Le Général (2S) Dominique Delawarde est "Ancien chef du bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique » de l’État-major Interarmées de Planification Opérationnelle

« Cette analyse sur les relations entre ces trois états a été effectuée en février 2017, avant que les sondages pour l’élection présidentielle en France ne désignent nettement un favori. Lire cette analyse après la victoire d’Emmanuel Macron est d’autant plus intéressant. »

 

L’étude des relations bilatérales de ces trois pays, pris deux à deux, est très intéressante car ces relations conditionnent et expliquent bon nombre d’événements géopolitiques majeurs qui agitent la planète aujourd’hui.

On connaît les excellentes relations USA-Israël sans en connaître tous les ressorts, les relations très froides teintées d’hostilité entre les USA et la Russie sans en connaître non plus toutes les raisons, mais ce dont on a moins conscience, c’est que ces relations USA-Russie découlent pour une large part des relations Israël-Russie dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont, malgré les apparences, tout sauf cordiales.

Examinons donc ces relations très particulières Israël-Russie et voyons comment elles conditionnent largement les relations USA-Russie, et pourquoi, malgré la volonté affichée de Trump, ces relations USA-Russie auront beaucoup de difficultés à s’améliorer.

* * *

 

I – Relations Russie – Israël

Derrière les poignées de main et les sourires de circonstance lors des rencontres bilatérales entre Poutine et Netanyahu, la relation entre la Russie et Israël, ne peut pas être bonne pour au moins dix raisons :

1 – La Russie a reconnu, dès novembre 1988, l’état de Palestine dans ses frontières de 1967 à l’ONU en entraînant derrière elle tous ses alliés des BRICS et de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) et de très nombreux états indécis (137 pays au total à ce jour).

2 – La Russie milite inlassablement, avec ses alliés BRICS et OCS, pour la reconnaissance par le reste de la communauté internationale (56 pays) du droit des Palestiniens à un État. Ce point est régulièrement évoqué dans les déclarations finales des congrès annuels des BRICS.

3 – La Russie a toujours voté à l’ONU pour les palestiniens, contre l’état hébreux sur tous les projets de résolutions opposant les deux parties, et notamment sur la résolution 2334 du 23 décembre 2016 dans le vote unanime du conseil de sécurité de l’ONU (14 à 0, abstention US) condamnant la poursuite des implantations israéliennes en Palestine occupée.

4 – La Russie est un allié fidèle et solide de la Syrie de Bachar el Assad, ennemi déclaré d’Israël. Son intervention militaire, en soutien des forces armées du seul gouvernement légal de Syrie, a entraîné l’échec d’un démembrement programmé de ce pays dont Israël espérait tirer profit (en annexant, entre autre, le Golan, château d’eau de la région).

5 – La Russie est un allié solide de l’Iran, principal ennemi déclaré d’Israël, auquel il livre de l’armement défensif (missiles S-300, commande iranienne de 9,3 milliards de $ d’armement en Novembre 2016 pour des chars T 90 et des avions).

Vladimir Poutine soutient aussi la candidature de Téhéran qui souhaite être membre à part entière de l’OCS (l’Iran en est « membre observateur » depuis plusieurs années). Une appartenance de l’Iran à l’OCS et les livraisons d’armes et de technologies russes pourraient rendre plus délicate, voire plus coûteuse, une intervention militaire préemptive du binôme israélo-US. Quant à la remise en place, contre l’Iran, de sanctions approuvées par l’ONU, elle est peu probable car la Russie, elle même objet de sanctions USA-UE, appliquerait son droit de veto et serait probablement suivie par la Chine).

6– La Russie entretient de bonnes, voire d’excellentes relations avec la Turquie et l’Irak, l’Égypte et la Libye, qui ne sont pas vraiment de grands amis d’Israël.

7 – La Russie a toujours condamné, avec ses alliés des BRICS et de l’OCS, la politique de colonisation, d’apartheid, de répression brutale et disproportionnée de l’état hébreu en Palestine, notamment à Gaza.

