Pour ceux qui ne seraient pas abonnés à la revue de Terre et Peuple :

"...l’Identité ethnique et culturelle est une finalité, une raison de vivre et de mourir, la Souveraineté est un moyen, le moyen justement de faire respecter l’Identité..."

Identité ou souveraineté ?

On a reproché à Marine Le Pen pendant sa campagne présidentielle, d’avoir mis l’accent exclusivement sur la souveraineté et les questions monétaires et économiques au détriment des questions identitaires et d’immigration. Ce grief est fondé et ce fut une des erreurs majeures de sa campagne. Mais beaucoup vont plus loin en lui reprochant de n’avoir pas mis exclusivement l’accent sur les questions identitaires et d’immigration, considérant les questions de souveraineté, les questions monétaires et économiques comme secondaires et propres à diviser. En d’autres termes, comme cela mettait en cause l’Euro et l’Union Européenne auxquels de nombreux électeurs se disaient attachés par peur du changement, il aurait mieux valu ne pas en parler. Ici, c’est aller trop loin et c’est oublier que les questions identitaires et de souveraineté sont liées. Certes, elles ne sont pas sur le même plan : l’Identité ethnique et culturelle est une finalité, une raison de vivre et de mourir, la Souveraineté est un moyen, le moyen justement de faire respecter l’Identité. Un État souverain ne sert à rien s’il règne sur un magma de populations disparates mais l’Identité sans Souveraineté c’est comme un homme sans mains et cela ne dure pas longtemps. D’ailleurs, si notre pays est dans la situation où il se trouve du point de vue de l’immigration et de la question islamique qui lui est liée dans une certaine mesure, c’est parce qu’il a progressivement perdu sa souveraineté au profit de l’Union Européenne, des structures atlantistes, des firmes transnationales et des marchés financiers.

Ce que l’on peut reprocher à Marine Le Pen dans sa campagne présidentielle ce n’est pas d’avoir abordé les questions de souveraineté économiques et financières mais de les avoir abordées sans les lier aux questions identitaires et, de plus, de les avoir abordées en dilettante, ce qui renvoie à son inculture et à sa paresse intellectuelle alors qu’il y avait à sa disposition suffisamment d’écrits produits par des économistes sérieux qui lui aurait permis de mettre Macron en difficulté lors du fameux débat durant lequel elle s’est lamentablement discréditée. Mais pour cela, il aurait fallu travailler sérieusement avec des conseillers sérieux afin de bien se préparer et, surtout, il aurait fallu ne pas mépriser les capacités de son adversaire…

On peut cependant, sur la question de l’abandon de l’Euro et d’un possible « Frexit », considérer que, par habileté, il fallait y penser mais ne pas en parler. En parler a attisé les craintes des milieux euratlantistes et les a mobilisés à fond contre sa candidature. D’ailleurs, pour réussir ce genre d’opération et prendre de court les mesures de rétorsion que la finance internationale ne manquerait pas de prendre, il faut se préparer en secret, donner le change, puis frapper comme la foudre à l’exemple de l’arrestation des Templiers par Philippe le Bel.

En conclusion sur ce point et pour l’avenir du mouvement identitaire, les réflexions sur les questions de souveraineté politique, monétaire, financière et économique ne doivent absolument pas être abandonnées, quitte à les mener discrètement, car sans recouvrement de la souveraineté dans toutes ses dimensions aucune politique identitaire ne pourra concrètement être appliquée. Quant à savoir si cette souveraineté doit être reconquise dans un cadre national ou européen, c’est une autre question. L’idéal serait un Empire européen, ou mieux eurosibérien, souverain, c’est-à-dire non soumis au Bloc Occidental. L’analyse objective du passé, des conditions et des contextes actuels montre qu’il est plus raisonnable (et déjà très difficile) de travailler à restaurer la souveraineté à l’échelle de chaque nation en faisant le choix d’une alliance confédérale de nations européennes souveraines, y compris la Russie, d’où pourrait naître éventuellement, mais à très long terme, une synthèse authentiquement impériale, et non impérialiste comme ce fut la tentation des XIXème et XXème siècles.

La bataille des idées gagnée ?

Au cours de la campagne électorale présidentielle et devant les scores espérés de Marine Le Pen, il a souvent été souligné que nous (mais qui « nous » ?) avions gagné la bataille des idées. Le fait qu’un certain nombre de thèmes (identité, souveraineté, populisme, critique du libéralisme-libertaire, etc.) soient revenus récemment sur le devant de la scène, illustrés par quelques intellectuels et publicistes de renom et de forts tirages a fait croire à certains que cette fois-ci, çà y était, la bataille métapolitique était gagnée. Cela pouvait sembler être confirmé par le désarroi manifeste de journalistes et de plumitifs de gauche devant ce phénomène et devant la défiance d’une part grandissante de la population envers leurs propres affirmations. Ajoutons qu’est devenue de notoriété publique l’incapacité de la gauche intellectuelle à se renouveler tant dans ses idées et concepts que dans ses penseurs depuis sa dernière période faste des années 1970. Elle s’est même carrément mise au service de l’oligarchie libérale et de son bras armé, l’OTAN en en reprenant tous les éléments de langage.

Tout cela est vrai et de bon augure, ne boudons pas notre plaisir. Mais, dit-on, une hirondelle ne fait pas le printemps. On ne pourra considérer la bataille des idées gagnée que lorsque cinq éléments seront simultanément constatables, à savoir : qu’une grande majorité des écrivains et artistes exprime consciemment ou inconsciemment (inconsciemment, c’est encore mieux pour la durabilité d’une imprégnation) les valeurs de notre vision du monde ; qu’une grande majorité des journalistes, quel que soit leur employeur, adhèrent à nos idées et valorisent nos positions sans y être contraint ; qu’une grande majorité des histrions qui façonnent au quotidien la culture populaire travaillent spontanément dans notre sensibilité ; qu’une grande majorité des enseignants transmettent nos idées, concepts et valeurs après y avoir adhéré profondément eux-mêmes ; enfin que pour une grande majorité des chercheurs, qu’ils soient de sciences humaines, sociales ou « dures », notre vision du monde soit devenu le paradigme, le soubassement de leurs travaux. À l’évidence, nous sommes très, très loin d’en être là. Le gauchisme sociologique est toujours aux postes de commande.

