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Qui est familier des États sudistes n’a pu passer à côté de ce « credo » décliné sous toutes ses formes (drapeaux, tee-shirts, autocollants, plaques minéralogiques, etc.) : The South’ll Rise Again (« Le Sud relèvera la tête ») avec parfois sa variante The South’ll Ride Again (« Le Sud remontera en selle »).

Quelle en est l’origine ? On ne le sait pas. Même si certains pensent que le général Lee aurait prononcé cette phrase lors de la reddition d’Appomattox, on n’en a aucune preuve. Elle peut aussi bien avoir été inspirée par un chant de l’époque de la guerre entre les États, The South Shall Rise Up Free. Ou tout simplement par un extrait de la Bible : « The queen of the South shall rise up at the Judgement with the men of this generation and condemn them » (Luc 11 h 31).

De nombreuses chansons country ont aussi exploité et décliné ce thème. Dans les années cinquante, un groupe, qui s’appelait significativement The Confederates, chantait un morceau intitulé Save Your Confederate Money, Boys, où l’on trouvait la phrase The South Shall Rise Again. Et l’on peut penser encore à la chanson du Charlie Daniel’s Band, The South’s Gonna Do It Again (« Le Sud remettra ça »).

S’il nous fallait dater approximativement le moment où le Sud a commencé à sortir la tête de l’eau, nous dirions le début des années 1900. Et particulièrement le jour où les United Daughters of the Confederation (plusieurs dizaines de milliers de membres) obtinrent de Roosevelt le droit d’ériger au cimetière d’Arlington un monument à la mémoire des soldats confédérés enterrés-là.

Dollar par dollar, cent par cent, ces filles et ces femmes de l’honneur et de la fidélité réunirent la somme nécessaire à l’érection d’un tel mémorial. Puis elles allèrent trouver Moses Jacob Ezechiel, l’artiste alors des rois et des reines en Europe, pour lui demander de se charger de la réalisation. Ezechiel, de passage alors aux Etats-Unis, n’hésita pas une seconde : « Cela fait quarante ans que j’attends de pouvoir exprimer mon amour pour le Sud. Je ne vous ferai pas payer mon travail, mais seulement le prix des matériaux. »

L’histoire personnelle de Moses Jacob Ezechiel mérite d’être racontée. Né en 1844 dans une famille juive pro-sudiste de Richmond, il a 16 ans quand la guerre éclate et il intègre, avec la bénédiction de ses parents, l’école des Cadets du Virginia Institute à Lexington. Il sera du nombre des Cadets héroïques qui chargeront à la bataille de New Market, Virginie.

Après la guerre, Ezechiel ira trouver le général Lee avec cette question : « Que dois-je faire de ma vie ? » Réponse de Lee : « J’espère que vous serez un grand artiste, vous me semblez taillé pour l’être. Mais quoi que vous fassiez, essayez de prouver au monde que, si nous n’avons pas gagné, nous sommes dignes de réussir et de nous faire une réputation dans quelque profession que nous ayons choisie. »

 

La fierté rebelle 11

 

En 1900, Ezechiel réalisera le monument à la mémoire de ses condisciples, les Cadets du Virginia Military Institute tombés à New Market, le fameux Virginia Mourning Her Dead (« La Virginie pleure ses morts »). On lui doit aussi des statues et des monuments à la mémoire des Confédérés, dont un magnifique Stonewall Jackson.

Le monument d’Arlington représente une femme, qui symbolise le Sud, penchée sur une charrue et tenant dans sa main une couronne de lauriers. À la base du monument, 32 personnages, dont Minerve, la déesse de la guerre qui soutient une femme blessée à mort. Derrière cette femme (symbole du Sud, là encore), deux lignes de soldats montant en ligne. On distingue un Noir, coiffée d’une casquette confédérée et marchant coude à coude avec la troupe. Plus loin, une nanny noire tend un bébé à un officier pour un dernier baiser d’adieu (un kiss goodbye). Des enfants s’accrochent à ses jambes. Sont symbolisées encore la richesse, la pauvreté et la religion. Pour Clint Johnson (The Politically Incorrect Guide to the South), « Ezechiel et les dames de l’United Daughters of the Confederation ont fait beaucoup plus que d’ériger un monument aux morts confédérés de l’Arlington National Cemetery : ils ont érigé une défense de la Cause perdue. »

Le Sud mettra des années à se relever de ses cendres. S’il y a eu de nombreux films pour donner une vision point trop manichéenne de l’épopée sudiste, d’autres œuvres – Hee-Haw, Green Acres, Beverly Hillbillies (et même The Dukes of Hazzard où tout n’est pas à jeter), etc. – se sont appliquées à donner une image largement caricaturale des rednecks.