8 – La Russie a été, historiquement, terre de très forte présence juive et surtout terre de pogroms, notamment au XIXème et au début du XXème siècle. Une émigration récente et considérable des juifs de Russie (près d’un million depuis 1990) vers Israël ou vers les pays de la coalition occidentale a pu, à tort ou à raison, être perçue comme une forme de désertion par les autorités russes. Elle a considérablement réduit l’effectif et donc le poids politique de la communauté juive en Russie. En 1960 il y avait encore 2,3 millions de juifs en URSS (sur 212 millions d’habitants). Ils ne sont plus que 200 000 aujourd’hui dans la Russie de Poutine (sur 145 millions d’habitants).

9 – Pour assurer son pouvoir, Poutine a dû affronter une nomenklatura et une oligarchie ayant une très forte composante issue de la communauté juive (25% sur les 200 principaux oligarques, beaucoup plus sur la nomenklatura héritée de Eltsine). Pour éliminer ses principaux opposants membres de cette oligarchie, Poutine a dû frapper fort et faire des exemples (Berezovski, Goussinski, Mikhaïl Khodorkovski,Vladimir Yevtushenkov…). S’agissant de la nomenklatura, il a remplacé progressivement les proches de Eltsine par des hommes à lui à tous les postes clefs.

L’influence du Congrès juif de Russie s’en est trouvé, peu à peu, considérablement réduite.

10– Poutine sait depuis longtemps qui a monté, contre les intérêts russes, le coup d’État de Maidan en Ukraine alors qu’il préparait et tentait de réussir ses jeux olympiques de Sotchi. Il sait que Victoria Nulland, maître d’œuvre US de ce coup d’état, est une néoconservatrice pure et dure d’ascendance ashkénaze. Il connaît les liens très étroits qui lient les néoconservateurs US à l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Commitee) et l’AIPAC à Israël. Il connaît ceux qui, au Congrès US, s’opposent aujourd’hui à toute amélioration des relations USA – Russie, pourtant souhaitée par Trump. Il sait l’influence qu’exerce Benjamin Netanyahu sur ces « néocons » du Congrès US.

Au total, le simple examen des faits ci dessus évoqués montre que la Russie de Poutine et l’État Hébreu de Benjamin Netanyahu ne peuvent être que des adversaires irréductibles.

Ces deux hommes qui ne respectent que la force et les chefs d’état forts qui leur ressemblent, ne peuvent que se respecter, voire s’estimer, tout en s’opposant farouchement et froidement l’un à l’autre.

Tous les moyens vont être utilisés par les deux partis pour isoler, affaiblir, neutraliser l’adversaire. S’agissant d’Israël ces moyens utilisés vont inclure l’action conjointe de tous les lobbies qui le soutiennent dans de grands pays (USA, France, GB, Canada, Australie, mais aussi Russie, Brésil, Argentine). Ces lobbies qui lui sont attachés sont particulièrement actifs dans la politique, les médias, les affaires et chez les people.

Le russian bashing dans les médias occidentaux et l’attaque systématique dans ces mêmes médias de tous ceux qui, de près ou de loin, soutiennent la Russie ou veulent simplement dialoguer avec, ou avec tout autre adversaire d’Israël, peuvent facilement se comprendre ainsi.

* * *

II – Relations USA – Israël

La relation « fusionnelle » entre les États Unis et Israël est mieux connue, plus ouverte, mais rares sont ceux qui en identifient tous les ressorts et connaissent la véritable ampleur de l’influence de l’état hébreu sur la politique étrangère US.

Il faut se souvenir que le vote de la résolution 181 des Nations Unies sur le plan de partage de la Palestine et la reconnaissance d’un État juif n’a été obtenu le 29 novembre 1947 qu’après plusieurs tentatives infructueuses dont la première datait de septembre 1947. Les votes favorables n’étant pas suffisants en septembre et toujours pas le 25 novembre, le Yichouv représentant le mouvement sioniste en Palestine, a fait appel à la riche communauté juive américaine et en particulier à la « Zionist Organization of America (ZOA) » pour faire pression sur le gouvernement US afin qu’il incite certains états, en situation de dépendance, à changer leur vote.

