UN COMBAT SECULAIRE DE L’EUROPE FACE A L’ISLAM, TROIS DATES
 
Pierre Vial
 
 
 
31 Mars 1271 : Face à l’islam

 
En prenant pied sur la muraille du Crac des chevaliers, le 31 mars 1271, les soldats de Baybars, sultan turc d’Egypte, lancent de sonores « Allah Akbar ». Ils ont de bonnes raisons de manifester un spectaculaire triomphalisme en jetant, comme un défi, le cri de ralliement de la guerre sainte musulmane : le château fort qui tombe entre leurs mains est en effet décrit, dans un texte du début du XIIIe siècle, comme « la clé de la terre chrétienne » Unchroniqueur arabe a même une formule plus imagée : pour lui, le Crac est « un os enfoncé dans le gosier des musulmans. »
 
   Le voyageur qui voit surgir cette forteresse, aujourd’hui, au détour d'une route poussiéreuse, est fasciné. Installé sur une motte aux pentes ardues et dénudées, cet ensemble massif de tours et de murs crénelés « a gardé sa superbe et sa véhémence malgré l'âge et les attaques » (H.P. Eydoux). Le Crac illustre l’impératif qui s'est imposé aux croisés victorieux, après, la prise de Jérusalem (1099), à savoir, organiser la prise en main et la défense du territoire conquis, contre l'inévitable contre-offensive musulmane. Or, le petit nombre d'hommes disponibles (beaucoup de croisés sont repartis, après la victoire, en Occident) oblige à faire des choix drastiques, en essayant de tenir les points stratégiques. D’où l'implantation de châteaux forts sur le littoral de Palestine (pour assurer les liaisons avec l’Occident) et sur des nœuds de communication.
 
Ainsi, le Crac commande la trouée d'Homs, un grand passage unissant la côte méditerranéenne et la vallée de l'Oronte, déjà reconnu comme vital à l'époque des affrontements entre le pharaon de Ramsès II et les Hittites. Quand les croisés pénètrent en Terre Sainte, une garnison musulmane occupe la position. Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, s’en empare. Le Crac, agrandi et renforcé, devient, dans le cadre du comté de Tripoli édifié par Raymond et ses successeurs, une pièce essentielle du dispositif défensif des Francs. Mais la construction et l’entretien d’une telle forteresse dépasse rapidement les moyens du comte de Tripoli, qui cède le Crac en 1142 aux Hospitaliers. Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem avaient pour but initial, dès avant la croisade, de loger et de soigner les pèlerins de Terre Sainte. Puis, Ils se sont rapidement militarisés, rejoignant, ainsi, le modèle original et novateur créé par les Templiers, qui unissaient la vocation du moine et celle du guerrier. Face à l’islam, les Hospitaliers tiennent le Crac, le renforcent et couvrent ainsi de leur protection un vaste territoire. Malgré les sièges à répétition et les tremblements de terre dévastateurs. Mais les positons des Francs en Terre Sainte sont de plus en plus menacées, au fil des XIIe et XIIIe siècles, par les assauts d’un islam mobilisé et fanatisé par les appels à la guerre sainte de Saladin puis de Baybars. Menacées, aussi et peut-être surtout, par les divisions internes et fratricides qui fissurent le camp chrétien.
 
La chute finale du Crac illustre la parole biblique: « Toute maison divisée contre elle-même périra. » Une parole à méditer. Car elle est, aujourd'hui, d'une tragique actualité pour les hommes et les femmes de notre peuple.
 
 
 
Mai 1480 : Il était une croix

 
La chute de Constantinople, en 1453, sous les coups des Turcs, a fait l’effet d'un coup de tonnerre dans le ciel de l'Europe. L’empire byzantin, qui avait été un rempart contre l'Islam depuis huit siècles, en assumant l'héritage de la tradition romaine (les Byzantins se désignent eux-mêmes, en grec, par le nom de Romaioi, " les Romains " repris dans le monde musulman sous la forme Roumis), disparaît, submergé par la marée musulmane. Après avoir pénétré dans l'église Sainte-Sophie (c'est-à-dire « Sainte Sagesse »), Mehmet II danse une gigue triomphale sur l'autel avant de transformer l'édifice en mosquée.
 
Rien ne semble plus pouvoir faire obstacle, en Méditerranée, aux envahisseurs. Et pourtant, tenace, farouche, une résistance s'affirme : celle des chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, installés à Rhodes depuis la chute de la Terre Sainte à la fin du XIlle siècle. Ils ont mené et continuent de mener une guerre impitoyable, sur mer, contre les Turcs. Ceux-ci, exaspérés par cette poignée d'irréductibles, décident d'en venir à bout. En 1480, Mehmet Il concentre aux abords d'Istanbul une formidable armée de 100 000 hommes, confiée à Miseh Pacha. Celui-ci s'appelle, en fait, Paléologue. Descendant de la célèbre famille impériale byzantine, il a renié le christianisme et fait, du coup, carrière au service des Turcs. Il est secondé par trois autres renégats, Démétrios Sophianos, Antoine Méligale et Georges Frapam, un expert en artillerie. La flotte turque arrive devant Rhodes le 23 mai.
 
