Les livres d’Hermann Löns font partie de cette réaction intense contre le vide spiritual issu de l’industrialisation, de la vie dans les grandes villes, du matérialisme culturel et économique. Cette réaction a démarré vers 1890 en Allemagne et s’est poursuivie dans les années 1920. Qualifié hâtivement de völkisch, ce mouvement d’origine paysanne fut plus exactement défini par Armin Mohler sous le terme de Landsvolkbewegung (mouvement paysan). Hermann Löns peut être considéré comme très proche de ce mouvement. Alors qu’à présent, les barbares sont à nos portes et que les campagnes n’ont jamais été aussi désertées et les villes aussi tentaculaires et tentatrices, il est bon de lire et relire cet auteur malheureusement méconnu en France.

Hermann Löns est né le 29 août 1866 à Kulm (Chelmno) en Prusse occidentale sur les bords de la Vistule. Fils d'un professeur de lycée, Lons eût à subir les déménagements conséquents aux mutations professionnelles de son père. C’est donc à Deutsch-Krone qu’il passa son enfance et adolescence et ce n’est qu’à 18 ans qu’il vécut sur la terre de ses parents : la Westphalie. Cette terre lui apparut tout de suite comme son Heimat ancestral, bien qu’il ne l'eût encore jamais vue. Bon élève, il était passionné par la nature et tout particulièrement par les oiseaux. Il écrivit à l’âge de 16 ans un article sur Les oiseaux locaux, dénombrant et listant plus de 130 espèces. C’est durant ces années que Löns a développé ses talents d’observateur minutieux qui allaient lui être fort utiles dans ses récits de chasse et de nature. L’année 1884 vit son installation à Munster près de la maison de ses grands parents, ce qui lui donna l’opportunité de renouer avec l’histoire de sa famille et lui conféra un sentiment d'appartenance à une lignée, sentiment qui n’allait plus le quitter.

Trois ans plus tard il partit étudier la médecine à l’université de Greifwald sur la côte baltique, mais il y étudia surtout les filles et les soirées dansantes. Il rejoignit une association d’étudiants nommée
Cimbria et glana quelques cicatrices lors de nombreux duels au cours desquels il défendit son honneur. Il délaissa la médecine au profit de la biologie et publia des articles dans des journaux spécialisés. Il commença en même temps à écrire ses premiers poèmes puis subit l’influence du philosophe au marteau : Nietzsche. Abandonnant les études pour se lancer dans le journalisme, il fut rapidement déçu par cette profession!; il s’installa alors à Hanovre en 1892 comme reporter. La position centrale de Hanovre fut un bienfait pour lui : en effet cette ville est proche de différentes sortes de paysages qui allaient s’avérer fascinants pour Löns : Harz, Suntel et surtout la lande du Lüneburg. Il travailla pour le Hannoversche Anzeiger et s’y fit un nom grâce à sa rubrique les discussions du dimanche dans laquelle il traitait avec un ton incisif et en usant de différents pseudonymes (dont Uhlenspiegel) de nombreux sujets locaux. Il se chargea ensuite de l’éditorial et des rubriques littéraires du journal et édita Niedersachsen, journal consacré au folklore et à l’histoire locale. Il publia Mein goldenes buch (Mon livre doré), un recueil de poésies contenant des descriptions fort vivantes de scènes de chasse et de paysages naturels. Chasseur poète et proche des animaux, il a toujours plus été plus intéressé par l’environnement de la chasse et son processus que par le fait de tuer une bête.

Mettant fin à un mariage de moins en moins heureux et sans enfant, il divorça en 1901 et se consacra encore plus à la nature, faisant le voeu de ne plus jamais se marier. Cela ne l’empêcha pas de tomber amoureux quelques mois plus tard de Lisa Hausmann et de se marier avec elle durant l’été 1902. Il aura un fils avec elle.