Cet appel a porté ses fruits puisque 8 états (dont la France, fortement dépendante du plan Marshall) ont changé leur vote en 4 jours, entre le 25 et le 29 novembre 1947 permettant enfin la reconnaissance de l’état d’Israël. Notons, pour l’anecdote, que Staline, croyant que Ben Gourion allait faire du nouvel état un état communiste, a fait voter en faveur du plan de partage.

A la suite de cette première réussite dans l’instrumentalisation de la communauté juive américaine, l’état hébreu a compris tout l’intérêt d’organiser et de cultiver sa relation avec les États Unis, pays surpuissant, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto.

Dès 1951, l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Comittee), principal outil d’influence d’Israël sur le gouvernement des États-Unis, est créé. Il se donne six objectifs principaux :

  • Faire du lobbying auprès du Congrès américain et de la Maison Blanche pour préserver lesintérêts israéliens,
  • S’assurer du veto des États-Unis contre toute résolution de l’ONU condamnant les actions israéliennes,
  • Assurer une aide financière et militaire généreuse envers Israël,
  • Préparer la future génération de leaders US pro-Israéliens,
  • Surveiller les votes et les propos des élus américains concernant les affaires liées de près ou de loin à Israël,
  • Coordonner et orienter les donations des juifs américains pour les candidats auxélections, notamment présidentielles.

Il est important de noter que ce puissant lobby est riche, bipartisan et plutôt transparent

Après plus de 65 ans d’existence, il est particulièrement efficace tant chez les Démocrates que chez les Républicains. Il ne cache pas grand-chose de ses objectifs et de ses méthodes.

C’est peut être, en partie, ce qui fait sa force.

Il est également important de noter qu’au travers des donations aux candidats aux élections, l’AIPAC « achète » évidemment le vote du parlementaire élu grâce à son aide, ou la position de politique étrangère du Président des États-Unis élu grâce aux donations de ses membres, ou des postes clefs de conseillers dans la haute administration US, notamment dans la politique étrangère, dans le secteur de la défense et dans le renseignement.

L’AIPAC peut évidemment compter sur une très forte majorité des médias qu’il contrôle et qui lui est dévouée et sur de nombreux  people  qu’il a contribué à promouvoir.

A noter que ce système qui fonctionne de manière ouverte aux USA, existe aussi, mais de manière plus occulte, dans certains autres pays de la « coalition occidentale ».

Pour compléter ce dispositif, le Mossad a mis en place, principalement aux USA mais aussi ailleurs, un dispositif très efficace facilitant le renseignement et l’action directe. Il s’agit du système unique des sayanims, individus de bon niveau et bien placés dans la société, membres de la diaspora et acceptant d’aider Israël. Ce système est parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa courte conférence consultable sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch ?v=2FYAHjkTyKU

Selon lui, ils seraient environ 15 000 aux USA.

Ce dispositif est également évoqué par Victor Ostrovsky, ancien agent du Mossad ayant fait défection, ou par Gordon Thomas, dans son livre : « l’histoire secrète du Mossad ».

Enfin l’AIPAC, outil d’influence d’Israël au cœur de la gouvernance US, est très lié à l’idéologie néoconservatrice. Ce lien apparaît clairement dans l’article de Laurent Guyenot de mars 2013 :

Extrait : « Le néoconservatisme, qui est généralement perçu comme une droite républicaine extrême, est en réalité un mouvement intellectuel né à la fin des années 1960 au sein de la rédaction de la revue mensuelle Commentary, l’organe de presse de l’American Jewish Committee qui a remplacé le Contemporary Jewish Record en 1945.