Plus que jamais alors, l’impératif métapolitique est à l’ordre du jour. On ne peut construire un édifice politique solide si les bases métapolitiques ne sont pas assurées. Elles ne le sont toujours pas. Comme dit la sagesse populaire, on ne peut mettre la charrue avant les bœufs. En d’autres termes, vouloir griller les étapes ne sert à rien quelles que soient les urgences de la situation. Croire que l’on peut, au nom de l’urgence, faire l’économie du travail fondamental en s’investissant complètement dans la politique, que ce soit dans un grand parti comme le Front National ou dans les micro sectes politiques, sympathiques mais inefficaces, qui pullulent autour de nous, ne conduit qu’à l’agitation, à la dilapidation du temps, de l’énergie et des moyens.

Plus subtilement, l’investissement politique n’est utile aujourd’hui, à un moment où les conditions de la prise du pouvoir ne sont pas réunies, que s’il prend place dans une stratégie de propagande métapolitique. C’est un moyen de faire passer des idées sous une forme et dans un langage auxquels une fraction (mais une fraction seulement) de la population est sensible. Bref, aujourd’hui l’action politique n’a pas d’autre intérêt que celui d’être une affiche publicitaire dans un dispositif d’influence plus globale.

Choisir la ligne « Buisson » et le recentrage sur une droite conservatrice identitaro-compatible ?

Outre le fait d’avoir choisi une ligne souverainiste exclusive, on a souvent reproché à Marine Le Pen un choix social ouvriériste, chassant sur les terres socialistes de la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon, au détriment de fondamentaux moraux et identitaires supposés communs avec la droite conservatrice. On a rappelé, pour l’opposer à son échec, les succès de Patrick Buisson amenant sur ces thèmes en 2007 (ou ramenant en 2012 pour limiter les dégâts à une défaite honorable) un électorat populaire à Nicolas Sarkozy. C’est la critique fondamentale portée par quelqu’un d’aussi remarquable que Jean-Yves Le Gallou de la Fondation Polémia, et c’est l’une des raisons politiques suggérée par Marion Maréchal Le Pen pour justifier son retrait du Front National et de la vie politique.

Plusieurs remarques s’imposent d’abord. En premier lieu la question de l’existence en France d’une droite conservatrice mérite d’être examinée. Pour faire bref, disons que le conservatisme est une notion politique anglo-saxonne qui ne s’est jamais vraiment acclimatée en France et qui, sur le long terme, laisse aussi dubitatif pour ce qui est des pays anglo-saxons.

Le conservatisme vise à identifier dans les conditions politiques, sociales et sociétales des nations des éléments structurants qui méritent d’être pérennisés dans leur essence quitte à en modifier les formes extérieures pour les adapter aux goûts évolutifs des temps. Contrairement à l’option progressiste, le conservatisme ne se presse pas d’abandonner des formes politiques, sociales et sociétales qui ont fait leur preuve tant que leur fond n’a pas été adapté à un autre contexte. Dans la réalité politique anglo-saxonne, britannique comme américaine, il faut reconnaître deux choses : d’abord cette attitude a surtout joué au bénéfice des classes possédantes jusque dans l’entre-deux-guerres mondiales car le freinage des évolutions, si justifié soit-il, bénéficie surtout à ceux qui sont déjà installés. Ensuite, dès le XIXème siècle, le conservatisme s’est fait progressivement puis complètement phagocyté par l’idéologie libérale et les pratiques du capitalisme financier. Or ces dernières sont reconnues comme des accélérateurs révolutionnaires de changement qui exigent la destruction de tous les cadres culturels, sociaux et politiques dont l’existence même s’oppose au règne conjoint de l’individu et de l’argent. Cette absorption s’est faite d’autant plus aisément que les classes possédantes, par leur éducation et leur style de vie, avaient tendance à s’estimer d’une autre nature que le populaire vulgaire. Par ailleurs, déjà riches elles se sont facilement laissées convaincre d’adopter les justifications morales et philosophiques, comme les moyens juridiques libéraux pour accroître leurs gains monétaires. D’où une distorsion croissante entre les théories conservatrices classiques et les pratiques réelles poussées, par exemple en Grande Bretagne, par le parti dit « Conservateur ».

En France, nous n’avons jamais eu de Conservatisme. Les catégories politiques sont issues de la Révolution de 1789 et des structurations du XIXème siècle avec une droite réactionnaire axée sur la remise en cause des principes de 1789 et une nostalgie sociale d’Ancien Régime, une droite bonapartiste axée sur la protection des propriétaires gagnants de la Révolution et la nécessité d’un état colbertiste et autoritaire, enfin, une ancienne gauche libérale, hostile aux éléments culturels, politiques et sociétaux d’Ancien Régime mais soucieuse de la protection des affaires, repoussée à droite par l’irruption des « partageux » socialistes sur sa gauche.

Aujourd’hui, la droite réactionnaire a quasiment disparu, non sans avoir transmis un prurit moralisateur qui s’est retourné dernièrement contre le candidat François Fillon selon le modèle de l’arroseur arrosé. La droite bonapartiste a connu ses derniers feux avec le gaullisme avant d’être absorbée, avec les débris de la droite réactionnaire, dans la « droiche » (contraction de droite et de gauche pour bien signifier la fusion de la droite d’argent et de la gauche des valeurs) libérale.

Ce qu’on appelle la droite conservatrice en France, c’est en fait la fraction de la droite bourgeoise libérale, issue du moule réactionnaire, qui a adopté la vision économique libérale par intérêt mais conservé un certain nombre de valeurs morales issues du catholicisme, souvent d’ailleurs sur le mode tartuffe. Est-elle pour autant identitaire au sens ethnoculturel que nous donnons à ce terme ? Il est permis d’en douter.

Son catholicisme, on y reviendra, est un frein à toute vision ethno-centrée si l’on veut bien se souvenir que catholique provient du grec katholikos qui signifie universel, l’église catholique ayant vocation à convertir tous les peuples de toutes les races sur tous les continents.