Il publia en 1907 un livre de nouvelles prenant place dans la lande de Lüneburg intitulé
Mein braunes buch (Mon livre brun). L’une de ces nouvelles : Der Rote Beeke (Le Ruisseau rouge), fut remarquée et fit l’objet d’une édition séparée et illustrée. Le ruisseau en question est composé des flots de sang déversé par les corps des chefs païens saxons ne voulant pas se convertir au christianisme et massacrés à Verden par Charlemagne et ses Francs. Cette nouvelle fut saluée par la critique littéraire de l’époque et valut à Löns le surnom de « poète de la lande ». L’Histoire des Saxons et des Germains intéressa Löns de plus en plus et l’influença considérablement. Il adopta à cette époque les anciens noms germains des mois, bien plus symboliques et liés au cycle naturel des saisons que les noms d’origine latine. Il adopta comme symbole personnel la Wolfsangel (rune du loup), utilisée par des générations de paysans de Basse-Saxe. Celle de Löns avait la forme d’un N renversé barré d’un trait vertical en son milieu. Bon nombre d’éditions de son roman Der Wehrwolf firent figurer en couverture des runes liées (Sowilo et Wolfsangel), ou des svastikas, les paysans de ce roman utilisent d’ailleurs la rune du loup  comme signature dans leurs activités.

Löns devint un ardent défenseur des beautés naturelles de sa région et lutta pour l’établissement de parcs naturels afin de préserver des pans entiers de forêt de l’action néfaste de l'homme. Dans ses articles, il appelait autant à la conservation de la nature que celle des traditions, du folklore, des monuments et de la culture.
Mein Blaues Buch (Mon livre bleu), publié en 1909, comprenait des poèmes à tonalité écologique et des ballades faisant référence à l’histoire germanique préchrétienne. Plus accessibles, les poèmes de Der Kleine Rosegarten (Le Petit jardin des roses) devinrent très populaires, certains furent même utilisés comme textes de chansons folk. Notons que bien plus tard, en 1932, un film sur la vie des habitants de la lande, Grun ist die Heide (Verte est la lande), intitulé comme le poème de Löns qui fut transformé par Karl Blume en chanson populaire (et que l’on entend dans le film), s’inspirera pauvrement des nouvelles et poèmes de Löns.

De 1907 à 1911 Löns vécut à Bückeburg, petit village de campagne, loin de la frénésie de Hanovre. C’est là qu’il écrivit son roman le plus célèbre (400 000 exemplaires vendus), le seul traduit en français (brillamment par Jean-Paul Allard) à ce jour :
Der Wehrwolf. L’histoire se passe durant la guerre de 30 ans et met des fermiers saxons aux prises avec des maraudeurs suédois et autres éléments douteux voulant profiter du chaos instauré par la guerre pour piller la lande. Le titre jeu de mots du roman est révélateur, le Wehrwolf est un loup-garou et le verbe Wehren signifie « défendre ». Les paysans deviennent donc pour survivre des hommes loups, des wehrwolf, utilisant une sauvagerie à la mesure de la violence de leurs assaillants et justifiée par la défense de leur clan. Ernst Jünger à la lecture de ce roman déclara y avoir retrouvé l’esprit des anciennes sagas.

Bien que fort malade et affaibli, Lons fit tout de même paraître un
Mein buntes buch (Mon livre coloré) et une chronique de village : Die Haüser von Ohlendorf (Les Maisons d’Ohlendorf). Il avait encore beaucoup de projets en tête, comme en attestaient ses dernières lettres, notamment un livre historique décrivant le combat épique qui opposa Widukind à Charlemagne ainsi qu’un roman intitulé  L’Antéchrist, mais il n’eut pas le temps de le concrétiser. Sur sa demande, il partit au front le 24 août 1914 dans le 73ème régiment d’infanterie. Son journal intime n’est pas sans rappeler les livres écrits par Jünger sur la même époque : description d’une guerre mécanisée et industrielle, laissant peu de place à l’héroïsme individuel.

Il fut tué près de Reims en Champagne le 26 septembre 1914. Ses restes retrouvés par un paysan furent identifiés grâce il son matricule en 1933 et le nom de Lons fut donné il un espace naturel protége de Würzburg. Hermann Löns fit l’objet d’un enterrement militaire près de Fallingbostel : dans sa tant aimée lande lunebourgeoise.


Léopold KESSLER

Source : Réfléchir & Agir N°20 – Eté 2005


Oeuvre traduite en français :

Löns Hermann,
Der Wehrwolf, Arts et histoire d’Europe (1986).

Biographie (en allemand) :
Castelle Friedrich, Ein Lebensbild. Löns-Gedenkbuch, Gersbach (1917).
Deimann Wilhelm, Der kunstler und kampfer : Ein Löns biographie und briefausgabe, Sponholtz (1935).
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