Le gisement du bassin minier du Pas-de-Calais, exploité par la Compa­gnie des mines de Courrières, four­nissait 7 % de la production nationale de houille, grâce à d'importantes veines de charbon gras, le travail d'abattage se faisant à une profon­deur de 326 à 340 mètres. Les puits se répartissaient sur quatre fosses.

Le 7 mars 1906, un feu est décou­vert, dans un vieux tas de bois, au sein de l'une des veines de la fosse de Méricourt. Ingénieurs et porions (contremaîtres) décident de mettre en place des barrages pour étouffer le feu. Ce qui est fait les 7, 8 et 9 mars. Sans résultat décisif. Pierre Simon, délégué-mineur depuis 1891, demande que plus personne ne des­cende tant que le feu ne sera pas éteint. On ne l'écoute pas. De même qu'on n'a pas écouté des mineurs sus­pectant la présence de grisou.

Le samedi 10 mars, à six heures du matin, 1 664 mineurs et galibots (âgés de 14 à 15 ans) sont déjà descendus dans quatre fosses. A 6h30 une fumée noire est repérée à la sortie d'un moulinage (débouché au jour des cages de remontée des wagonnets). A 6h34 l'explosion d'une poche de grisou soulève la poussière de charbon, très explosive, qui se met en autocombus­tion. Ce « coup de poussière » ravage en quelques secondes 110 kilomètres de galeries communes à trois fosses. Puis des gaz méphitiques (toxiques) se répandent. La déflagration a été si forte que des débris et des chevaux ont été projetés à une hauteur de dix mètres sur le carreau de la fosse n° 3.

Cette catastrophe, la plus impor­tante dans l'histoire minière de l'Eu­rope, a fait officiellement 1 099 morts (la plupart asphyxiés ou brûlés par les nuées ardentes ; parmi eux 27,45 % avaient entre 13 et 18 ans). Elle a provoqué un traumatisme col­lectif de grande ampleur. Au moment de l'explosion, une violente secousse a alerté les quartiers où habitent les familles des mineurs. Une foule de femmes, d'enfants, de vieillards se précipite et butte sur des grilles fer­mées, vite protégées par de nombreux gendarmes. L'angoisse monte.

Des ingénieurs tentent de descendre dans les puits pour sauver ceux qui peuvent encore l'être. Mais certains puits sont bouchés par des amas de ferraille, les cages sont bloquées, les échelles inutilisables, l'accumulation des gaz empêche toute progression dans le puits n° 2. Malgré tout on arrive à sortir quelques blessés, dont la peau se détache par lambeaux. Des médecins accourus doivent amputer sur place un galibot. Il faut essayer de réanimer les asphyxiés.

Des sauveteurs ont entendu des coups tapés sur des tuyaux. Il y a donc des survivants dans les galeries. Mais pour les atteindre il faut se frayer un chemin au milieu des décombres, en risquant à tout moment l'asphyxie. Le 11 mars, à 22 heures, ordre est donné, par des ingénieurs envoyés par l'Etat, d'arrê­ter les opérations de sauvetage alors qu'il y avait sans doute encore des hommes à sauver (treize "miraculés" furent récupérés vingt jours après la catastrophe et un quatorzième le 24e jour, grâce aux appareils respira­toires apportés par des secouristes allemands. Cette décision fut très mal vécue par les familles des vic­times, accusant, à juste titre, la com­pagnie minière d'être plus préoccu­pée par la protection des infrastruc­tures que par le sort des mineurs, tandis que les familles, privées d'infor­mations, virent leurs morts enfouis dans une fosse commune à l'issue d'une cérémonie vite expédiée, si bien que le directeur de la compagnie dut s'enfuir sous les huées.

La colère monte dans le bassin. Les mineurs refusent de redescendre au fond. Le 16 mars, 25 000 ouvriers sont en grève. Georges Clemenceau, alors ministre de l'Intérieur, mobilise 30 000 gendarmes et soldats et ordonne de nombreuses arrestations. Faisant référence à son passé d'ex­trême gauche, Jacques Bainville écrit de lui : « il était maintenant "de l'autre côté de la barricade". Il proté­geait les bases matérielles de la société bourgeoise. » Mais la catastrophe avait suscité un élan de générosité spectaculaire : 6,5 millions de francs-or furent collectés en France et en Europe.

Devant l'ampleur du mouvement social, le patronat dut composer et accorda des augmentations de salaires. Autre conséquence d'impor­tance : l'instauration du repos hebdo­madaire et la mise en place de mesures techniques destinées à réduire l'insécurité dans les mines.

Pierre VIAL

Sources : Rivarol du 26/03/2010

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