The Forward, le plus ancien quotidien juif américain, écrit dans un article de 2006 : « S’il y a un mouvement intellectuel en Amérique dont les juifs peuvent revendiquer l’invention, c’est bien le néoconservatisme. Cette pensée horrifiera sans doute la plupart des juifs américains, majoritairement libéraux. Et pourtant c’est un fait qu’en tant que philosophie politique, le néoconservatisme est né parmi les enfants des immigrants juifs et qu’il est actuellement le domaine particulier des petits-enfants de ces immigrants ». L’apologiste du néoconservatisme Murray Friedman explique cela par la bénéficience inhérente au judaïsme, « l’idée que les juifs ont été placés sur terre pour en faire un monde meilleur, peut-être même plus sacré. »

On peut effectivement constater que les principaux néoconservateurs américains qui ont fondé le PNAC (Project for a New American Century) en 1997, et rédigé son texte de référence Rebuilding America’s Defenses en 2000, sont d’ascendance juive (Krauthammer, Kristol, Podhoretz, Perle, Kagan, Horowitz, Wolfowitz, etc.).

Depuis septembre 2001, ce sont bien les néoconservateurs qui ont initié la politique d’ingérence US tous azimuts et tout prétexte de Bush (Irak, Afghanistan), et qui ont continué, à un moindre degré sous Obama, à influencer la politique étrangère (printemps arabes, Libye, Syrie, Yémen, Ukraine). Si le PNAC est bien mort en 2006 suite au conflit irakien, l’idéologie néoconservatrice, elle, imprègne encore les esprits dans la politique et la haute administration US.

Obama n’a réussi à échapper à cette influence « néoconservatrice – AIPAC » qu’à trois occasions, lors de son second mandat, alors qu’il ne cherchait plus la réélection :

  • le refus d’appliquer des frappes sur les forces du régime syrien du 30 août 2013,
    • l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015,
    • l’abstention US lors du vote du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la poursuite des implantations israéliennes en Palestine occupée du 23 décembre 2016.

L’influence incontournable et la puissance de l’AIPAC se sont clairement exprimées lorsque Benjamin Netanyahu a pu se faire inviter par le président du Congrès US à prononcer un discours, devant les parlementaires, le 3 mars 2015, contre la volonté du président Obama, ce qu’aucun autre chef d’état au monde n’est capable de faire, et ce qu’il a probablement payé le 23 décembre 2016.

Quid de la relation entre l’AIPAC et Trump aujourd’hui ?

Le 21 Mars 2016, Hillary Clinton et Trump ont effectué leur « grand oral » à la conférence annuelle de l’AIPAC. Le flamboyant Trump a fait un tabac auprès des congressistes mais pourtant, c’est la prévisible et plus « docile » Hillary qui a été adoubée par la direction de l’AIPAC au grand dam de ses militants.

Notons au passage un élément important de ce choix : H. Clinton affichait son hostilité, voire une véritable agressivité à l’égard de la Russie tandis que Trump proclamait qu’il fallait s’entendre avec les Russes et coopérer avec eux dans la lutte contre le terrorisme.

La position de Trump sur la Russie ne pouvait qu’indisposer l’AIPAC, représentant les intérêts d’Israël, adversaire de la Russie, et les néoconservateurs (liés à l’AIPAC), partisan d’une suprématie sans partage des USA et donc d’une lutte sans merci contre tout challenger pouvant contester leur monopole de superpuissance.

Conformément aux objectifs qu’il s’est fixé, l’AIPAC a orienté les donateurs vers les deux candidats, en privilégiant très fortement H. Clinton. Dans les dix derniers jours de campagne, anticipant une possible victoire de Trump, l’AIPAC a fait un petit effort en sa faveur pour faire valoir son image bipartisane et surtout pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Bien lui en a pris.

Plusieurs journaux de l’état hébreu tel Haaretz, le Jerusalem Post, JSS News, se sont réjouis du niveau des donations de la communauté juive américaine aux deux candidats : selon JSS News et le Jérusalem Post, 50% des donateurs de Clinton et 25% des donateurs de Trump étaient juifs.

