« Compagnons de route » : c'est le terme aimable par lequel les communistes désignent officiellement ceux qu'ils appellent plutôt, entre eux, « les idiots utiles »... C'est-à-dire des gens qui, en mettant, directement ou indirectement, leur nom, leur réputation, leur savoir-faire au service de la cause communiste, fournissent un paravent bien commode, car plus présentable que les éructations du militant lambda. Parfois pour un temps plus ou moins limité mais peu importe : tant qu'ils sont dociles et malléables à souhait, prêts à avaler toutes les couleuvres, on les utilise puis ensuite, si nécessaire — par exemple s'ils ont des états d'âme — on les jette comme un kleenex usagé, au besoin en les traitant de « sociaux-traîtres » (étiquette qui a l'avantage d'être suffisamment vague pour être extensible à l'infini..,).

Les communistes ont toujours cherché à attirer à leurs côtés des intellectuels. Non par goût pour l'intelligence, qui est plutôt un handicap quand on souhaite avoir des séides qui obéissent aux consignes sans hésitation ni murmure, mais parce qu'il est nécessaire, pour appâter des recrues intéressantes, de faire croire que le marxisme séduit des gens dotés en principe d'une raison raisonnante et d'un quotient intellectuel respectable... et donc a une crédibilité et une légitimité dans le domaine de la pensée.

 

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Un bon exemple de ce type de manipulation est fourni par le poète Paul Eluard. Celui-ci a adhéré au Parti communiste en 1927, en même temps qu'André Breton et Aragon. Quand un autre intellectuel communiste, Georges Sadoul, passionné de cinéma, fut condamné pour avoir menacé d'une « fessée publique » le major de promotion de l'Ecole de Saint-Cyr (apparemment après avoir forcé sur la bouteille...), Paul Eluard voulut venger Sadoul en adressant au général Gouraud, gouverneur militaire de Paris, une carte postale où il déclarait : « Je ne reconnais pas aux gens de votre qualité le droit de limiter l'expression de ma pensée, notamment en ce qui concerne la patrie, mot qui n'a pour moi aucun sens quand il ne s'agit pas de l'URSS, patrie des travailleurs ». Très lié à Aragon (qui avait écrit en 1928 « Je conchie l'armée française »), Eluard participa avec lui au Congrès des écrivains révolutionnaires de Kharkov, en septembre 1930, à l'issue duquel il cosigna avec Aragon une déclaration, rapportée à Paris pour être remise à André Breton, où était affirmée la nécessité de subordonner l'œuvre d'art et l'œuvre littéraire « aux besoins du prolétariat ». En 1931 il signa un tract intitulé « Si vous voulez la paix préparez la guerre civile ». Mais, comme d'autres figures du mouvement surréaliste, il finit par devenir suspect aux yeux des communistes et il fut exclu du Parti communiste. Ce qui ne l'empêcha pas de militer, avec un autre « compagnon de route » nommé Picasso, en s'agitant beaucoup au moment de la guerre d'Espagne pour soutenir les rouges.

En 1942 il revint à ses vieilles amours et, poussé par Aragon, demanda sa réintégration au sein du Parti communiste clandestin. Auteur d'un poème intitulé « Liberté » (sic) très largement diffusé, il devint l'un des « auteurs-maison » du Parti communiste et remplit après la guerre son rôle d'idiot utile dans le cadre d'organisations-satellites du PC : délégué au Conseil mondial de la paix en 1949, représentant officiel de l'association France-URSS, etc.

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Il n'égala cependant jamais le degré de servilité d'Aragon. Lequel approuvait la terreur stalinienne dans son poème « Vive le Guépéou » et écrivait en 1931 dans Front rouge : « Descendez les flics, camarades [...] Feu sur les ours savants de la social-démocratie ». Organisant, en 1945, la chasse aux sorcières baptisée « Epuration » dans le cadre du Comité national des écrivains, il reçut en 1956 le Prix Lénine pour la paix. Il le méritait bien puisqu'il avait pris soin d'exalter les mérites du Goulag, présenté comme « une extraordinaire expérience de rééducation ».

Pierre Vial

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