Les observateurs impartiaux des mouvements fascistes re­connaissent que cette forme du socialisme,

qu'elle se soit mani­festée en Italie, en Allemagne ou ailleurs, possédait dans les traditions de ces pays des sources profondes. Quitte à traiter leurs partisans de chauvins et de nationalistes bornés. Ils ci­tent facilement les noms de leurs précurseurs, qui ont d'ail­leurs été honorés par ces partis dès leur prise du pouvoir. Mê­me si leurs chefs ont été de grands improvisateurs et de grands intuitifs, ils ont toujours reconnu le rôle immense de leurs annonciateurs.

Chaque peuple a possédé de tels initiateurs, et ce n'est pas parce que leurs héritiers n'ont pas toujours triomphé, qu'ils n'ont pas existé pour autant, et qu'aucun travail n'a été fait. Les fascismes ont eu des fortunes diverses. Certains sont très méconnus comme c'est le cas en France, dont les expériences dans ce sens ont été constamment tronquées. Etant méconnus eux-mêmes, leurs précurseurs le sont davantage encore.

Le grand public ignore que le fascisme français est tout bonnement le continuateur des socialistes français, que le marxisme, produit d'importation, a remplacé chez nous à la faveur de la défaite française de 1871, et du massacre des ou­vriers, de Paris au moment de la Commune. Après la dispari­tion des Communards, composés de Blanquistes et de Proudhoniens, a commencé l'introduction du marxisme. Le socialisme français avant d'avoir pu être expérimenté a été anéanti, et les conquêtes sociales qu'il se proposait de faire ont pu être renvoyées à une époque lointaine, à la grande satisfaction des bonnes âmes.

Engels a pu dire très justement en se frottant les mains : « La Commune a été le tombeau du vieux socialisme spécifi­quement français. Mais elle a été en même temps le berceau du communisme international, nouveau pour la France. »

Marx n'a rien négligé dans ce sens. Il a même donné ses deux filles aînées à deux Communards, Charles Longuet et Paul Lafargue, pensant se rendre acquéreur du sacrifice des Fédérés, et du même coup, devenir le propriétaire légitime de cette page glorieuse du socialisme. Un Rothschild n'aurait pas fait mieux en donnant sa fille au représentant d'un trust fi­nancier. Transposé dans un domaine différent on a parfois les mêmes réactions, et on peut rester homme d'affaires.

blanqui

La France n'a donc pu réaliser son propre socialisme qui correspondait à son génie propre. Il n'est pas interdit de faire des suppositions et de se demander ce qu'aurait pu réaliser Blanqui s'il avait pu prendre la tête de la Commune et la ren­dre victorieuse, car elle a été privée de son Chef. Thiers qui le tenait prisonnier s'est bien gardé de le libérer, se rendant compte de l'otage de marque qu'il tenait.

La fructueuse opération de Marx a dupé nombre de gens. Elle a trouvé également des protestataires, et j'aimerais vous entretenir de l'un d'entre eux, le bourguignon Eugène Protot, qui fut sous la Commune le délégué à la Justice et qui tint, magnifiquement le rôle difficile qui lui avait été dévolu.

Son intelligence et ses capacités auraient dû lui donner les plus hautes fonctions. C'est ce que pensait Chincholle, histo­riographe de la Commune. S'il ne s'était mêlé que de ses pro­pres affaires, au lieu d'avoir le mauvais goût de s'être intéressé au bien public et de s'être dévoué pour l'intérêt général, il aurait pris place parmi les plus brillants avocats de son temps.

Charles Louis Eugène Protot est né le 27 janvier 1839 à Carisey dans l'Yonne, de Pierre Protot, cultivateur vigneron et de dame Fleury. Enfant prodige, il apprit seul le latin dans un livre de messe en gardant les moutons. Ses parents, heureux de ses dons, l'envoyèrent à Paris faire ses études où il logea chez une parente qui faisait des ménages. Il donna des leçons pour vivre.

protot avocat Copier

Il eut pour maître le blanquiste Auguste Rogeard dont l'in­fluence le marqua profondément et le précipita très jeune dans la vie politique. Il mena dès lors ses études de droit, d'une part, et, de l'autre, son activité de militant. Il écrivit dans le « Travail », journal d'opposition, littéraire et scientifique dont le premier article de tête était de Rogeard et où collaborèrent Clemenceau, Méline et Zola. Il écrivit également dans la « Rive Gauche », avec non seulement Rogeard, mais Fleurens, Charles Longuet, Combatz, F. Reclus, Jules Vallès et Gustave Chaudey. Quand parut le journal blanquiste « Le Candide », c'est Protot qui fut chargé du premier article établissant la profes­sion de foi du journal, qui fut supprimé au bout de huit nu­méros, après avoir fait une grande impression sur la jeunesse intellectuelle et ouvrière. Blanqui, Triden et le baron de Ponnet y écrivirent également.