Selon Haaretz qui nous a livré leurs noms, les 5 plus gros donateurs de Clinton étaient également juifs. Cela donne une idée du niveau de l’investissement de l’AIPAC, représentant les intérêts d’Israël, dans la campagne présidentielle US. Cela donne aussi une idée du niveau des retours sur investissement attendus par l’AIPAC.
Quels ont été ces retours jusqu’à présent ? Ils semblent à la hauteur de l’investissement mais sans plus. Il y a :

  • La promesse de campagne de transférer l’ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem, dont nul ne sait si Trump la tiendra,
    • Le projet de décret présidentiel contre l’ONU qui a osé défier Israël par une condamnation de la politique d’implantation en Palestine occupée, à l’unanimité du conseil de sécurité (14 à 0, abstention US). Nul ne sait encore si Trump va signer ce décret.,
    • La nomination comme ambassadeur en Israël de David Friedman, soutien de la colonisation israélienne en Cisjordanie et adversaire déclaré d’une solution à deux Etats,
    • La nomination comme conseiller spécial sur les affaires du Proche et Moyen orient de Jared Kushner, 36 ans, gendre de Trump et mari d’Ivanka, juif orthodoxe, soutien assumé d’IDF (Israeli Defense Forces), sayan dont l’impartialité sur le problème israélo-palestinien est loin d’être évidente.
    • La nomination de quelques membres du cabinet : Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor, Gary Cohn, directeur au budget entre autres.

Mais Trump a également mis en place de puissants contre-pouvoirs en nommant Steve Bannon, haut conseiller à la stratégie (*). Directeur de campagne de Trump mais trop indépendant de l’AIPAC, Bannon dérange au point qu’une campagne est organisée contre lui pour obtenir son départ. Il est qualifié de raciste, de suppôt de l’extrême droite et d’antisémite par ses opposants dont il n’est pas très compliqué de savoir qui les instrumentalise en sous-main.

Trump a également nommé au département d’État (ministère des affaires étrangères) Rex W Tillerson, un proche de Vladimir Poutine, décoré par lui de l’ordre russe de l’amitié en 2013. Ceci ne fait les affaires ni de l’AIPAC, ni d’Israël. Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, Tillerson a dû simuler une prise de distance suffisante avec la Russie pour pouvoir obtenir sa confirmation mais il a dû aussi promettre de prendre Elliot Abrams, candidat de l’AIPAC, comme adjoint.

Sur le conseil de Steve Bannon, Trump a refusé d’attribuer le poste d’adjoint de Tillerson à Elliot Abrams, néoconservateur pur et dur, gendre de Norman Podhoretz, gourou de l’idéologie néoconservatrice et membre éminent du lobby pro-israélien. C’est un échec de l’AIPAC qui tentait d’infiltrer l’un des siens au plus haut niveau de la politique étrangère US. Les choses sont parfaitement claires : Trump et Bannon ne veulent pas d’une politique étrangère inspirée par les néocons et par l’AIPAC.

Enfin Trump a nommé à des postes clefs 4 généraux (un record) qui ne semblent pas avoir de liens avec l’AIPAC. Flynn, conseiller à la Sécurité Nationale ; Mattis, secrétaire à la Défense ; Kelly, secrétaire à la sécurité du territoire ; Zinke, secrétaire à l’intérieur.

Lors de la période de transition et alors que Trump était en conflit avec la CIA sur l’ingérence présumée des russes dans la campagne électorale US, c’est le directeur du Mossad Yossi Cohen qui est venu, le 17 décembre 2016, exposer à l’équipe de Trump sa vision de la situation internationale, notamment au Proche et Moyen-Orient et sur le conflit israélo-palestinien, en présence de Yaakov Nagel, chef du conseil de sécurité national israélien et de Ron Dermer, ambassadeur israélien aux États Unis. C’est encore Israël qui a lancé la première invitation pour une visite d’État au nouveau président US.

Ceux qui souhaitent creuser le sujet des relations USA-Israël peuvent se référer à l’excellent ouvrage de John Mearsheimer et Stephen Walt, deux universitaires de très haut niveau en science politique des l’universités de Chicago et d’Harvard : The Israël Lobby and U.S. Foreign Policy « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine ». (Résumé en français sur : http://republique-des-lettres.fr/10050-mearsheimer-walt.php) Les deux universitaires ont évidemment perdu leur poste et leur carrière (la liberté d’expression a des limites aux USA et les vérités ne sont pas toutes bonnes à dire), mais cela donne de la crédibilité à l’ouvrage qui est intéressant et très argumenté.