Dans le registre économique et social, il en va de même de son libéralisme, lequel suppose philosophiquement un choix individualiste et la déstructuration des liens holistes qui entravent le libre marché.

Enfin, sur le plan de l’expérience historique depuis que le Front National est apparu sur la scène politique, cette droite dite « conservatrice » s’est toujours massivement ralliée à la gauche et aux ligues de vertu au nom d’un antifascisme incantatoire. Le dernier exemple en date étant le ralliement éclair de François Fillon à Emmanuel Macron au soir de sa défaite. Bref, cette droite n’a souvent conservé du conservatisme que la première syllabe…

Il se peut qu’il y ait en son sein des personnes sincèrement identitaires mais alors on se demande ce qu’elles peuvent bien y fabriquer et combien de couleuvres il leur faudra avaler avant de comprendre le sens du mot impasse.

Quant à Patrick Buisson dont le nom et les idées sont mis en avant comme emblème d’une convergence ou d’un renouveau, on ne remettra pas en cause ici sa grande intelligence, sa profonde culture conservatrice et son génie stratégique. On veut bien croire aussi à sa sincérité lorsqu’il met en avant, dans son livre (La Cause du Peuple) ou celui de François Bousquet (La Droite Buissonnière), sa conviction qu’il faut faire se rejoindre une droite conservatrice et un électorat populaire instinctivement identitaire et conservateur. Cependant, si on analyse avec un brin de cynisme les résultats concrets de sa pratique, on s’aperçoit qu’en 2007 (avec succès) et en 2012 (défaite honorable) il a surtout contribué à siphonner l’électorat populaire du Front National au bénéfice d’un candidat ostensiblement cosmopolite et décidé à le rester (ce qu’il ne pouvait ignorer). Au pouvoir pendant cinq ans, celui-ci, Nicolas Sarkozy, a certes lancé un peu de poudre de perlimpinpin identitaire, ce qui ne mangeait pas de pain, mais a concrètement agi pour satisfaire l’agenda mondialiste et cosmopolite sur les plans de l’immigration, de l’économie, de la finance et des engagements internationaux. Bref, Patrick Buisson a contribué à l’utilisation de la France populaire identitaire au service de la bourgeoisie de droite apatride sans aucun bénéfice pour elle-même. En termes élégants, cela s’appelle « travailler pour le roi de Prusse », en termes triviaux il existe une expression beaucoup plus imagée… Il semblerait que dans son testament politique, Marion Maréchal Le Pen, nouvelle idole des identitaires, appelle à suivre la même voie. Décidément, les identitaires adorent jouer les harkis. Qu’ils se rassurent, ils auront la même considération et le même sort.

Dédiabolisation ?

Par les propos qui vont suivre, l’auteur de ces lignes ne va pas se faire que des amis. Mais certaines choses doivent être dites.

Quand on parle de dédiabolisation du Front National, il faut d’abord définir quelle est la diabolisation dont on cherche à se défaire. Pour dire les choses brutalement, il s’agit du racisme compris uniquement comme une doctrine de supériorité raciale des européens sur les autres, de l’antisémitisme visant uniquement l’antijudaïsme ou, par extension abusive, l’antisionisme (le sionisme étant la doctrine qui justifie l’existence et les pratiques de l’Etat d’Israël au Proche-Orient). Sur le plan historique, il s’agit du fascisme, entendu aussi bien par les références au Führer, au Duce qu’au Maréchal quelles que soient les différences entre les présupposés idéologiques de leurs régimes respectifs.

Si on considère que le Front National est un parti tourné vers les enjeux du XXIème siècle, on ne lui fera pas grief de se détourner des enjeux, des formes et des symboles des années 30 et 40 du XXème siècle. D’autant plus, signalons-le à ceux qui n’auraient pas encore perçu que le Führer, le Duce et le Maréchal ont perdu la seconde guerre mondiale et la bataille de l’image, que l’histoire, la morale et le droit sont toujours écrits par les vainqueurs. On notera aussi que ceux qui sont arcboutés sur le service politique et moral des « Grands Ancêtres » et qui agitent bien haut leurs gris-gris au cas où tout le monde n’aurait pas compris, ne servent finalement que le système en place. Ils justifient par leurs excès les lois liberticides, sont infiltrés à 90% (au moins) par des indicateurs ou des agents des services de police ou de renseignement qui utilisent les naïfs pour des opérations sous faux drapeau qui serviront à renforcer les persécutions, quand ils ne servent pas de chair à canon pour la CIA ou le Mossad comme dans le Donbass de nos jours.

On ne blâmera donc pas le FN de tenir à distance toute personne ou groupe qui pourrait être utilisé pour lui nuire, sans compter la dimension tactique qui veut que si l’on souhaite agréger autour de soi une majorité de la population, il faut lui parler des enjeux de l’époque et dans le style de l’époque et non des enjeux d’hier dans le style d’hier.

Cependant, il faut convenir que la dédiabolisation est globalement un échec et cela pour deux ordres de raison différents. Cet échec a deux causes, l’une endogène, l’autre exogène.

Dans le premier cas, la dédiabolisation, légitime en soi, a débouché sur un ralliement à l’idéologie fondamentale du système. Les leaders du FN se battent contre les conséquences politiques, économiques, sociales et géopolitiques du système occidentaliste mais adhèrent à ses présupposés idéologiques. Il n’est que de se rappeler les incantations de Marine Le Pen à la démocratie dans son sens occidental, à la laïcité, aux droits de l’homme, à l’égalitarisme comme son jacobinisme et son hostilité foncière à l’autochtonisme. Elle a mené sa dernière campagne électorale comme si elle voulait être reconnue comme la meilleure élève de la classe occidentale.

Entre le refus de formes dépassées et le ralliement à l’idéologie de l’ennemi, il y a une marge qui a été franchie et qui a déstabilisé des gens qui attendaient inconsciemment qu’on s’appuie sur leur identité ethnique à la fois dans un sens défensif (« on est chez nous ! ») mais aussi dans un sens créatif et offensif car l’identité ne peut être uniquement conçue comme une ligne Maginot sinon elle est vouée à disparaître.