Parmi les Jeunes révolutionnaires du moment, Protot était un des plus actifs. Il avait d'ailleurs aidé à une évasion de Blan­qui, l'homme qui passa la plus grande partie de sa vie en pri­son.

Vers l'année 1866, il y eut un démêlé entre blanquistes et membres de l'Internationale. Ils reprochaient à ces derniers leur tiédeur et leur opportunisme. La tolérance de la police impériale à leur égard, leurs bonnes relations avec les milieux républicains bourgeois leur paraissait pour le moins étrange.

Profitant d'un congrès que l'Association internationale devait en septembre 1866 tenir à Genève, Blanqui y envoya une délégation chargée de protester contre la tactique de la section française. Parmi eux se trouvaient Tridon, porte-parole du groupe et Protot.

Mais à la dernière heure, Blanqui changea de tactique, redou­tant une scission et peut-être des représailles... Peut-être aussi le souvenir de ses heurts avec Barbès et ses partisans qu'il avait eut dans le passé l'influencèrent-ils ? En tous les cas, il donna ordre à sa délégation de rebrousser chemin.

Protot qui était parmi les plus ardents, n'obéit pas. Dédai­gnant toute prudence et raison tactique, II se présenta au Con­grès avec quelques camarades. Il y prit violemment la parole et livra à son compte, l'attaque que tous ses amis s'étaient proposés de mener. Les incidents se multiplièrent, et après plusieurs séances, Protot et ses compagnons furent brutale­ment expulsés.

Mécontents, sinon de ses paroles, mais de son attitude indé­pendante, les blanquistes sommèrent Protot et son groupe de venir s'expliquer avec eux. Les deux délégations se rencontrè­rent le 7 novembre au Café de la Renaissance situé au n° 1, boulevard St Michel. Au plus fort de la discussion, la police intervint, prévenue par les deux « moutons » Largillière et Greffe, dont les noms furent connus par la suite.

Il y eut 24 condamnations pour appartenance à la société secrète dite du « Café de la Renaissance ».

Protot, qui ne s'était pas présenté aux débats tenus le 4 jan­vier fut condamné par défaut à 15 mois de prison. Se jugeant particulièrement visé, il avait d'excellentes raisons d'être pru­dent. Il se cacha plusieurs mois avant d'être arrêté et envoyé à la prison de Ste Pélagie, où il se réconcilia avec ses amis.

Les membres français de l'Internationale, composés d'ailleurs d'anciens disciples de Proudhon, finirent par régler leur atti­tude sur celle des blanquistes. Un de leurs membres, Mégy im­pliqué au début de l'année 1870, avec un certain nombre de révolutionnaires, sous la prévention d'attentat contre la Sûreté de l'Etat et la vie de l'Empereur. Son cas était d'autant plus grave (en admettant que la thèse de l'attentat n'ait pas été une invention), qu'il avait trouvé moyen de tuer un des agents venus pour l'arrêter.

Devant choisir un avocat, il désigna Protot, qui accepta bien Qu'il attirât de nouveau sur lui l'attention de la police impé­riale. C'était faire preuve de courage, car de tous temps, il a été dangereux d'assurer la défense d'un condamné politique. En effet, il se vit lui-même impliqué dans le procès, et un beau matin, un commissaire de police vint perquisitionner chez lui et procéder à son arrestation. Le voyant se saisir de sa serviette d'avocat, Protot la lui reprit des mains et s'enfuit dans l'escalier, poursuivi par le commissaire qui tira un coup de pistolet dans sa direction. La balle ne frappa que le mur, mais la détonation alerta les agents qui n'eurent qu'à le cueil­lir et l'incarcérer. Heureusement, le Conseil de l'Ordre s'en émut et Protot fut relâché. Il put se consacrer au procès qui devait s'ouvrir à Blois et où il révéla, bien qu'avocat stagiaire, une science consom­mée du droit. Son client pourtant bien mal parti ne fut con­damné qu'aux travaux forcés. La thèse de Protot était que les agents s'étaient présentés chez Mégy avant l'heure légale, et il put faire accepter le principe de la légitime défense.