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, examinons maintenant où en sont les relations USA-Russie et leur possible évolution.

* * *

III- Relations USA – Russie.

Sous l’influence des néoconservateurs US, démocrates et républicains, liés à l’AIPAC, et avec l’appui quasi unanime des médias états-uniens dont on sait qui les contrôle, le Russian Bashing (dénigrement systématique de la Russie), est devenu très à la mode Outre-Atlantique. Dans ces conditions, les relations USA-Russie ne peuvent être bonnes et auront bien du mal à s’améliorer.

Il y a, bien sûr, l’héritage lointain de la guerre froide dont on laisse entendre aux populations occidentales qu’elle est de retour en raison de la volonté et des actions du « dictateur ( ?) » Poutine.

Il y a « ce méchant Poutine, allié de Bachar, qui ne combat pas DAESH ???, mais qui massacre les pauvres « terroristes modérés » qui veulent promouvoir la démocratie et les droits de l’homme en Syrie » ; « Ce méchant Poutine qui écrase ALEP sous les bombes, et qu’il faudrait juger au TPO (Tribunal Pénal Occidental) pour crime de guerre et crime contre l’humanité ; ».

Il y a « ce méchant Poutine qui agresse la pauvre Ukraine et annexe la Crimée (on n’ose pas ajouter contre la volonté de sa population) » ; et qui soutient les deux républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk contre le gouvernement légitime ( ?), issu du coup d’état de Maidan  ».

Il y a « ce méchant Poutine qui provoque l’OTAN et menace l’occident tout entier par ses actions en Ukraine et au Proche orient ; » et qui ose faire transiter sa flotte par la Manche.

Il y a aussi« ce méchant Poutine qui vient perturber les élections US en favorisant l’élection de Trump » et qui, avec Wikileaks et Julien Assange complote contre les États-Unis.

Il y a, encore et toujours, « ce méchant Poutine, qui envoie 100 hooligans, super entraînés au combat, rosser 2 000 supporters (et hooligans) anglais lors de la coupe du monde de football ; »

Il y a ce méchant Poutine qui dope ses athlètes et dont le pays doit être interdit de JO, alors que nous, gentils occidentaux, ne dopons jamais nos sportifs (sauf exceptionnellement tout de même : Lance Armstrong et beaucoup d’autres).

Il y a enfin « ce méchant Poutine qui, à l’ONU, met son veto, avec la Chine, à toutes les excellentes résolutions que nous proposons pour favoriser la paix dans le monde et l’instauration de la démocratie ; »

Il y a même, pour les météorologues, ces vagues de froid désagréables qui nous viennent de Sibérie, pays du méchant Poutine.

Depuis que Trump a exprimé sa volonté d’améliorer la relation USA-Russie …, l’hystérie russophobe a véritablement explosé dans tous les milieux sous forte influence AIPAC (camp démocrate, néocons, médias, sayanims, people).

Qu’on en ait eu conscience ou non, Israël a certainement indiqué sa préférence à la direction de l’AIPAC, son relais aux États-Unis, pour qu’il soutienne prioritairement la russophobe Clinton dans l’élection présidentielle. L’AIPAC l’a fait de manière très officielle en mars 2016. Si Tel Aviv ne l’avait pas voulu, il ne l’aurait pas fait.

Aujourd’hui, Israël n’a pas changé d’avis. Trump, le russophile, élu malgré tous les efforts consentis pour le faire battre, avec 95% des médias contre lui, un budget de campagne de 800millions de $, très inférieur à celui de Clinton (1,3 milliard de $) n’est pas le Président espéré par Tel Aviv et il faut donc le mettre dans une situation telle qu’ il ne puisse pas réaliser un rapprochement avec la Russie, préjudiciable aux intérêts israéliens.