Enfin, un facteur exogène pratique, tactique n’a pas été pris en compte : celui qui est victime d’une diabolisation n’est pas maître du phénomène.

La diabolisation est une arme incapacitante aux mains de ses ennemis. À moins de mettre l’ennemi hors d’état de nuire on n’est pas maître de l’usage qu’il peut faire de ses armes. Marine Le Pen, ses amis et le FN auront beau se démener comme de beaux diables (!) pour être dédiabolisés, si l’oligarchie et ses relais trouvent leur intérêt à la poursuite du phénomène ils n’y arriveront jamais.

Il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour s’apercevoir de tous les avantages tactiques que procure au Système la diabolisation du FN. On vient d’en avoir une démonstration récente avec l’élection de Macron : débrouillez-vous pour être seul face au diable au second tour d’une élection et vous êtes assurés de gagner. Certes, la marge se réduit au fil du temps car les victimes conscientes de la mondialisation et de l’invasion migratoire sont de plus en plus nombreuses, mais cela marche toujours. Le jour où cela ne marchera plus, gageons qu’on trouvera une justification morale et démocratique à la suppression des élections ou, au moins, du suffrage universel. C’est une question que nous aborderons un autre jour. Toujours est-il que rechercher à tout prix la dédiabolisation (en dehors du fait légitime de se tenir à distance des individus et des groupes toxiques) est à la fois mission impossible et tactiquement stupide, voire contreproductif quand cela tourne à l’opération de léchage de bottes et au lâchage des valeurs identitaires.

Un Front National utile au Régime ?

Pour embrayer sur ce qui précède, tout observateur lucide aura remarqué deux choses pendant la campagne du premier tour de l’élection présidentielle. D’abord Marine Le Pen a été relativement cajolée par les médias et les instituts de sondages (dont personne, espérons-le, ne croit au désintéressement) en la propulsant à une possible place de finaliste. Dans le même temps, un autre challenger important, François Fillon, fut soumis à une entreprise de démolition en règle sous forme de supplice chinois. Cette exécution politique fut un modèle, aussi bien sur le plan esthétique avec la régularité d’un événement nouveau chaque semaine, que sur le plan de la collaboration entre « services » et médias. Elle sera certainement enseignée dans les écoles clandestines spécialisées en manipulation. Laissons les niais penser qu’il ne s’agissait que du résultat des capacités d’investigation d’une presse libre… Cela faillit échouer cependant : il s’en est fallu de peu que François Fillon ne devance Marine Le Pen au soir du premier tour, mais au final, c’est bien le casting voulu par les stratèges de l’oligarchie qui a émergé : Emmanuel Macron, chevalier du Bien, contre Marine Le Pen dont le nom même est signe du Mal. Une véritable affiche de catch, cette discipline truquée où le méchant est là pour faire de la figuration bête avant de se faire aplatir par le gentil. Quelque soient les qualités dont Marine Le Pen aurait pu faire preuve dans l’entre-deux tours, elle aurait de toute façon perdu, compte-tenu de l’imprégnation diabolisante effectuée durant quarante ans sur le nom de Le Pen. Si elle avait été à la hauteur de l’enjeu, elle aurait pu perdre à plus de 40%, ce qui aurait été honorable et lui aurait sans doute assuré un groupe parlementaire aux législatives suivantes. Ayant été ridicule dans l’entre-deux tours, elle n’a fait que 33%. Mais peu importe ce dernier point, il faut retenir le choix, déjà testé aux élections régionales précédentes, d’une configuration de second tour où le repoussoir Front National (au passage, les gars du F.N., un avertissement : ce n’est pas la peine de changer le nom du parti, cela va vous faire des frais et ne changera rien en termes de diabolisation : vos « amis » des médias se chargeront de retracer votre généalogie jusqu’à l’arrière-grand-père d’Hitler) assure automatiquement la victoire à celui d’en face dans le cadre du système électoral majoritaire à deux tours français ou le système proportionnel bâtard retenu pour les régionales.

Dans ce rôle de punchingball, le Front National est irremplaçable (assez dangereux pour faire peur aux chaisières des droits de l’homme, mais pas assez pour renverser vraiment la table). La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ne peut pas jouer ce rôle. Sa fonction à elle, consiste à stériliser des revendications sociales sur la voie de garage de l’archéomarxisme tout en restant très politiquement correct, et donc à empêcher les classes populaires de basculer entièrement du côté du F.N.

Le Régime aujourd’hui soutient LFI pour en faire son « opposition de Sa Majesté ». On peut estimer qu’il la soutiendra jusqu’aux élections européennes incluses. Mais après, dans la perspective des présidentielles de 2022, le Front National et Marine Le Pen (ou tout autre leader de remplacement) seront remis en selle pour un nouveau tour de manège.

Arrêtons de persifler et contentons-nous de signaler l’inutilité profonde du Front National dans une perspective de réel changement.

Le recours aux Catholiques ?

Un autre reproche fait à la campagne de Marine Le Pen, c’est de ne pas s’être souciée de l’électorat catholique. Lorsque l’on parle ici d’électorat catholique, on ne songe pas aux catholiques de gauche qui se sont depuis longtemps fondus dans l’électorat socialiste et dont une grande partie se sent aujourd’hui macronien. On ne songera pas non plus aux catholiques centristes, héritiers de la démocratie chrétienne, naviguant jusqu’ici entre l’U.D.I. et le Modem, qui se sont aussi ralliés à l’ancien banquier Rothschild. On se concentrera sur les catholiques de droite dont une partie se réclame des diverses chapelles de la Tradition catholique (on les considèrera ici en bloc sans entrer dans les détails de ce qui les sépare) pendant qu’une majorité se réclame de l’Église conciliaire dans son versant conservateur.

Ce catholicisme-là avait disparu des radars politiques depuis longtemps, depuis la seconde guerre mondiale en fait où, comme on dit, il s’était trouvé « compromis » avec le Régime de Vichy. Sur le plan des conceptions doctrinales et politiques, ses bases avaient été, de plus, sapées par le Concile de Vatican II au début des années 1960. Quand on connaît le tropisme disciplinaire des catholiques à l’égard des autorités romaines, on pouvait penser que le conservatisme et, plus encore, la contre-révolution catholique étaient finis, même si surnageaient avec difficulté et dans une semi-clandestinité, ici ou là, quelques chapelles traditionnalistes dissidentes et quelques réseaux associatifs ou familiaux. On ne le répétera jamais assez, le dressage psychologique des catholiques leur rend très difficile la vie dans la rupture avec la hiérarchie romaine.

