Il est des figures que les médias aiment enterrer à intervalles réguliers, comme s’ils redoutaient qu’un reste de flamme se rallume sous la cendre. Marion Maréchal, petit phénix sans feu, fait partie de ces revenantes trop vivantes pour qu’on les ignore, trop compromises pour qu’on les réhabilite. Le Figaro, dans un grand récit signé Paul Laubacher, vient d’offrir à cette passion française du trépas annoncé une nouvelle variation : Marion serait désormais face au « risque du grand effacement ». Risque ? Allons donc. L’effacement a déjà eu lieu. Ce que l’on contemple à présent, c’est la chorégraphie posthume.
Elle a tout trahi, dit-on. Zemmour, d’abord, qu’elle a quitté à l’heure où la boutique sombrait ; Marine, ensuite, qu’elle avait délaissée avant de revenir, la tête basse mais la mâchoire serrée ; Jordan Bardella, enfin, qui n’a jamais voulu d’elle dans l’ombre portée du pouvoir. Et la voilà aujourd’hui, selon ses propres mots, demandant humblement : « Dis-moi comment je peux être utile. » La phrase claque comme une supplique, et sonne comme un épitaphe.
Mais ce qui rend le spectacle presque délicieux, d’un plaisir qu’un esprit bienveillant n’oserait avouer, mais que la langue allemande nomme avec franchise Schadenfreude, c’est que la trahison n’a servi à rien. Elle a déserté, elle a renié, elle a plié… et pourtant elle reste dehors. Il n’y a pas de pardon dans les familles politiques. On y mange la chair tiède des traîtres, puis on les oublie, sans même un nom gravé sur le mur.
Bardella la méprise, Ciotti l’a remplacée, Marine ne la défend plus. Elle pèse sur le RN comme une mauvaise conscience. Elle gêne. Non parce qu’elle aurait tort, mais parce qu’elle rappelle un passé que le parti cherche à fuir comme une maladie de l’enfance. Trop Front national, trop fille de son grand-père, trop alignée avec l’image d’avant.
Et pourtant. C’est là le sel du paradoxe : Marion reste, malgré tout, mieux cotée que Sarah Knafo. Dans les sondages, dans l’opinion, dans cette étrange alchimie des imaginaires politiques, son nom conserve une puissance que sa parole n’a plus. Pourquoi ? Parce que l’étiquette pèse encore plus que le contenu du flacon. Parce que dans l’esprit de l’électeur français, le nom Le Pen, même mâtiné de Maréchal, vaut plus que la brillance, qu’un think tank, une chronique ou une dissertation sur le libéralisme identitaire.
Ce que Paul Laubacher note, avec un ton mêlé d’ironie et de fatalisme, c’est qu’elle est devenue l’ombre d’elle-même, et que même son ombre dérange. Il ne reste d’elle qu’un sourire crispé, une ambition rentrante, et ce goût amer de l’aveu sans rachat. Comme si elle avait compris trop tard que dans le monde politique, l’on ne revient pas en songeant : on revient en conquérant.
Et encore. Même cela ne suffirait peut-être pas.
Balbino Katz chroniqueur des vents et des marées
Photo d’illustration : DR
Source : Breizh-info.com - 16/07/2025