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Durant le siège de Paris, et pendant le premier trimestre de l'année 1871, il prit part aux combats, avec le grade de maréchal des logis. Sa batterie était installée sur les crêtes de Nogent. Après l'armistice, il fut élu à son insu, commandant par le 213° bataillon de fédérés. Durant cette période ses fonctions militaires l'ont emporté sur toutes ses autres préoccupations.

Il fut élu membre de la Commune dans le 11° arrondisse­ment le 26 mars, avec Mortier, Delescluze, Assi, Eudes, Avrial et Verdure. Le 31 mars, il fut désigné comme délégué par la Commission de Justice. C'est à ce moment que commence pour Protot la phase essentielle de sa carrière. Jusque là, on avait connu l'enfant prodige, le militant tempétueux, le brillant avo­cat et le combattant du siège de Paris. Une fois de plus, il aura été à la hauteur d'une tâche difficile, exigeant des qualités différentes des premières.

Son grand mérite n'est pas tellement d'avoir été Garde des Sceaux à l'âge de 32 ans, venant juste de prouver ses capacités juridiques, ce qui serait déjà digne d'attention, mais d'avoir parfaitement compris ce qu'on pouvait attendre de lui dans une période d'insurrection : empêcher les massacres.

Notre génération a connu, elle aussi, une insurrection de Paris et nous pouvons faire des comparaisons.

Protot a su empêcher la pègre de commettre les dégâts et les crimes des époques troublées. Les blanquistes furieux de l'emprisonnement de leur Chef ne demandaient qu'à exercer des représailles, d'autant plus que des provocateurs payés par Thiers cherchent à tout envenimer.

Le pire faillit d'ailleurs se produire. Le 4 avril, l'exécution de Duval est annoncée aux membres de la Commune. Indigna­tion générale. Je me permets de citer Pierre Dominique dans son livre sur la Commune.

« Quelqu'un crie :

« — II faut ouvrir les prisons au peuple qui fera justice.

« Un septembriseur, celui-là. Mais Protot se lève, grand paysan carré d'épaules. Une tête ronde, une grande bouche, de larges narines, des yeux vifs. Il est plein de bon sens Protot, et son bon sens se double d'une forte culture juridique. Il a le sens de la justice, le sens politique aussi. Il pèse la responsabilité de la Commune.

— On ne répond pas au massacre par le massacre, dit-il. II faut agir légalement.., rédiger, discuter et adopter, si nous l'approuvons, une proposition instituant un mode de représailles tout en restant dans les limites du droit. Alors interrompt Rastoul, si l'on continue à nous tuer, nous continuerons à ne faire que de la légalité ?

Et Protot :
On peut être terrible avec ses ennemis en restant juste et humain... Du reste, il n'y a pas dans les prisons que des ennemis de la Commune, il y a des gens dénoncés qui peuvent être des innocents...

Le français approuve. Delescluze aussi. On charge Protot, le plus compétent dans les questions de droit, de rédiger un « projet de décret. »

Et Protot rédigea le fameux décret sur les otages, décret en apparence sévère, mais qui fit taire les plus excités. Et le peu­ple n'entra pas, cette fois-là, dans les prisons se faire justice.

Il était déclaré, en substance, que toutes personnes prévenues de complicité avec le gouvernement de Versailles, devaient être incarcérées et jugées. A la seule condition d'être reconnues coupables, elles seraient considérées comme otages du peuple de Paris. Si un prisonnier de guerre devait être exécuté par l'adversaire, un nombre triple d'otages, serait en réponse exé­cuté.

Inutile de dire que cette loi resta lettre morte. Un Protot versaillais aurait été utile. Malheureusement, au lieu de s'en tenir à un texte, Thiers fit tuer près de trente mille hommes, tandis que la Commune n'en exécuta que soixante-dix-huit. Et encore que si les otages de la Commune ce fut dans les der­niers jours, après que les partisans de l'ordre eussent eux-mêmes fusillé un grand nombre de prisonniers. On affirme que les otages auraient pu avoir la vie sauve si tel avait été le bon plaisir de Thiers.

Protot n'échappa que de peu à la fusillade.