Soutenus par l’AIPAC, les néoconservateurs et les sayanims de tous les secteurs, les médias et les people sont à la manœuvre. Le milliardaire SOROS, 87 ans, d’ascendance ashkénaze, bien connu pour avoir financé toutes les « révolutions colorées » dans le monde, expert de classe mondiale dans la création du chaos, fervent soutien et second principal donateur de la campagne d’Hillary, dirige la dissidence en finançant très ouvertement les manifestations anti-Trump dans quelques grandes villes à forte majorité démocrate. Ces manifestations sont évidemment relayées et leur ampleur fortement exagérée par des médias complices, y compris en Europe.

Du côté du Congrès, Netanyahu et l’AIPAC comptent aussi sur l’appui de leurs nombreux soutiens néocons démocrates mais aussi républicains.

Dans le propre camp du président élu, le sénateur Mc Cain, président de la commission de la défense, et le sénateur Lindsay Graham, président de la commission des affaires étrangères, ont déjà déclaré leur opposition déterminée à toute levée par Trump des sanctions contre la Russie.
Ils ont même menacé Trump de passer par la voie législative pour interdire tout rapprochement jugé contraire aux intérêts des États Unis et à la sécurité nationale.

Les jeunes sénateurs Rubio et Cruz, anciens concurrents de Trump à la primaire républicaine, qui souhaitent évidemment poursuivre une brillante carrière politique, se sont prononcés, eux aussi, contre tout rapprochement avec « l’ennemi » russe.

Dans de telles conditions, Trump aura du mal à faire valoir son point de vue et à tenir ses promesses de campagne. Il rencontrera beaucoup d’obstacles sur le chemin de la normalisation des relations avec la Russie. Il n’a pas la majorité au Congrès sur tous les sujets si l’on tient compte des parlementaires néocons de son propre camp qui travaillent directement pour l’état hébreu.

Pour conclure, sur les relations USA-Israël, le seul homme qui dispose vraiment de la majorité absolue au Congrès US aujourd’hui est bien Benjamin Netanyahu.

Mais Trump est un homme fort, déterminé et malin qui sait parler au peuple américain.
Contre toute attente, il a gagné les primaires républicaines. Contre toute attente, contre 95% des médias et des instituts de sondage, et avec moitié moins de dépenses que son adversaire, il a gagné la présidentielle. Il ne renoncera peut être pas à la normalisation des relations avec la Russie. Son Secrétaire d’État Tillerson est populaire. Il peut, à petit pas, y parvenir en obtenant, par exemple, un nouvel accord sur le désarmement.

* * *

En conclusion, on peut vraiment se demander si l’action bipartisane et combinée de l’AIPAC, des néoconservateurs et des sayanims US, tous étroitement unis dans la défense des intérêts de l’état hébreu, ne décide pas souvent de la politique étrangère des États Unis et donc de la paix ou de la guerre dans telle ou telle partie du monde.

Il est aussi fascinant de constater qu’Israël, petit État de 22 000 km² (2 fois le département de la Gironde), peuplé de 8,6 millions d’habitants (30% de moins que l’Île De France) puisse exercer une telle influence au niveau planétaire.

Ce système « pro-Israël » qui fonctionne parfaitement aux États Unis existe-t-il à l’identique dans d’autres pays ? La réponse est oui.

Un tel système existe, mais plus opaque, dans une bonne dizaine de pays au moins, parmi lesquels la France, la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie mais aussi le Brésil, l’Argentine et même la Russie où il est, aujourd’hui, maîtrisé par Poutine.

En France, il existe bien un lobby dont l’influence a été évoquée par François Mitterand. Il existe bien des néocons qui influencent les décisions de politique étrangère et de défense. Le journaliste d’investigation Vincent Jauvert en a débusqué tout un groupe qui contrôlerait le Quai d’Orsay et serait gentiment surnommé par leurs collègues : « la secte ».

Quant aux sayanims, ils seraient environ 2000 en France selon Jacob Cohen. On les trouve évidemment dans le gouvernement et la haute administration, au parlement (60 députés franco – israéliens), aux Affaires Étrangères, à la Défense, dans le renseignement, dans la presse, dans l’audiovisuel, à la culture, dans les affaires et chez les people.