Et puis vint la bienheureuse Christiane Taubira et sa loi en faveur du mariage homosexuel. Les réseaux catholiques se sont mobilisés et les politiques, comme le reste de la société, ont découvert, à travers la Manif pour Tous en 2012 / 2013, que les catholiques traditionnalistes et conservateurs étaient capable de mettre dans la rue plus d’un million de personnes, des jeunes et des familles nombreuses et d’utiliser des techniques de mobilisation et d’agit-prop innovantes. Plus important encore, les catholiques se sont découverts eux-mêmes à cette occasion en prenant conscience d’une certaine force. La surprise s’explique : les catholiques conservateurs et traditionnalistes sont parmi les seuls Blancs à continuer à faire beaucoup d’enfants et donc à disposer de familles nombreuses (les identitaires païens feraient bien d’en prendre de la graine ; on y reviendra un jour). Ainsi, mécaniquement, leur poids démographique augmente si on compare leur dynamique démographique à celle des Blancs occidentalisés qui ne font presque plus d’enfants.

Ce fait nouveau appelle plusieurs remarques de différentes natures avant de s’interroger sur la pertinence d’un recours au catholicisme.

D’abord, il ne faut pas surestimer l’impact de ce nouveau poids politique des catholiques. L’expérience récente, à travers la candidature Fillon, a montré que les catholiques conservateurs et traditionnalistes étaient assez forts pour qu’on ne puisse les ignorer mais trop faibles pour faire la différence à eux-seuls. Assez fort pour être déterminants dans la primaire de la droite mais sur un échantillon relativement faible d’électeurs (4,4 millions de votants au second tour sur 45,7 millions d’électeurs inscrits en France dont 2,9 millions pour François Fillon), trop faible cependant pour permettre à François Fillon d’être présent au second tour de l’élection présidentielle. On objectera que « l’affaire Fillon » a pu détourner du vote des catholiques sensibles à la morale. A la marge sans doute, mais il était évident que cette affaire était surjouée par les médias de propagande dans le but d’assurer le passage d’Emmanuel Macron et ces catholiques-là sont bien payés pour ne pas faire confiance à des médias qui les méprisent et se moquent d’eux en permanence. D’autant que ce qui était reproché à Fillon, à savoir utiliser sa position pour favoriser sa famille, est courant dans les réseaux catholiques (et, on ajoutera pour être bien compris, que c’est parfaitement normal).

Ensuite, cet électorat catholique, en particulier les catholiques pratiquants de l’église conciliaire votant Fillon, a majoritairement voté Macron au second tour de l’élection présidentielle. Ce fait ne témoigne pas d’une grande lucidité politique au regard des engagements sociétaux de l’ancien banquier Rothschild. Mais comme une majorité de ces catholiques est aussi sympathisante de la droite bourgeoise libérale et hostile, par principe universaliste, à l’identité ethnique, cela se comprend mieux. Par ailleurs, quand on voit leur pape prosterné aux pieds de migrants africains pour les leur laver, on comprend mieux la mentalité de paillasson que ces catholiques peuvent avoir à l’égard de tout ce qui n’est pas européen.

Au final, dans le meilleur des cas, cet électorat ne s’intéresse qu’à certains éléments sociétaux touchant à la morale sexuelle, au mariage, à l’avortement et à la procréation assistée, ce qui, entre parenthèse les rapproche des juifs et des musulmans fondamentalistes. Quand ils se préoccupent de questions sociales, c’est souvent pour confondre le pauvre avec l’étranger. Et pour le reste, une indifférence complète au fait ethnique : en résumé caricatural, un catholique noir est préférable à un païen blanc.

Les catholiques traditionnels partagent aussi ce dernier point, quoiqu’il y paraisse. Il faut simplement que le catholique noir chante aussi la messe en latin... Certes, la sociologie de nos pays européen fait que les catholiques traditionnalistes (et les autres) sont encore très majoritairement blancs mais quiconque a discuté à fond avec des catholiques de toutes obédiences sait bien que pour eux ce caractère n’est pas déterminant. Ou, quand il l’est, c’est que leur catholicisme n’est pas si solide que cela ou qu’il est très hétérodoxe donc peu représentatif.

Ajoutons, pour l’anecdote, que les références culturelles des catholiques traditionnalistes, bloquées sur l’époque du Concile de Vatican I, du néo-thomisme et des Enfants de Marie, sont à peu près aussi ouvertes, dans leur genre, que celles des salafistes dans le monde musulman.

Alors pourquoi, ce retour à l’idée d’un recours au catholicisme romain dans les milieux identitaires ?

On peut penser, outre le renouveau démographique des catholiques, qu’il s’agit d’un effet collatéral du « Choc des Civilisations » et de la confrontation à l’Islam sur le territoire même de l’Europe auquel la révolution intellectuelle néo-païenne de la Nouvelle Droite n’était pas préparée.

Retour en arrière.

Dans les années 1970, quand émerge ce qu’on appellera bientôt la Nouvelle Droite autour d’Alain de Benoist, s’enclenche une réflexion qui va faire la généalogie de l’idéologie occidentale. Le caractère mortifère de l’occidentalisme pour les Européens est bien identifié à ce moment-là et, en remontant aux causes, la Nouvelle Droite va démontrer que l’occidentalisme est le point terminal de la laïcisation des valeurs chrétiennes. Notons au passage que cette analyse, novatrice à l’époque, est admise aujourd’hui par bien des historiens des idées et des philosophes, certains pour s’en réjouir. A l’époque, le contexte général est à la déchristianisation dans l’euphorie consumériste des Trente Glorieuses finissantes. Pour ne parler que de la France, la Catholicisme s’effondre comme pratique sociale globale, les catholiques se partageant entre modernistes gauchisants jetant par-dessus bord tous les aspects symboliques et rituels de leur religion et traditionnalistes sectaires et sclérosés sur une pratique et des idées du XIXème siècle.