Dans l’ouvrage collectif, Le Sud au temps de Scarlett (Hachette, 1966), Gérard Schneilin écrit : « La guerre de Sécession marque le commencement de la fin du Vieux Sud et le début de ce qu’il est convenu d’appeler le Nouveau Sud. Pourtant le Vieux Sud ne mourut pas : il se prolongea dans son mythe. Ce mythe n’est pas l’histoire ; il en est le succédané dans l’imagination et l’imagerie populaire. Il est le monde imaginaire créé par la nostalgie, la souffrance et la volonté affective, l’image idéale et idéalisée d’un passé qui parfois se réincarne dans le présent, et même se projette dans l’avenir. Né d’un mécanisme d’autodéfense, c’est un agrégat d’histoires qui ont pour thème le destin malheureux de la patrie déchue : une manière de vivre disparue, une guerre perdue par des héros, une Cause perdue, aussi. Ce mythe s’est formé pendant les années qui ont suivi la guerre de Sécession et s’est plus ou moins maintenu depuis. »

Il ajoute : « Durant les années qui suivirent la Reconstruction, et jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, le particularisme sudiste, loin de diminuer, ne fit que se renforcer et se diversifier. Sur le plan politique, le compromis de 1877 marque le retour au pouvoir dans les États du Sud des anciennes équipes de planteurs, les Bourbons. Le mythe les accueille comme les sauveurs, ceux qui ont arraché le Sud d’entre les mains impures et lui ont rendu son autonomie et son passé, ceux qui ont racheté le pays matériellement et spirituellement, les Redeemers. »

Le Vieux Sud 11

À ne pas négliger, non plus, l’adaptation cinématographique du roman best-seller de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent. Il s’était vendu des centaines de milliers de copies du livre et l’on ne compte plus les centaines d’études – de Margaret Mitchell of Atlanta de Finis Farr à The Irish Roots of Margarett Mitchell’s Gone With the Wind de Darden Asbury Byron – consacrées à ce phénomène déclenché par une Géorgienne têtue et délurée. Et qui, comme Scarlett, écartait ses interlocuteurs importuns d’un définitif « I don’t give a damn » (« Rien à foutre… »). Ce qui, somme toute, est une manière comme une autre de traduire ce que disent les Southern Good Ole Boys aujourd’hui : « Gardez vos salades, The South’ll Rise Again. »

Il y a de grands écrivains américains. Il y a de très grands écrivains sudistes. Allen Tate, poète, romancier et critique, par exemple. Ou encore Robert Penn Warren avec des œuvres puissantes comme Les Cavaliers de la nuit, Les Fous du roi, Le Grand souffle, etc. Et Mark Twain, Kate Chopin, Thomas Wolfe, William Faulkner, Katherine Anne Porter, Eudora Welty, Erskine Caldwell, Flannery O’Connor, Tennessee Williams, Thomas Dixon Jr., William Styron, Anne Rice, James Lee Burke, Pat Conroy, John Grisham, Cormac McCarthy, etc.

