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Alors que les troupes russes ne cessent de grignoter du terrain et que l’on murmure que l’offensive russe de grande ampleur est pour bientôt, la situation géopolitique globale se dégrade pour les pays occidentaux, qui commencent à douter de la victoire de l’Ukraine, plus ou moins ouvertement. Nous donnons quatre exemples: la démonstration de force de « l’Amiral Gorchkov » au large des côtes américaines; le désarroi des dirigeants de Washington; la remise en place des Allemands par Vladimir Poutine après la décision d’envoyer des chars là où la Wehrmacht massacrait indistinctement Ukrainiens et Russes il y a 80 ans. Le risque que comporterait une guerre entre Israël et l’Iran.

Depuis quelques jours, l’alliance occidentale a perdu de sa superbe. Les hourras qui accompagnent les promesses d’envois de blindés ne doivent pas nous tromper. Il s’agit d’une de ces surenchères qui caractérisent désormais la « culture de mort » (selon l’expression inquiète du pape Jean-Paul II, il y a trente ans, quand il constatait que l’Occident n’avait pas compris les facteurs profonds de la chute du communisme) qui règne de Washington à Kiev. Mais derrière la « danse macabre », on sent la panique se répandre.

 

A l’OTAN on sait ce que signifie le trajet de l’Amiral Gorchkov

La frégate « Amiral Gorchkov » a fait un crochet au large des côtes américaines

Selon itamilradar.com: « L’Amiral Gorchkov a quitté son port d’affectation, dans la région de Mourmansk, le 4 janvier pour une longue croisière qui le conduira dans l’océan Indien, via la Méditerranée (où il pourrait rester jusqu’à un an), le navire sera armé de nouveaux missiles de croisière hypersoniques Zircon.

La destination finale de la frégate est la Méditerranée, mais elle ne l’atteindra pas avant la fin du mois de mars car elle est attendue en Afrique du Sud dans la seconde moitié du mois de février, où elle participera à un exercice avec des unités navales sud-africaines et chinoises.

Toutefois, l’attention portée à la frégate est due au fait que, l’autre jour, elle a dévié de sa route vers le sud, se dirigeant vers l’ouest en direction des îles Bermudes et de la côte américaine.

Quelque part dans l’Atlantique Nord, le navire a simulé le lancement de missiles hypersoniques. Il n’est pas facile de comprendre où se trouve actuellement le navire car il y a beaucoup de confusion sur le web et nous ne nous aventurerons pas dans des hypothèses non étayées par des faits concrets.

Ce que nous savons, c’est que le pétrolier Kama, avec lequel l’Amiral Gorchkov navigue depuis son départ de Mourmansk, fait maintenant lui aussi route vers le sud-ouest et se trouve approximativement au milieu de l’Atlantique, naviguant dans la direction SSO ».

Il s’agit d’une démonstration de force. Mais le côté ostentatoire du crochet pour passer au large des côtes américaines ne doit pas nous faire illusion. La frégate russe transporte des missiles hypersoniques et entend signifier aux Américains que l’avance russe est telle dans le domaine de l’hypervélocité qu’un conflit serait suicidaire pour les USA. Même pas besoin de prévoir des frappes nucléaires: avec l’hypervélocité, les Russes ont mis en place une capacité de destruction totale des centres de commandement américain sans les inconvénients de la radioactivité.

Selon l’exxpress, média en ligne autrichien,

« Le capitaine de la frégate, Igor Krokhmal, a déclaré : « Personne ne verra le lancement ou le vol du missile. Ils ne verront que si le missile atteint sa cible. Une cible de surface, une cible côtière. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit qui puisse s’opposer à cela dans les années à venir.

La frégate ultramoderne doit participer le mois prochain à des exercices communs avec les marines chinoise et sud-africaine près des ports de Durban et de Richards Bay en Afrique du Sud. »

Non seulement, comme le souligne Scott Ritter, il suffirait de 16 Zircon pour paralyser le commandement américain. Mais les BRICS s’affichent désormais comme une alliance à vocation militaire autant que monétaire et commerciale.