En faisant la critique idéologique du christianisme et en montrant que derrière la pratique religieuse et les croyances du christianisme, il y avait dès l’origine une idéologie, transformée à partir du judaïsme, qui s’opposait presque point par point aux anciennes religions indo-européennes, la Nouvelle Droite a contribué à déchristianiser la frange motrice et jeune d’une mouvance qu’on n’appelait pas encore identitaire.

Plus que déchristianisée, elle l’a aussi coupé d’une pratique naïve du sacré religieux en la faisant entrer dans l’ère du soupçon. Le recours à un paganisme intellectualisé ne pouvait pas remplacer (sauf chez une élite intellectuelle) le bain sentimental, affectif et consolant (la question de leur mortalité personnelle se pose aussi aux identitaires et… aux païens intellectuels : on ne mesurera jamais assez la puissance de contrôle social que la croyance en l’existence d’un au-delà peut procurer aux monothéismes) du christianisme. Soulignons encore que le discours critique de la Nouvelle Droite était simplement venu se superposer à une crise du catholicisme dont les tenants s’étaient largement sabordés eux-mêmes, les uns par reniement, les autres par fossilisation.

Le tournant des années 2000 a confronté les Européens, et en particulier les identitaires, à une immigration de peuplement massive, désormais bien visible et majoritairement musulmane avec une pratique de l’islam revendicative, piétiste, souvent fondamentaliste, se montrant capable de séduire même des Européens de souche. En effet, le vide spirituel sidéral du stade final de l’occidentalisme consumériste joint à la fin de l’illusion d’un enrichissement démocratisé (la fin des Trente Glorieuse et l’appauvrissement progressif des classes moyennes et populaires a signé la fin de l’espérance – d’ailleurs utopique – de la richesse pour tous) et à la promiscuité obligée avec de nouvelles populations intransigeantes sur leurs pratiques religieuses, a conduit un nombre non négligeable de jeunes Européens à embrasser l’Islam, au point que certains se sont retrouvés dans les rangs de Daech.

Face à ce phénomène, il faut bien reconnaître que ni le laïcisme républicain vide et desséché, ni le paganisme philosophique trop élitiste, ne pouvaient fournir une réponse sociale convenant aux attentes affectives des masses.

D’où la tentation de retour au Christianisme à travers le Catholicisme pour s’appuyer sur quelque chose qui aurait fait ses preuves dans le passé. Le problème, c’est que l’histoire ne repasse pas les plats. Dans l’Occident Catholique romain au moins : c’est différent dans le monde Orthodoxe slave et russe en particulier. L’Orthodoxie russe, malgré le choc du bolchevisme, n’a jamais rompu les liens identitaires avec le peuple russe. Elle a même retrouvé depuis le début des années 2000 l’exercice d’un césaro-papisme modernisé qui appuie la puissance retrouvée de la Russie. On cherchera en vain dans l’Église romaine du pape François les capacités d’un tel réarmement spirituel, politique, moral et culturel. Quant aux traditionnalistes, ils sont trop divisés sur des détails de doctrine et trop bloqués sur un passé révolu pour pouvoir et oser faire la seule révolution qui vaudrait de leur point de vue : proclamer un autre pape et une autre Église avec une doctrine renouant avec la pratique médiévale pour retrouver le lien avec les identités européennes. Faute de cela, le Catholicisme romain restera démonétisé et ne représentera jamais plus un point d’appui pour une renaissance européenne, mais il restera un paillasson sur lequel les autres religions des autres peuples s’essuieront les pieds avec mépris. Et elles auront bien raison.

Ces considérations n’épuisent pas le sujet d’une nécessaire renaissance spirituelle indigène pour les européens. Il faudra y revenir.

Addendum

De quoi Macron est-il le nom ?

Cela fait maintenant plus de six mois qu’Emmanuel Macron a gagné les élections présidentielles et l’on constate dans le camp patriote et identitaire comme une grande lassitude, voire une résignation, qui se traduit ici ou là par des baisses sensibles dans les adhésions et les contributions financières, et cela quelque soient les organisations. Que peut-on dire de la situation et des perspectives qui s’offrent à nous ?

C’est toujours facile de raisonner a posteriori, mais il ne faut pas s’étonner de la situation. Avant de s’attacher aux perspectives, il faut revenir sur le diagnostic. Énoncer correctement un problème, c’est, paraît-il, faire déjà la moitié du chemin vers la solution.

La défaite de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron ne fut une surprise que pour ceux qui ont cru que la première pouvait gagner. On ne reviendra pas sur les manques et les erreurs du personnage mais, en vertu de la fonction du Front National dans le paysage politique du régime (cf. supra), elle ne pouvait de toute façon pas gagner, eût-elle eu des qualités personnelles remarquables.

Il est beaucoup plus intéressant de s’attacher au parcours d’Emmanuel Macron, non pour l’individu lui-même, mais pour ce que son parcours révèle des stratégies et des méthodes des cercles dirigeants de l’oligarchie occidentaliste, vrais patrons du régime. Emmanuel Macron en soi ne compte pas. Un autre aurait pu être à sa place. Il était d’ailleurs prévu qu’un autre, Alain Juppé, le soit. Certes, Macron est intelligent, possède une vraie culture littéraire et philosophique. Il est aussi un instrument conscient et autonome, quoiqu’un peu chien fou et autoritaire – les défauts de la jeunesse : il n’était pas prévu aussi rapidement pour le poste – mais, justement, ce n’est qu’un instrument, un instrument coûteux, sur lequel on a beaucoup investi, mais qui, comme instrument, pourrait être jeté s’il lui arrivait de se prendre un peu trop au sérieux dans son rôle.

Si l’on préfère, la position de président de la république, sous la Vème République française, c’est, depuis Georges Pompidou, celle d’un majordome, d’un domestique en chef, chargé de faire tourner la maison, de faire marcher les autres dans la bonne direction, selon les consignes qu’on lui donne. Les hommes n’étant pas des mécaniques, il y a parfois des ratés – en témoigne la catastrophe industrielle Hollande – mais le mouvement est globalement bien contrôlé.

