Côte d’Ivoire : une seule solution, la partition

En ce 1° janvier, mes vœux vont à la Côte d’Ivoire où les élections ont provoqué une situation de quasi guerre civile qui menace d’embraser une partie de l’Afrique de l’Ouest et où, par son refus de prise en compte de la réalité ethnique, la « communauté internationale » s’est délibérément placée dans une impasse.
Voilà en effet un président « démocratiquement » élu, M. Alassane Ouattara, qu’elle a adoubé, mais qui est incapable de s’installer au pouvoir par ses propres moyens. Face à lui, M. Laurent Gbagbo, électoralement battu mais auto proclamé président, a réussi le coup de génie d’apparaître comme un résistant au diktat international. Chaque jour qui passe, sa stature de chef ne pliant pas devant les injonctions étrangères se renforce cependant que M. Ouattara apparaît de plus en plus comme une sorte de fondé de pouvoir du nouvel ordre mondial, comme un agent comptable du FMI coupé des forces vives du continent.
La « communauté internationale » est désormais prise à son propre piège pour avoir obstinément refusé de voir que LA Côte d’Ivoire n’existe pas. Trois zones ethniques sont en revanche bien vivantes : celle du Nord avec les Malinké, les Dioula, les Senoufo, les Lobi et les Kulango ; celle du centre avec les Baoulé et celle du Sud, où l’alliance entre les Kru de l’Ouest et les peuples dits « Lagunaires » de l’Est assure une solide base à M. Gbagbo. Aucune solution d’avenir ne pourra s’abstraire de cette réalité.
Ceci étant, quelles options peuvent désormais être envisagées pour faire respecter le verdict des urnes et l’ordre mondial démocratique ?
1) Celle du verbe à l’image de l’ultimatum de huit jours que le président français a fixé à Laurent Gbagbo pour quitter le pouvoir.
2) Celle de sanctions économiques aussi inutiles qu’inapplicables.
3) Celle d’un embargo qui ne sera pas suivi d’effet et qui ne pénalisera que la population.
4) Celle de la menace de futures poursuites devant la CPI ; mais qui va venir arrêter Laurent Gbagbo ?
5) Celle d’une intervention militaire pour installer M.Ouattara au pouvoir.
Les quatre premières options ont pour corollaire le maintien de M. Gbagbo à la Présidence, du moins dans l’immédiat, donc la reconnaissance de la réussite de son coup de force. L’option militaire pose quant à elle deux grands problèmes :
1) Qui pourrait intervenir ? Une expédition militaire de l’ONU est difficilement envisageable car il faudrait pour cela, d’abord un consensus politique, puis ensuite trouver des Etats volontaires pour fournir des contingents dont la disparité ne serait pas un gage d’efficacité. Il faudra en effet éviter d’y incorporer des contingents « blancs » pour ne pas prêter le flanc au développement d’une campagne anti néo-colonialiste. La Cedao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) semblerait, dit-on, prête à une action militaire. Peut-être, mais son seul contingent « opérationnel » étant celui du Nigeria, deux autres questions se posent immédiatement :
- Serait-il de taille à combattre l’armée ivoirienne chez elle? Rien n’est moins certain.
- Comment réagirait le grand rival du Nigeria qu’est l’Angola ? N’y aurait-il pas un risque de régionalisation puis d’internationalisation du conflit ?
2) Même et à supposer que M. Ouattara soit installé au pouvoir à la suite d’une expédition militaire internationale, il sera dans tous les cas incapable de s’imposer dans le sud du pays où il apparaîtra toujours comme étant l’homme de l’étranger.
Au moment où ces lignes sont écrites, à savoir le 31 décembre 2010, cinq points sont établis :
1) Couverts de sang et gavés de leurs rapines, les partisans de M. Gbagbo ne rendront pas le pouvoir pacifiquement.
2) Chaque jour qui passe renforce Laurent Gbagbo car, contrairement à ce que ne cessent d’affirmer les butors de la sous culture mediatico-africaniste, il est loin d’être isolé. En Afrique, si, pour le moment, seul l’Angola s’est rangé dans son camp, plusieurs autres pays sont prêts à le faire. De plus, il dispose de soutiens partout dans le monde là où la résistance au « diktat impérialiste » est vue avec sympathie.
3) M. Gbagbo tient le Sud utile avec ses ports, ses puits de pétrole, son café et son cacao et il peut très bien se passer du Nord déshérité comme il le fait d’ailleurs depuis 2002.
4) M. Ouattara est certes assuré du soutien du FMI, de la Banque mondiale et des présidents Obama et Sarkozy, mais il vit retranché dans l’hôtel du golf sous la fragile protection de l’ONU. Coupé du monde, ravitaillé par hélicoptère, il n’y est en quelque sorte qu’un « roi de Bourges » qui aura du mal à trouver sa Jeanne d’Arc chez les casques bleu népalais ou sri lankais…
5) M. Gbagbo sait qu’il doit éviter de s’en prendre à la communauté française car, à la faveur d’une intervention de secours et d’évacuation, les troupes envoyées par Paris seraient, elles, en mesure de neutraliser militairement ses forces.
Ceci étant, une sortie de crise est possible, mais à la condition de prendre enfin en compte la seule réalité qui tienne, à savoir la nécessaire adéquation entre une terre et un peuple. C’est pourquoi la solution réaliste serait une forme de partition car M. Gbagbo ne cherche pas à prendre le contrôle du Nord, tandis que M.Ouattara n’est pas en mesure de s’imposer au Sud.
Au Soudan, après un demi siècle de guerre, la partition est apparue comme la seule issue raisonnable. Combien de décennies de souffrances faudra t-il encore à la malheureuse Côte d’Ivoire pour que la « communauté internationale » fasse le même constat ?
Bernard Lugan
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