Défendant presque seul la barricade de la rue de la Fontaine au Roi, entouré de cadavres, il fut jeté à terre, inondé de sang, une balle lui ayant crevé la joue gauche, lui faisant une blessu­re horrible. Au moment où il allait être pris, une femme ayant assisté à l'action de sa fenêtre, descendit et put le transporter chez elle. Elle cacha ses vêtements d'officier et lui recouvrit le visage de linges, et lorsque les soldats fouillèrent la maison, elle leur prétendit que le malade sourirait d'un érésipèle par­ticulièrement contagieux, ce qui les fit déguerpir.

Après avoir été sauvé grâce au dévouement de cette femme, Protot tenta de gagner la Suisse. Bien qu'il cachât son visage, un mécanicien le reconnut lorsqu'il fut sur le quai et fit sem­blant de le prendre pour son aide. Il lui cria : « Allons pares­seux dépêche-toi, le train va partir ! » Et il le fit monter avec lui dans sa locomotive.

Une fois en Suisse, pour vivre, il dut faire appel à des talents divers. Avec le docteur Bricon qui fut son secrétaire au minis­tère de la Justice, il fit même des pièces en vers pour un Gui­gnol.

commune

Après avoir été refoulé d'Italie et être allé quelque temps en Allemagne, il se réfugia en Angleterre chez son ami Barbellion. Le nom des amis qui se révèlent dans de semblables cas ne sauraient être trop mentionnés.

Dès l'amnistie, votée en 1880, Protot rentra en France. Mais lorsqu'il voulut reprendre sa profession d'avocat, sa radiation lui fut confirmée. Ne s'avouant pas battu, il voulut redescendre dans l'arène et se présenta aux élections municipales de Belleville où on lui préféra le premier médiocre venu. Une autre tentative aux élections législatives de Marseille n'eut pas plus de succès. Il dut méditer, en renonçant à se représenter, sur les beautés du suffrage universel et sur le jugement sacro-saint des électeurs.

Protot se tourna vers l'enseignement. Après avoir été un moment précepteur dans les familles, il se spécialisa dans les langues orientales. Déjà autrefois, lorsqu'il occupait la place Vendôme, il étudiait l'arabe. Il passa à cinquante-sept ans son dernier examen de persan, et fut professeur libre au Collège de France.

On connaît de lui quelques opuscules.

Dans l'un d'eux, « Chauvins et réacteurs » paru en 1892, il s'attaqua violemment à Marx et à Engels. « II (Engels) attirait chez K. Marx les proscrits français réfugiés en Angleterre et cherchait à les gagner à la cause allemande. »

II est exact que Marx, non par patriotisme allemand mais à cause de l'influence qu'il exerçait sur les socialistes allemands ralliés à sa doctrine, tâchait avec un beau manque et une belle muflerie de détacher les Communards de leur attachement au socialisme français qui ne lui avait témoigné que de l'hostilité.

« Vous voilà dans un bel état, disait Engels aux imprudents qui venaient de s'égarer dans l'antre prussien. C'est le capitalisme français qui vient de vous arranger ainsi. Il ne vous reste plus qu'une chose à faire, c'est de lâcher vos idées de patrie et de patriotisme et de vous joindre à nous pour marcher contre la bourgeoisie. »

Ces proscrits écoutaient et se méfiaient.

On comprend facilement que des gens aussi patriotes que socialistes, n'ayant pas encore pris l'habitude de voir ridiculi­ser leur Patrie, étaient quelque peu indignés des propos de ces deux métèques.

« C'est ce qui explique le peu de succès des soirées marxistes sur les réfugiés de la Commune. Ils y allaient une fois et n'y retournaient plus. En une heure, par leur instinct de révolutionnaires français, ils avaient compris qu'ils étaient chez Marx en maison ennemie. »

Protot qui avait été à Londres à ce moment, savait fort bien ce qu'il avançait et la tentative de subversion des deux com­pères l'écœurait, lui et ses amis. Il est certain que sans s'en douter, l'Allemagne d'alors a servi de moyen de pénétration au marxisme.

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Nos communistes ignorent ce sentiment de répulsion qu'ins­pirèrent aux réfugiés de la Commune leurs deux idoles. Mal­heureusement ce qu'ils n'ont pu réaliser aussitôt, les années et une bonne propagande arrivèrent à le faire. Marx à défaut d'une véritable originalité, possédait un sens tactique très développé et un flair remarquable. Ce n'est pas lui qui a créé la première Internationale, cette dernière étant due a l'initiative des syndicats, mais il a su en jouant les uti­lités, mettre dessus sa patte gluante.