L’île doit son nom qui signifie « la fleur », selon la mythologie grecque, àune nymphe, fille de Poséidon, qui s'unit en d'ardentes amours à Hélios. L’île est donc le symbole de l'union du soleil et de la mer. Elle n'en va pas moins connaître de tragiques événements. Dès qu'à été signalée l'approche des voiles turques, le grand maître des Hospitaliers a mis Rhodes en état d'alerte.
 
Pierre d'Aubusson sait pouvoir compter sur ses chevaliers, qui portent fièrement le manteau noir frappé de la croix blanche. En entrant dans l'ordre, ils ont, une fois pour toutes, fait don de leur vie. Leur moral, en acier trempé, est encore conforté par l'arrivée d'un contingent de volontaires venus de France : cinq cents chevaliers et deux mille hommes d'armes, conduits par le frère du grand maître, Antoine d'Aubusson, ancien chambellan de Charles VII puis de Louis XI.
 
Sitôt débarqués, les Turcs installent de puissantes batteries d'artillerie. Un feu d'enfer est déclenché contre le fort Saint-Nicolas. Le harcèlement dure jusqu'au 9 juin. Les Turcs se lancent alors à l'attaque, misant sur leur écrasante supériorité numérique. Les combats font rage, au corps à corps. Le grand maître est en première ligne, comme il se doit.
 
Trois assauts ont lieu, jusqu'au 27 juillet. Ce jour-à les Turcs réussissent à prendre pied sur les murailles. Mais le grand maître a donné comme mot d'ordre : « Mourons ici, mes chers frères, plutôt que de reculer ». Il reçoit cinq blessures. Au prix de pertes très sévères, les Hospitaliers restent maîtres de la place. Le flot musulman reflue. Mais Pierre d'Aubusson sait qu'il faudra rester vigilant.
 
Cinq siècles plus tard, ses mots d'ordre restent d'actualité.
 
 
 
27 Septembre 1529 : L’Europe face aux turcs

 
   A la tête de ses troupes, Soliman le Magnifique met le siège devant Vienne le 27 septembre 1529. Le flot turc vient ainsi battre les murs d'une ville-symbole. Déjà occupée dans l'Antiquité par les Celtes, sous le nom de Vindobona, la ville est devenue au XlIe siècle la résidence des ducs d'Autriche (Ost-Reich, « l'empire de l'Est ») de la maison de Babenberg. Elle est sur la route de l'ambre, qui relie Baltique et Méditerranée (I'ambre a des propriétés magnétiques et il est porteur d'un symbolisme solaire, donc sacré). Erigée en centre administratif de l'empire des Habsbourg, qui ont hérité des couronnes de Hongrie et de Bohême, Vienne est, à l'évidence, un des bastions de l'Occident face aux dangers venus de l'est et du sud. C'est pourquoi Soliman a choisi d'en faire une de ses cibles privilégiées.
 
Soliman est l'incarnation même de l'impérialisme ottoman. Celui-ci s'est affirmé au cours des XlVe et XVe siècles. Basés d'abord en Asie Mineure, ces Turcs se sont imposés au sein du monde musulman (l'Islam a remplacé progressivement chez les Turcs le chamanisme ancestral, même si ce paganisme a laissé des traces durables dans les croyances et traditions des Turcs). Etendue à toute l'Anatolie, la conquête ottomane a gagné ensuite les Balkans et a réussi à submerger, en 1453, l'empire byzantin et sa capitale Constantinople. Entre 1512 et 1520, Sélim le Terrible (et le bien-nommé) a soumis l'Iran, le Kurdistan, la Syrie, la Palestine, l'Egypte. D'abord émirs, puis sultans, les souverains ottomans revendiquent enfin le titre de calife : Sélim Ier a ramené à Istanbul le dernier calife abbasside et affirmé que celui-ci avait renoncé à ses droits, à son profit ...
 
Son fils Süleyman, que nous appelons Soliman, a reçu de son peuple le surnom de « Légalisateur ». Il a en effet réalisé une vaste œuvre institutionnelle et administrative pour organiser son empire. Mais il a été aussi, suivant la ligne tracée par son père, un grand conquérant. En treize campagnes (dix en Europe, trois en Aie), il a soumis l'Irak et la totalité du monde arabe, à l'exception du Maroc. Ses corsaires hantent la Méditerranée et lancent même des expéditions jusqu'en Inde. Il prend Rhodes en 1522, malgré l'héroïque résistance des chevaliers de saint Jean, qui doivent se replier à Malte.

 
En Europe, Belgrade succombe sous les coups ottomans en 1521. En 1526, après l'éclatante victoire de Mohács remportée sur Louis de Hongrie, Soliman annexe Buda. Voici la Hongrie placée, pour un siècle et demi, sous le joug turc.
 
Tout semble réussir à Soliman. Mais, devant Vienne, il échoue. Aidée par la rudesse d'un hiver précoce, la résistance obstinée, acharnée des défenseurs oblige Soliman à lever le siège le 15 octobre. Il va renouveler deux fois sa tentative, en 1532 et 1566. Vienne tiendra bon,
 
Aujourd'hui, l'ennemi n'est plus à la frontière. Il est dans nos murs. Il menace de mort notre identité. L'identité d'un peuple est une sainte cause.
 
Mobilisons-nous, donc, pour une sainte guerre. Entrons en résistance. Et préparons la Réconquista !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
FaLang translation system by Faboba
 e
 
 
3 fonctions