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Du « l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’Histoire » de Nicolas Sarkozy au « Il est parti réparer la clim » d'Emmanuel Macron, nous payons au prix fort quinze ans de mépris et d'incompétence.

Depuis trois ans, les coups d’Etats militaires se multiplient en Afrique de l’Ouest. Coups d’Etat réalisés par des officiers supérieurs qui dans leur écrasante majorité ont été formés en France et/ou aux Etats-Unis. Ce qu’à Paris l’on trouve à dire ? C’est la faute à Poutine-Wagner-la Chine.

Rejet de la France et des Français ? Que nenni. Qui connait un peu l’Afrique sait que ce n’est pas le cas. Si une certaine animosité peut parfois se manifester, ce qui est fantastique en Afrique est que l’on peut toujours parler. Nous devrions en prendre de la graine et remettre au goût du jour chez nous le palabre. C’est long, c’est compliqué. On peut être fatigué mais on n’a pas le droit de faire montre de désintérêt ou d’indifférence.

Cela fait plus de quinze ans que nos amis africains essaient de nous parler. Cela fait plus de quinze ans que nous leur répondons en leur envoyant des experts qui, à grands coups de diapositives PowerPoint, leur dictent ce qu’ils doivent faire. Cela fait plus de trente ans que nous leur imposons des modèles universels, des recettes de cuisine pour résoudre l’ensemble de leurs problèmes pourtant si spécifiques. Sinon pas d’aide au développement.

On peut - il faut - critiquer la défunte Françafrique. Mais force est de reconnaître que la bande à Foccart possédait une connaissance profonde de l’Afrique et des Africains, qu’elle ne méprisait pas. Le respect mutuel était la règle. Croire que l’influence française découlait de sa présence militaire et du franc CFA est une argutie. Quoi qu’on dise, quelles que furent les vicissitudes et autres coups d’Etat, à l’époque, on livrait. La coopération d’Etat obtenait des résultats concrets. On ne se contentait pas de proposer des prêts - du FMI, de la Banque mondiale, de l’Agence française pour le développement etc. - pour que les Etats emprunteurs lancent des marchés publics bénéficiant aux grandes entreprises occidentales (et aux caisses de nos partis politiques).

Si rejet il y a, c’est du post-colonialisme qui s’est avéré pire que le colonialisme. Jamais les Africains ne furent autant infantilisés et dépossédés que depuis la chute du Mur. Trente ans que nous leur imposons la « démocratie libérale » et la loi du marché avec l’obstination d’un sale gosse qui essaie de faire rentrer à grand coup de poings le cube dans le trou circulaire de son Playskool. Les résultats ? Aucun de tangible. Ah si : persistance de la misère, de la corruption et des guerres.

Prenons la plus grave crise humanitaire que connait la planète depuis vingt-cinq ans : la tragédie de la République démocratique du Congo, qui a fait au bas mot huit millions de morts. Elle se poursuit dans l’indifférence générale. L’un des pires criminels de guerre en liberté, Paul Kagamé, président du Rwanda, y pille allègrement coltan, cobalt et autres minerais stratégiques pour le compte des Anglo-saxons et des Israéliens. Pillage rendu possible par l’entretien de milices commettant d’innombrables exactions sur les populations civiles. Avec la plus grosse mission intégrée de l’histoire de l’ONU qui n’est qu’un spectateur.

 

La malédiction des élections (piège à cons)

Les frontières issues de la décolonisation ne correspondent pas aux réalités ethnolinguistiques donc politiques. La démocratie libérale, c’est bien beau. Quand le système de solidarité n’est pas celui de la nation mais reste ethnique et tribal, rien d’étonnant à ce que celui qui accède au pouvoir soit dans l’obligation de favoriser son ethnie et sa tribu. Et puisque des élections présidentielles font que le vainqueur remporte tout, elles créent une nouvelle dimension de conflit. Alors que les élections locales - régionales, municipales, collinaires etc. - elles se passent mieux.

Cela fait bien longtemps que truquer une élection ne consiste plus à bourrer les urnes. Il existe des méthodes plus sophistiquées qui permettent de s’assurer en amont que leur résultat soit conforme au choix patron - patron à prendre au sens du vieux français « patroun », de seigneur-maître, de celui qui protège, soutient ou encourage. On peut par exemple faire en sorte que la constitution des listes électorales fasse pencher la balance du bon côté, que certains déséquilibres dans la densité territoriale des bureaux de votes perdurent, que certaines « ONG » humanitaires fassent discrètement campagne pour un camp plutôt qu’un autre ou - un grand classique - stipendier la presse.

Ne vous y trompez pas : ces méthodes sont largement utilisées chez nous, en Europe, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a le cas fameux de l’Italie dont le dernier avatar est l’élection de Giorgia Meloni, formée par l’Aspen Institute – un centre de réflexions fondé en 1950 à Aspen dans le Colorado aux États-Unis – qui consciencieusement met en application l’agenda « globaliste » décidé à Washington. Finies les belles promesses de contrôle de l’immigration. A la trappe le discours eurosceptique. Les Italiens n’ont effectivement pas ce pour quoi ils ont voté.

En France, regardez comme est aujourd’hui monté en épingle Jordan Bardella, eurodéputé tamponné à Bruxelles, qui s’est si promptement rangé dans le camp atlantiste au mépris des intérêts fondamentaux de la France. Lesquels ne consistent pas à se mêler d’une querelle de voisinage en Europe de l’Est, d’être un belligérant de fait dans un conflit qui ne la concerne pas plutôt que d’œuvrer à sa résolution pacifique dont le moyen existe déjà, puisque les accords de Minsk ont été validés par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et sont donc l’état du droit international, qui doit être appliqué. Tout cela pour vous dire que nous ne sommes pas plus malins que les Africains. Fin de la digression.

En Afrique, c’est l’Occident, Etats-Unis en tête, qui sélectionne, protège et encourage depuis trente ans les leaders politiques. A chaque cycle électoral - donc dans les faits de manière permanente - on voit débarquer deux organismes émanations des deux partis politiques américain : le National Democratic Institute et l’International Republican Institute, financés par l’Etat fédéral - USAID, le département d’Etat et le « National Edowment for Democracy » - bref le « foreign policy blob » (le blob de la politique étrangère américaine) et la CIA.

Ces deux instituts vont s’attacher à « construire » la démocratie en formant les partis politiques, en finançant des « ONG », en « conseillant » les commissions électorales indépendantes, en n’assurant la logistique électorale parfois avec l’assistance de l’ONU, en finançant le processus électoral dont les États n’ont pas les moyens. L’Union européenne, elle, viendra observer les élections et certifier leurs résultats, et fournira également de l’assistance technique par voie d’experts.

Les Africains sont par ces procédés, en vérité, dépossédés de leurs institutions démocratiques. Si la démocratie est bien plus que l’élection, en revanche tout en découle puisque c’est par l’élection que l’on choisit ceux qui dirigent les institutions. Pas étonnant que l’armée, l’institution la plus forte et dont la composition reflète souvent bien plus fidèlement la réalité ethnolinguistique donc politique d’un pays, finisse par s’y coller et chasser ceux qui ont été élus par un processus vicié – nonobstant toute considération de luttes de pouvoir locales et d’intérêts individuels. « Quand l’Etat est malfaiteur, le coup d’Etat est salvateur » va l’adage…

PASCAL CLÉROTTE - 7 SEPT. 2023

Source : L'Eclaireur des Alpes

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