Il n'a joué aucun rôle dans la Commune, si ce n'est celui de donneur de conseils. Personne ne l'empêchait de s'unir à cer­tains étrangers comme Dembrovsky, Wrobleski et à la comtesse Dimitrieff qui se signalèrent par leur courage. Par contre, il a su avec talent utiliser la ruine de rivaux qu'il détestait au bénéfice de son propre système.

Un peu en franc-tireur, Protot restait fidèle à ses principes, bien qu'éloigné de la politique active, déçu d'assister aux pro­grès des disciples de Marx dans la classe ouvrière. Tout de la part de l'Internationale lui déplaisait jusqu'à l'hymne qu'il trouvait lugubre.

Lorsqu'il se rendait au mur des Fédérés, c'était seul. Restant fidèle à son esprit, il ne se joignait pas aux défilés exhibition­nistes qui préfiguraient déjà ceux d'aujourd'hui.

Comme tous les socialistes non marxistes du dix-neuvième siècle, il était antisémite, comme l'avaient été Proudhon et Bakounine. Les manuels scolaires le reconnaissent.

L'antisémi­tisme moderne a débuté « à gauche » avant de passer « à droite », encore que ces deux termes parlementaires n'aient aucun sens. Si Protot n'aimait pas les Juifs, ce n'était pas par esprit de haine, mais c'est qu'il voyait les meilleurs représen­tants du capitalisme international que lui et les siens avaient toujours combattu. Il voyait également chez Marx, Engels, Rapoport ceux qui de l'autre côté lui avaient volé et dénaturé sa révolution. Il lisait Drumont et fut anti-dreyfusard. La ques­tion juive l'intéressait au plus haut point. Il écrivait là-dessus un livre d'étude. C'était sa thèse, disait-il. Le livre devait s'ap­peler « Magda » du nom de l'héroïne, car il devait le présenter sous forme de roman. Les Juifs ne devaient pas y être repré­sentés seulement sous une forme caricaturale, car il leur re­connaissait leurs qualités essentielles et rendait justice à leur esprit de famille, de race, de clan, mais que malheureusement ces derniers considèrent comme une provocation ces vertus chez les autres. Ce manuscrit a, hélas disparu au moment de sa mort. Nous ne savons s'il s'est volatilisé ou si quelqu’un un jour le retrouvera.

Protot a publié, dans un opuscule, un projet d'immeuble à bon marché dont la conception est fort ingénieuse et dont il était l'inventeur. Un de ses amis, l'architecte Delœuvre, d’après ses descriptions, en a dressé le plan et construit une maquette et l'a appelé le Protodome. C'est un immeuble de quatre étages comprenant un appartement par étage. Chaque appartement possède un escalier indépendant, limitant les risques d'incendie, d'épidémie et de mauvais voisinage. Il l’a adressé au conseil municipal de Paris en 1909. On trouve l’ou­vrage à la bibliothèque nationale et à la bibliothèque de la ville de Paris, il est intitulé : « Une révolution dans l'habita­tion, un foyer à tous ».

Protot n'a jamais renié son origine rurale et a mené jusqu'au bout une vie simple, dénuée de confort. Il était très curieux de l'avenir.

Il mourut le 17 février 1921 à l'âge de 82 ans à l'hôpital St Antoine. Il fut inhumé à Carisey dans une sépulture de famille édifiée au milieu d'un champ suivant la coutume de l'endroit. Maxime Vuillaume, alors secrétaire de Viviani, prononça une allocution. Il avait lui-même fort connu Protot à une époque où lui-même était journaliste au « Père Duchêne », journal de la Commune.

Protot était le type même du vrai communard. On comprend que nos politiciens marxistes l'écartent volontiers de leur pan­théon, et malgré l'estime des historiens de la Commune, lui fassent la conspiration du silence. Je ne crois pas être démenti par nos amis en le plaçant parmi les précurseurs du fascisme. La Commune a été honorée par les fascistes français ortho­doxes qui se proclamaient héritiers des Proudhoniens et des Blanquistes. Nous connaissons l'initiative de J.-M. Aimot fai­sant fleurir en leur nom le mur des Fédérés, occupant ainsi une position symbolique. Les délégations qui s'y rendirent au moment du front populaire continuèrent ainsi jusqu'en 1944, date à laquelle on les fit rentrer également dans le silence.

Provisoirement. On ne dissout pas un idéal.

René DAYRAS.

(Source : Défense de l’Occident – Mai 1963)

 

 

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