 

Le doute s’insinue au plus haut niveau à Washington

Nous avons fait état, la semaine dernière, de la tentative de Blinken, le secrétaire d’Etat américain, de rouvrir la porte des négociations avec la Russie. Le doute s’insinue au plus haut niveau à Washington. Et nul ne l’a mieux résumé que Douglas Macgregor, cette fin de semaine, dans The American Conservative. C’est nous qui soulignons:

« Jusqu’à ce qu’on y décide de confronter Moscou à une menace militaire existentielle en Ukraine, Washington a limité l’utilisation de la puissance militaire américaine à des conflits que les Américains pouvaient se permettre de perdre, des guerres avec des adversaires faibles dans le monde en développement, de Saigon à Bagdad, qui ne présentaient pas de menace existentielle pour les forces américaines ou le territoire américain. Cette fois-ci, une guerre par procuration avec la Russie est différente.

Contrairement aux espoirs et aux attentes initiales du Beltway, la Russie ne s’est pas effondrée sur le plan interne et n’a pas cédé aux demandes collectives de l’Occident en faveur d’un changement de régime à Moscou. Washington a sous-estimé la cohésion sociétale de la Russie, son potentiel militaire latent et son immunité relative aux sanctions économiques occidentales ».

Douglas Macgregor est un insider par bien des aspects: héros de la première guerre d’Irak où il mena une spectaculaire offensive d’une cinquantaine de blindés sans essuyer une perte; planificateur, aux côtés du Général Clark, de l’opération du Kosovo; ancien conseiller du secrétaire à la défense sous Donald Trump. Macgregor est aussi un empêcheur de tourner en rond: auteur en particulier d’une proposition de réorganisation de l’armée américaine qui a plus inspiré l’armée israélienne que le Pentagone. Ses propos ont du poids:

« En conséquence, la guerre par procuration de Washington contre la Russie est en train d’échouer. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s’est montré inhabituellement franc au sujet de la situation en Ukraine lorsqu’il a déclaré aux alliés en Allemagne, à la base aérienne de Ramstein, le 20 janvier : Nous avons une fenêtre d’opportunité ici, entre maintenant et le printemps, admettant : Ce n’est pas une longue période. »

Alexei Arestovich, conseiller du président Zelensky récemment licencié et « Spinmeister » officieux, a été plus direct. Il a exprimé ses propres doutes quant à la capacité de l’Ukraine à gagner sa guerre contre la Russie et il se demande maintenant si l’Ukraine survivra même à la guerre. Les pertes ukrainiennes – au moins 150 000 morts, dont 35 000 disparus au combat et présumés morts – ont fatalement affaibli les forces ukrainiennes, ce qui a donné lieu à une position défensive ukrainienne fragile qui risque de se briser sous le poids écrasant de l’attaque des forces russes au cours des prochaines semaines.

Les pertes matérielles de l’Ukraine sont tout aussi graves. Elles comprennent des milliers de chars et de véhicules blindés de combat d’infanterie, des systèmes d’artillerie, des plates-formes de défense aérienne et des armes de tous calibres. Ces totaux incluent l’équivalent de sept années de production de missiles Javelin. Dans un contexte où les systèmes d’artillerie russes peuvent tirer près de 60 000 cartouches de tous types – roquettes, missiles, drones et munitions à coque dure – par jour, les forces ukrainiennes ont du mal à répondre à ces salves russes avec 6 000 cartouches par jour. De nouvelles plateformes et de nouveaux ensembles de munitions pour l’Ukraine peuvent enrichir la communauté de Washington, mais elles ne peuvent pas changer ces conditions ».

Dans ces conditions, MacGregor essaie d’anticiper sur la réaction des « maîtres du monde autoproclamés »:

« Comme on pouvait s’y attendre, la frustration de Washington face à l’incapacité collective de l’Occident à endiguer la marée de la défaite ukrainienne est croissante. En fait, la frustration cède rapidement la place au désespoir.

Michael Rubin, ancien membre de l’équipe Bush et fervent partisan des conflits permanents de l’Amérique au Moyen-Orient et en Afghanistan, a exprimé sa frustration dans un article de la revue « 1945 » affirmant que « si le monde permet à la Russie de rester un État unitaire, et s’il permet au poutinisme de survivre à Poutine, alors l’Ukraine devrait être autorisée à maintenir sa propre dissuasion nucléaire, qu’elle rejoigne ou non l’OTAN ». À première vue, la suggestion est imprudente, mais la déclaration reflète fidèlement l’anxiété des cercles de Washington selon laquelle la défaite ukrainienne est inévitable.