Quand on a dit cela, on n’a encore rien dit. L’intéressant, c’est la manière aussi informée qu’efficace dont les cercles dirigeants de l’oligarchie (en termes marxistes, on parlerait d’avant-garde) gèrent, prévoient, anticipent les divers scénarios qui leur assurent le contrôle de leur « parc humain », nous en l’espèce, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas eux. N’oublions jamais que nous avons affaire à des gens très intelligents, très formés et qui ont les moyens de faire travailler à leur service des armées d’experts. Voilà pourquoi, très souvent, quand l’homme de la rue en est encore à décoder le dernier coup sur l’échiquier, nos oligarques, « nos Maîtres », en sont déjà à réfléchir trois ou quatre coups plus loin. Cela ne veut pas dire qu’ils sont infaillibles, tout-puissants et qu’ils ne commettent jamais d’erreur. Mais ils ont la capacité et les moyens d’analyser leurs erreurs et d’en tirer des leçons.

Pour ce qui nous concerne, tout part de la crise de 2007 / 2008, résultat d’un golem financier ayant échappé à ses cupides concepteurs. Les oligarques ont transféré la charge du comblement du trou des institutions financières privées aux états en les endettant. Pour s’en sortir ceux-ci ont été contraints à l’austérité et ont dû tailler dans divers avantages qui profitaient aux citoyens ordinaires. Les oligarques se sont bien doutés de l’impopularité croissante que cela vaudrait à leurs fondés de pouvoir dans les régimes démocratiques. Ce qui devait entraîner la montée en puissance du vote « populiste », selon le terme méprisant utilisé par le régime. Le plus sûr moyen d’y faire face aurait été de supprimer la démocratie elle-même. Ce n’était pas en soi un problème puisque la démocratie moderne n’a été créée que pour servir l’oligarchie : si un outil devient inutile, on peut le remplacer par un autre ! Soyez sûr qu’on y réfléchit dans les cercles autorisés, mais c’était un peu trop tôt. Le laboratoire de la République Fédérale d’Allemagne, où se teste habituellement tous les instruments liberticides, offrait un modèle d’organisation politique destiné à tuer tout esprit d’alternance : la Grande Coalition de la Droite et de la Gauche, les deux collaborant dans le maintien du statu quo atlanto-libéral. Comme l’a fait remarquer le philosophe orwellien Jean-Claude Michéa, c’est ce scénario qu’avait choisi les cercles dirigeants français en poussant un candidat « naturel », Alain Juppé, sorte de Merkel au masculin. Mais une chose n’avait pas été assez mesurée et une autre n’avait pas été prévue. D’abord, la succession des épisodes Sarkozy et Hollande ont considérablement démonétisé la Droite et la Gauche, l’électeur de base si méprisé par la pseudo élite n’ayant finalement pas la mémoire aussi courte que cela. Ensuite, un peu dans la foulée du phénomène précédent, il y a eu la faillite du procédé des « primaires » importé des États-Unis. Ceux-ci avaient montré, au moins jusqu’au choix de Trump par le parti Républicain, que ce procédé était infailliblement sous le contrôle de l’oligarchie via les médias. On pensait qu’il en irait de même en France. Malheureusement, les électeurs des primaires, dans les deux camps de Droite et de Gauche, se sont servi du procédé pour sortir les « gens pressentis » et leur préférer des deuxièmes ou troisièmes couteaux. Monsieur Juppé s’est vu alors renvoyé sèchement dans sa mairie de Bordeaux et Sarkozy, qui aurait pu à la limite servir encore, vers les bras de Carla Bruni. Ne parlons pas de la Gauche, avec un Hollande flingué par le ridicule et les échecs répétés et n’ayant même pas osé concourir, et un Valls, aussi irascible qu’imbu de lui-même, également balayé vers la sortie au profit d’Hamon, en Tintin inaudible. Et, pendant ce temps-là, la petite bébête immonde, Marine Le Pen montait, montait, montait dans les sondages.

Mais, entretemps, l’oligarchie avait sorti le joker qu’elle avait déjà en réserve, le petit Emmanuel Macron.

Retour sur un parcours-tremplin : à la fin des années 2000, on a un jeune employé de banque dont on teste l’entregent chez les Rothschild. Employé, employé supérieur si on veut (il assure le relationnel dans des dossiers de rachat), mais pas banquier contrairement à ce que l’on raconte : pour être un vrai Associé-Gérant, il lui manquait un attribut essentiel que la prudence interdit de mentionner. Parallèlement, le hobby de Macron était de suivre plus ou moins les activités du Parti Socialiste. Il est aussi, dans les mêmes années, rapporteur-adjoint de la Commission pour la libération de la croissance française, un machin confié par Sarkozy à Jacques Attali. Ce qui permettra à ce dernier de se présenter comme le pygmalion de Macron. Ce n’est sans doute pas faux car il avait pour mission d’évaluer les capacités réelles du jeune homme. En effet, le rôle du secrétaire adjoint dans ce genre de bidule c’est de faire tout le travail de mise en forme afin de permettre aux autres de plastronner. Bref, encore un travail d’employé. Mais le jeune Emmanuel avait du talent et de l’ambition et il a passé l’examen avec succès. Dès lors, on a commencé à avoir des projets pour lui. Il est alors recruté par l’École des Collabos, pardon, on lui fait suivre les séminaires de la French American Foundation en 2010 – 2012. Il est dans la même promotion qu’un certain Édouard Philippe. Ce dernier a un parcours assez semblable à celui de Macron. Il est lui aussi énarque, mais politicien dit de « droite » mûri dans le sérail juppéiste. Dans la période 2007 – 2010, Édouard Philippe est lui aussi employé par un grand groupe mondialisé : il fait du lobbying pour AREVA et touche de près aux dossiers de la Françafrique au Niger.

En 2014, ce sera le grand oral : Macron est auditionné par le Groupe de Bilderberg lors de sa réunion de Copenhague. Édouard Philippe est lui aussi auditionné par le Bilberberg, lors de sa séance de 2016 à Dresde.