En 1831, Alexis de Tocqueville voulut se faire expliquer la différence entre le Nord et le Sud, différence qu’il ressentait très fortement sans parvenir à la cerner. Un juriste de Baltimore s’y essaya : « Ce qui distingue le Nord, c’est l’esprit d’entreprise. Ce qui distingue le Sud, c’est l’esprit aristocratique. » En précisant que les Sudistes sont francs, prêts à s’émouvoir et hospitaliers quand les habitants de la Nouvelle Angleterre sont froids, calculateurs, matérialistes. Un jugement repris en 1849 par un natif du Kentucky : « Le Sud ne s’est-il pas acquis un renom de franchise, de générosité, d’honneur farouche et de chevalerie, inconnu dans le Nord ? »

On ne refait pas l’Histoire ? Bien sûr. Mais comment ne pas sentir, même confusément, que la destruction d’Atlanta a marqué la fin d’un monde ? Un chant créé en 1866 – après la défaite donc –, I’m a Good Ole Rebel, laissait cependant présager que ce monde n’allait pas – The South’ll Rise Again – disparaître pour autant : « Oh ! Je suis un bon vieux rebelle/ Maintenant, c’est tout ce que je suis/ Et leur terre de liberté ?/ Je n’en ai rien à secouer/ Je suis fier d’être contre/ J’aurais seulement voulu qu’on gagne/ Et je refuse leur pardon pour tout ce que j’ai fait. »

Dans The Politically Incorrect Guide to the South, Clint Johnson écrit : « Depuis 1865, il a souvent été répété The South will rise again ! Eh bien, vous savez quoi ? C’est arrivé. Le Sud s’est relevé et il vole désormais au-dessus des autres régions, y compris son vieil ennemi, le Nord (…). Tous ces Yankees abandonnent leurs États d’origine et viennent s’installer dans le Sud parce que nous avons des choses que le Nord n’a pas : des impôts moins élevés, une qualité de vie conviviale et familiale, une culture de la foi et du travail à la dure plutôt qu’un gauchisme socialement flamboyant et la croyance que l’État doit s’occuper de tout. De nombreuses personnes viennent s’installer dans le Sud parce que le Sud reste plus authentiquement américain – avec ses valeurs américaines traditionnelles – que les États du Nord avec leurs gouvernements obèses de plus en plus gauchisants, séculiers, et collecteurs d’impôts élevés. »

 

the south will rise again randy steele

 

Une « migration » Nord-Sud qui n’est pas sans danger pour l’identité d’un Sud déjà et depuis longtemps travaillé par les dogmes nordistes et ses « vérités » sur la « guerre civile ». Le danger de voir ces nouveaux carpetbaggers (même s’ils n’ont pas les sacs vides…) vouloir, avec la complicité de nouveaux scalawags (qui ont fait déjà beaucoup de dégâts au nom du politiquement correct), grignoter encore plus et plus profondément les spécificités sudistes. N’a-t-on pas vu, récemment, un de ces transplantés du Nord, installé dans le Lee County, en Floride, exiger que le comté soit débaptisé au motif qu’il porte le nom d’un « traître » à l’armée de l’Union ? N’a-t-on pas vu un scalawag de Winston-Salem, Caroline du Nord, envisager – pour complaire à ses maîtres nordistes – de donner un nom politiquement plus « correct » à la séculaire Dixie Classic Fair ? N’a-t-on pas vu au Tennessee, au Kentucky, en Virginie, d’autres scalawags suggérer – et parfois obtenir – que les mots South, Dixie, Confederate, soient bannis ? Le classique de Walt Disney, Song of the South (1930), avec les personnages d’Uncle Remus et Brer Rabbit, n’est-il pas quasiment interdit de projection ?

Il n’empêche que le Sud reste vigilant et jaloux – pride not prejudice – de son histoire et qu’il est entré en résistance pour éviter d’être une fois encore envahi par les vents du Nord.

« Si vous êtes né sudiste(1), écrit Clint Johnson, considérez que vous êtes l’individu le plus chanceux du monde. Si vous avez choisi de vous installer dans le Sud, vous pouvez encore vous considérer comme l’individu le plus chanceux du monde. Assurez-vous seulement d’élever vos enfants en restant en phase avec vos courageux voisins sudistes qui ne craignent qu’une seule chose : le Bon Dieu. » Pour le reste, we’ll take our stand to live and die in (and for) Dixie.

Alain Sanders

Note :

1 Et si vous ne l’êtes pas, souvenez-vous du vieil adage : « I wasn’t born in Dixie, but I got there as fast as I could ! » (« Je ne suis pas né à Dixie, mais j’y suis venu aussi vite que j’ai pu »).

 

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