Les membres de l’OTAN n’ont jamais été fortement unis derrière la croisade de Washington pour affaiblir fatalement la Russie. Les gouvernements hongrois et croate ne font que reconnaître l’opposition de l’opinion publique européenne à la guerre avec la Russie et le manque de soutien au désir de Washington de retarder la défaite prévisible de l’Ukraine.

Bien que sympathisant avec le peuple ukrainien, Berlin n’était pas favorable à une guerre totale avec la Russie au nom de l’Ukraine. Aujourd’hui, les Allemands sont également mal à l’aise face à l’état catastrophique des forces armées allemandes.

Le général de l’armée de l’air allemande à la retraite (équivalent de quatre étoiles) Harald Kujat, ancien président du Comité militaire de l’OTAN, a sévèrement critiqué Berlin pour avoir permis à Washington d’entraîner l’Allemagne dans un conflit avec la Russie, notant que plusieurs décennies de dirigeants politiques allemands ont activement désarmé l’Allemagne, privant ainsi Berlin de toute autorité ou crédibilité en Europe. Bien qu’ils soient activement étouffés par le gouvernement et les médias allemands, ses commentaires ont une forte résonance auprès de l’électorat allemand.

Le fait est que, dans ses efforts pour s’assurer la victoire dans sa guerre par procuration avec la Russie, Washington ignore la réalité historique. À partir du 13e siècle, l’Ukraine était une région dominée par des puissances nationales plus grandes et plus puissantes, qu’elles soient lituanienne, polonaise, suédoise, autrichienne ou russe.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les projets polonais avortés d’un État ukrainien indépendant ont été conçus pour affaiblir la Russie bolchévique. Aujourd’hui, la Russie n’est pas communiste, et Moscou ne cherche pas à détruire l’État polonais comme l’ont fait Trotsky, Lénine, Staline et leurs partisans en 1920.

 

Où va donc Washington avec sa guerre par procuration contre la Russie ? La question mérite une réponse.

(…) Pendant la Seconde Guerre mondiale, Washington a eu de la chance avec le timing et les alliés. Cette fois-ci, c’est différent. Washington et ses alliés de l’OTAN prônent une guerre totale contre la Russie, la dévastation et l’éclatement de la Fédération de Russie, ainsi que la destruction de millions de vies en Russie et en Ukraine.

Washington est dans l’émotivité. Washington ne pense pas, et on y est aussi ouvertement hostile à l’empirisme et à la vérité. Ni nous ni nos alliés ne sommes prêts à mener une guerre totale avec la Russie, à l’échelle régionale ou mondiale. Cependant, si une guerre éclate entre la Russie et les États-Unis, les Américains ne devraient pas être surpris. L’administration Biden et ses partisans bipartisans à Washington font tout ce qu’ils peuvent pour que cela arrive.

 

Moscou hausse le ton face à Berlin

A peine 80 ans se sont écoulés depuis que l’Armée Rouge a détruit le régime nazi, qui incarnait l’anti-civilisation, puisque le premier objectif d’Hitler et de ses sbires était d’abolir le commandement « Tu ne tueras pas ». D’abolir le Décalogue – les Dix commandements de la Bible, sur lesquels s’est construite la culture européenne. C’est pour cela qu’Hitler a voulu exterminer les Juifs – en tant que peuple du Décalogue; et il prévoyait de s’en prendre aux chrétiens après la guerre.

C’est pourquoi on ne peut qu’être stupéfait de voir tant de membres du gouvernement allemand, tant de députés, pousser la cause d’un soutien militaire à l’Ukraine. Quelle insoutenable légèreté de l’être allemand! Ne venez plus nous vanter la solidité, le goût du profond qui caractériserait la culture allemande. Annalena Baerbock se comporte comme une écervelée quand elle déclare « nous sommes en guerre avec la Russie »; et Olaf Scholz est bien peu courageux quand en Allemagne on commence à parler ouvertement de l’origine OTANienne du sabotage de Nordstream 2.

Mercredi 24 janvier, le lendemain de la déclaration de Madame Baerbock, Vladimir Poutine a souligné que l’Allemagne n’était pas un pays véritablement souverain vu qu’après 1990, elle avait conservé des bases militaires américaines sur son territoire:

« [En ce qui concerne] le plus grand pays d’Europe, un géant économique, la République fédérale d’Allemagne, l’Union soviétique a légalement officialisé la fin de l’occupation.