Visiblement ils sont tous deux adoubés pour un grand destin. Une sorte de « ticket » à l’américaine. Ce sont de quasi inconnus du grand public, l’un en 2014, n’est que secrétaire général adjoint de l’Élysée. L’autre est l’obscur maire du Havre. Mais la même année 2014, Macron devient ministre de l’Économie et des Finances, un grand job pour personne de confiance en régime occidentaliste. Sans doute pense-t-on à lui comme un futur premier ministre d’Alain Juppé dans le cadre d’une Grande Coalition. On sent déjà en 2014 qu’Hollande ne pourra pas se représenter. N’oublions pas que ce dernier n’avait dû sa place qu’à l’explosion en vol de Dominique Strauss-Kahn, officiellement abattu pour son incapacité à réfréner ses pulsions sexuelles, en réalité parce qu’il s’était mis en tête de mener une politique personnelle à la tête du F.M.I., ce qui a fortement déplu à l’oligarchie anglo-saxonne. Comme disaient les Romains, la roche tarpéienne est proche du Capitole. Mais en fonction, comme roue de secours, François Hollande a passé son temps à se ridiculiser et à faire preuve d’incompétence. Dès 2014, la grande majorité des électeurs ne peut plus le sentir. L’oligarchie, du moins son avant-garde, en est consciente, comme elle est consciente du risque populiste.

Mais, patatras, on l’a vu, Juppé tombe dans la trappe. Qu’à cela ne tienne : le petit jeune n’est pas totalement rôdé, on aurait préféré le laisser mûrir le temps d’un quinquennat Juppé, mais on va l’envoyer au charbon sur un projet légèrement différent. Mais avant de le voir, un mot sur François Fillon. L’oligarchie aurait pu choisir un Fillon, largement sous contrôle : son ami et mentor est Henri de Castrie, PDG d’AXA et actuel président du Groupe de Bilderberg qui l’avait auditionné en 2013. Mais un Fillon au second tour face à Marine Le Pen n’aurait pas fait le plein des voix de gauche avec son programme économique thatchérien revendiqué. Une Le Pen à 45%, c’était ouvrir des perspectives pas nécessairement maîtrisables. Il fallait donc se débarrasser de Fillon. Ce qui s’est passé est un modèle qui sera sans doute enseigné dans les écoles clandestines de désinformation. Les « services », qui savent tout sur tout le monde, connaissaient la cupidité de Fillon, ce grand chrétien attaché à un grand train de vie. Rien de vraiment délictueux mais une multitude de passe-droits qui faisaient désordre chez un homme toujours prompt à donner des leçons de morale et de sobriété aux petites gens. On a donc laissé filtrer les dossiers vers le Canard Enchaîné, pseudo hebdo non conformiste mais vrai délateur à chaque fois qu’il faut flinguer quelqu’un qui dérange les cercles dirigeants de l’oligarchie. Et chaque semaine, goutte à goutte, nouveau supplice chinois, on a distillé les accusations, reprises en chœur par les médias des oligarques et on a bousillé la campagne « imperdable » d’un Fillon qui se voyait déjà président de la République. Car le cheval à faire gagner s’appelait désormais Macron. Il est juste de dire que la manœuvre a failli échouer : il s’en est fallu de peu que Fillon soit face à Macron au second tour de la présidentielle. Mais là, ce n’aurait pas été un vrai problème pour l’oligarchie : pile je gagne, face tu perds, pile c’est un adoubé du Bilderberg, face c’en est un autre.

Pour la campagne Macron, le scénario choisi n’était plus celui de la Grande Coalition, et c’est ce qui montre l’immense intelligence stratégique de l’avant-garde oligarchique, mais la version inversée du « ni droite – ni gauche » populiste. Ou, si l’on préfère, au populisme de la France périphérique et d’en bas, on a opposé un populisme de la France d’En Haut, des métropoles, des bobos, des riches, des mondialistes, saupoudré d’un peu de léchage de babouches.

Mais, pour que cela marche vraiment bien, il fallait que Marine Le Pen soit présente au second tour. Car, dans la phase actuelle du fonctionnement du régime, il existe une loi politique : tout candidat qui se retrouve au second tour face au Front National est élu. Il fallait donc que Marine Le Pen soit au second tour, mais attention, il ne fallait pas qu’au second tour elle fasse un trop bon score, au-dessus de 40% par exemple. Au-dessus de 40%, sa défaite (car personne ne peut raisonnablement penser, même dans le meilleur cas de figure qu’elle avait une chance de l’emporter), sa défaite donc aurait eu des airs de victoire et pouvait déclencher une dynamique amenant aux élections législatives de 20 à 80 députés frontistes à l’Assemblée Nationale, malgré le système électoral défavorable. Là, cela aurait pu poser des problèmes de gestion politiques ultérieurs délicats.

Le débat de l’entre-deux tour fut utilisé pour ramener le score de Marine Le Pen à un niveau convenable qui n’enclencherait aucune dynamique. On l’a déjà dit, il était facile pour l’écurie Macron de préparer le débat en tablant sur l’outrecuidance et la paresse intellectuelle connues de la dame. Mais elle s’est tout de même sabordée avec un entrain étrange et surprenant. Elle s’est montrée nettement plus faible que son niveau normal, donnant à la France entière l’image de quelqu’un qui n’était pas à la hauteur des enjeux. On se gardera bien d’émettre une hypothèse sur la possibilité d’existence de « cadavres dans le placard » qui auraient pu servir de moyen de pression. On peut se relever d’une défaite politique, même humiliante en tablant sur le manque de mémoire des gens, mais se remettre d’une « fillonnade » puissance dix, servie, disons au hasard par le Canard Enchaîné, l’habituel porte-flingue, ç’aurait été beaucoup plus délicat.

Macron, ou plutôt le tandem Macron – Philippe, est le nom de l’intelligence stratégique de l’avant-garde de l’oligarchie occidentaliste. Nous avons affaire à des gens qui maîtrisent les trois éléments de la puissance : l’intelligence, ici les stratèges du storytelling macronien, la force, ici les « services » et l’argent, à travers les fonds levés à Wall Street et à la City. Cela fixe les enjeux et le chemin que nous avons à parcourir.

Jean Patrick Arteault

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