Ceci explique que notre politique étrangère soit strictement alignée sur celle des USA depuis 2007. Ceci explique aussi que notre presse se soit strictement alignée sur la presse US pour porter la candidature d’Hillary, la russophobe, contre Trump le russophile. Ceci explique enfin pourquoi nos médias poursuivent le dénigrement systématique de Trump avec leurs partenaires US.

On peut aussi se demander si le « système » décrit ci-dessus, en essayant de promouvoir, pour les prochaines présidentielles françaises, un candidat à sa botte, ne fait pas payer à Mr François Fillon sa volonté affichée de dialogue avec Poutine et Bachar el-Assad, deux adversaires d’Israël.

Le simple examen des noms, des CV et des entreprises des patrons des médias les plus agressifs envers Mr Fillon est, en effet, assez révélateur.

Il y a le groupe Le Monde avec Louis Dreyfus, Pierre Berge, et Niel (Le Monde, La Vie, Le Huffington Post, Le courrier international, le Nouvel observateur, rue 89, etc.)

Mais il y a surtout les médias du franco-israélien DRAHI, sayan émérite, qui a reçu le prix Scopus de l’université hébraïque de Jérusalem le 18 mars 2015 : (L’Express, L’Expansion, L’Étudiant, Libération, BFMTV, RMC, I24… etc.),

Le nombre et la notoriété des titres coalisés autour de la candidature de M. Macron, donc contre celle de François Fillon, sont impressionnants. Le bon peuple sera-t-il dupe ? Rien n’est moins sûr.

A noter, pour l’anecdote, quatre faits incontestables :

1 – M. Macron , ministre des finances, a aidé Mr Drahi, en lui accordant un feu vert de Bercy le 28 octobre 2014 pour racheter SFR. Ce feu vert avait été refusé par son prédécesseur parce qu’il posait des problèmes importants de surendettement, de fiscalité, et de concurrence. Mr Montebourg, ministre précédant M. Macron, disait de Mr Drahi : « Il a une holding au Luxembourg, son entreprise est cotée à la bourse d’Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey, dans un paradis fiscal, et lui-même est résident suisse ».

2 – L’empire Drahi a aujourd’hui une dette colossale de 50 milliards d’euros, plus élevée que celle de Madoff au moment de sa faillite. Il va avoir besoin de soutien dans les années à venir, pour sortir du surendettement dans lequel il se trouve, d’autant que la valeur de ses actifs ne cessent de chuter en bourse. A moins que l’épilogue de cette aventure Drahi ne ressemble à celle des affaires Stavisky ou Madoff.

3 – Le banquier de M. Drahi, Bernard Mourad, ancien de la banque Morgan Stanley, devenu patron de Altice média (du Groupe Drahi), a démissionné de ses fonction en Octobre 2016 pour devenir conseiller spécial d’Emmanuel Macron.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/10/04/bernard-mourad-ancien-banquier-de-patrickdrahi-rejoint-emmanuel-macron_5008158_823448.html

4 – L’empire médiatique de Drahi soutient aujourd’hui avec une énergie farouche la candidature de M. Macron en tentant d’écraser M. Fillon. Il ne s’agit peut-être que de coïncidence, mais cela ressemble furieusement à un renvoi d’ascenseur pour le feu vert d’octobre 2014 et à nouvel investissement de l’empire Drahi pour les années à venir. Une campagne électorale coûte cher. Qui donc finance celle de M. Macron ?

Les médias de Drahi et de Bergé décideront-ils, à eux seuls, de l’issue du scrutin d’avril prochain, en « travaillant » quotidiennement au corps les électeurs français ?

Les français auront-ils un sursaut de lucidité en rejetant cette forte incitation médiatique à voter selon le plan des Drahi, Bergé et consorts, et en faisant mentir les sondages comme ils l’ont fait en novembre et janvier dernier ?

L’avenir nous le dira.

Général (2S) Dominique Delawarde
Mise en ligne CV : 20 février 2017

 

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