Après tout, après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne était, comme vous le savez, divisée en quatre zones d’occupation : américaine, britannique, française et soviétique. L’Union soviétique a donc légalement mis fin à l’occupation, mais pas les États-Unis. À proprement parler – techniquement, légalement – il y a des troupes d’occupation américaines en République fédérale d’Allemagne. En fait, elles le sont : elles sont nombreuses.

Même les politiciens allemands disent que l’Allemagne n’est plus un État souverain au sens plein du terme depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont des personnalités éminentes et, surtout, non pas des pro-russes, mais des pro-allemands qui le disent. Ils l’ont dit ouvertement. En d’autres termes, il existe des racines très profondes et des raisons sérieuses pour tout ce qui se passe actuellement. Bien sûr, je ne doute pas que le jour viendra où l’Europe retrouvera sa souveraineté, d’une manière ou d’une autre. Mais à en juger par toutes les apparences, cela prendra encore un certain temps. »

Mesurons bien les implications de ce que dit Vladimir Poutine: ni l’Allemagne, ni l’Italie, ni même la France n’agissent souverainement: elles sont sous la coupe de l’OTAN. Elles ne pourront redevenir des interlocuteurs ayant du poids aux yeux de la Russie que lorsqu’elles se seront libérées de l’emprise de Washington.

 

Un risque d’extension du conflit par une guerre entre l’Iran et l’Israël?

Depuis hier dimanche, tous ceux qui analysent soigneusement le conflit se demandent dans quelle mesure les frappes américaines et israéliennes sur une usine où les Iraniens fabriquent, selon toute vraisemblance, leurs premiers missiles hypersoniques pourrait avoir des répercussions sur la guerre d’Ukraine.

Tout d’abord, les faits. Il y a bien eu une attaque de drones sur des bâtiments du Ministère de la Défense à Ispahan. On suppose que les Américains et les Israéliens visaient un espace de recherche et d’expérimentation sur les missiles hypersoniques puisque l’Iran commence à maîtriser cette technologie. On a parlé d’attaques ailleurs, d’incendies. Mais il n’est pas possible ce lundi 30 janvier de savoir ce qui relève d’éventuels attentats, d’un accident industriel, des séquelles d’un tremblement de terre.

Chancelleries, médias, experts restent sereins. Pour autant on soulignera la différence de comportement du gouvernement israélien depuis le retour de Netanyahou au poste de Premier ministre. Tel-Aviv a pris acte de l’échec d’un nouvel accord sur le nucléaire iranien. Mais Israël a le sentiment que les USA sont – par choix ou par nécessité – de moins en moins impliqués au Moyen-Orient. Il s’agit de les « mouiller » à nouveau dans la défense d’Israël.

Pour autant, Netanyahou veut encore moins que ses prédécesseurs être obligé de choisir dans la guerre en Ukraine et Russie. Israël se comporte de manière assez similaire à la Turquie. En vendant des armes à l’Ukraine mais sans prendre partie dans le conflit et en se posant, si possible, en médiatrice. Netanyahou avait compris plus vite que d’autres l’importance stratégique de la Russie pour Israël: non seulement parce qu’il y a plus d’un millions de Juifs russophones en Israël. Mais aussi parce que Moscou est désormais garante de tous les équilibres dans la région: les Russes ont préservé le régime d’Assad de l’effondrement; ils investissent massivement en Iran; et comme je l’ai entendu dire en 2018 à un diplomate israélien, « Nous ne pouvons pas nous priver de parler avec les Russes puisqu’ils parlent à tout le monde.

Le basculement dans une vraie guerre entre Israël et Iran serait bien entendu éminemment dangereux. Israël a la bombe nucléaire et l’Iran peut compter sur du matériel russe, dont la guerre d’Ukraine montre qu’il est plus performant que ce qui vient de l’industrie militaire occidentale. Surtout, l’Iran semble suivre la stratégie russe consistant à maîtriser à la fois des armes peu sophistiquées mais destructrices, comme les drones, et l’hypervélocité.

Pour autant, les Américains ont-ils intérêt à ouvrir un troisième front, après celui, bien réel, de l’Ukraine et celui, en puissance,, de Taïwan? Et Netanyahou peut-il prendre le risque de mécontenter les Russes en laissant les Américains déstabiliser l’Iran?

Edouard Husson - 30 janvier 2023

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