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Au début du XXe siècle en Europe, quelques rares esprits éveillés prirent conscience des conséquences irréversibles de la révolution industrielle et de l’avènement du capitalisme sur la nature et notre qualité de vie. Se formèrent alors des mouvements dits de « réforme de la vie », tentant de proposer une alternative à l’arraisonnage de la terre et au massacre animalier. Ils atteignirent leur apogée en Allemagne dans les années 20-30, notamment avec les Wandervogel. Parmi ces nombreux idéalistes visionnaires unissant écologie et spiritualité figurait un artiste : Fidus. Celui-ci fut redécouvert par quelques groupes néo-folk qui utilisèrent certaines de ses toiles pour illustrer des pochettes de disques et enfin reconnu lors de la récente exposition consacrée au symbolisme germanique à Francfort. Puisse cet article contribuer, dans sa modeste mesure, à mieux faire connaître cet artiste en lutte contre son époque.

Fidus, de son vrai nom Hugo Höppener, est né le 8 octobre 1868 à Lubeck dans le Schleswig-Holstein. Enfant il fut souvent malade et c’est alité qu’il commença à dessiner. Son talent vite décelé, il passa avec succès en 1887 le concours d’entrée aux Beaux-Arts de Munich.

 

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Mais quelques mois plus tard il fit la connaissance de Karl Wilhelm Diefenbach (1851-1913), peintre qui allait beaucoup l’influencer. Diefenbach, adorateur du soleil, vivait en communauté dans une ancienne carrière désaffectée au Sud de Munich. II donna pour nom Fidus à son nouveau disciple qui choisit d’abandonner ses études pour suivre l’exemple de son maître spirituel. II se laissa alors pousser les cheveux, devint végétarien et ne peignit plus que nu ou en vêtements de laine. Pour Diefenbach le naturisme était avant tout une expérience religieuse, et s’il était d’accord avec les tendances ouvertement darwiniennes du mouvement, il prêchait une philosophie d’auto-réalisation mystique et de respect panthéiste de la nature. Les autorités bavaroises ne virent pas cela du même œil et troublèrent la communauté. Fidus retourna à l’académie des Beaux-Arts en 1889 et organisa à Munich sa première exposition. Après deux ans passés à acquérir de solides connaissances académiques il déménagea à Berlin en 1892. C’est cette année-là qu’il dessina les plans de son premier temple, premier d’une longue série. II travaillait alors comme illustrateur pour la revue ésotérique fortement inspirée par la société théosophique d’Hélèna Blavatsky « Die Sphinx ».

II rencontra en 1893 lors de sa première exposition à Hambourg Annalie Reich, le coup de foudre fut réciproque ; elle avait longtemps vécu en Suède et avait conservé un attrait profond pour les paysages nordiques. Les années suivantes, le couple visita alors plusieurs fois la Norvège. Ces journées passées en Nordland influencèrent considérablement l’art de Fidus. Au symbolisme théosophique déjà présent s’ajoutèrent runes et mythologie du Nord, la théosophie et l’ariosophie s’unissant dans la roue solaire tournoyante.

 

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La lumière et le soleil prirent ainsi une place prépondérante dans son œuvre, ce qui explique cette série de toiles consacrée à l’ange de lumière : Lucifer, l’archange St Michel et St Georges, qu’ils combattent le dragon ou soient en quête. A travers les figures religieuses et mythologiques que Fidus représente, c’est toujours le même idéal héroïque, solaire, traditionnel et panthéiste qui est symbolisé.

Lors d’une grande rétrospective consacrée à son œuvre en 1898 à Berlin il fit la connaissance d’Elsa Knorr qu’il suivit et épousa en Bavière deux ans plus tard. Ils allèrent ensuite habiter à Friedrichhagen, aux abords de Berlin, bastion de la contre-culture allemande de la fin du XIXe siècle. Dans ce microcosme vivaient de nombreux acteurs des mouvements de réforme de la vie (mouvements de la jeunesse, mouvements pour la beauté, associations naturistes, groupes de gymnastique rythmique…), ayant laissé loin derrière eux le matérialisme-roi.

Fidus pensa un instant pouvoir concrétiser ses nombreux projets de temples grâce à un mécène, Josua Klein. Ayant rejoint ce dernier sur ses terres en Suisse à Amden, village situé à 1500 m d’altitude, Fidus dut se rendre à l’évidence : malgré un cadre superbe, ses temples, faute de moyens et de compétences, ne pourraient jamais être édifiés. II retourna en Allemagne en 1906 acheta un bout de terrain à Woltersdorf près de Berlin et fit construire la « Fidushaus ». Cette maison ornée de runes Hagalaz fut visitée par beaucoup de curieux et admirateurs des images de lumières de Fidus. Ce fût aussi pour certains d’entre eux un gîte où venir se ressourcer.

En 1914, au début de la guerre, il écrivit un essai Aux Artistes Allemands saluant dans les Orages d’Acier un moyen douloureux de parvenir à une nécessaire renaissance. Ses peintures se firent plus guerrières, mettant en avant un germanisme dur et âpre et connurent un franc succès sous la forme de portfolios et cartes postales. Pour cette raison sa carrière connut un certain flottement dans l’Allemagne d’après-guerre, le nihilisme décadent et cosmopolite de la république de Weimar contrastait pour le moins avec l’idéalisme sans borne des mouvements de jeunesse. Fidus se lança dans les années 20 dans l’aventure des mouvements völkisch et armanistes, mouvements qui permirent à l’esprit « aryen » de renaître mais qui furent persécutés par les nazis dès 1933 pour franc-maçonnerie. Les œuvres de Fidus furent jugées obscènes par la Chancellerie du Reich tout en étant appréciées par un ministre comme Walter Darré. Loin de faire l’unanimité Fidus sortit de la guerre appauvrie.

 

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Sa situation se dégrada après la défaite, à tel point qu’il dut échanger ses peintures contre de la nourriture et peindre de la propagande stalinienne pour pouvoir manger. II mourut le 23 février 1948 à l’âge de 80 ans. Lors de la cérémonie funèbre, des poèmes furent récités et des chants entonnés au milieu de ses tableaux à la Fidushaus. II repose aujourd’hui au cimetière de Woltersdorf. Son œuvre, tombée dans l’oubli le plus total fut vaguement récupérée, au même titre que les Externsteine, dans les années soixante par les Hippies allemands.

II fallut attendre la fin du précédent millénaire pour que l’on s’intéresse de nouveau à cet artiste idéaliste, espérons qu’il s’agisse là d’un signe des dieux !

Léopold Kessler

En annexe de l’ouvrage dAlain Thiémé – La jeunesse “Bündisch” en Allemagne au travers de la revue “DIE KOMMENDEN” (janvier 1930-Juillet 1931)

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