauben nicht an Chancen durch Flüchtlinge"

http://www.insolent.fr/2015/12/la-crise-migratoire-devient-explosive.html

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