Par Dmitry Orlov – Le 19 Septembre 2017 – Source Club Orlov

En 2007, j’ai publié Reinventing Collapse, dans lequel j’ai comparé l’effondrement de l’URSS à celui prochain des États-Unis. J’y écrivais ce qui suit :

« Imaginons que l’effondrement d’une superpuissance militaro-industrielle moderne, c’est comme faire de la soupe : couper les ingrédients, chauffer et remuer le tout. Les ingrédients que j’aime mettre dans ma soupe d’effondrement d’une superpuissance sont : un forte réduction chronique de la production de pétrole brut (cet élixir addictif magique des économies industrielles), un déficit commercial sévère en augmentation avec l’étranger, un budget militaire en augmentation dans une fuite en avant et une dette contractée à l’étranger gonflant inexorablement. La chaleur et l’agitation peuvent être fournies de manière très efficace par une défaite militaire humiliante et par l’augmentation chez la population de la peur d’une catastrophe imminente. » (Page 2)

Une décennie plus tard, ces ingrédients sont tous en place, à quelques arguties mineures près.

La baisse de disponibilité du pétrole aux États-Unis est principalement due à un manque d’argent plus que de pétrole physique. Dans le contexte du déclin terminal du pétrole conventionnel aux États-Unis, la seule augmentation significative de l’offre provient des techniques de fracturation hydraulique, mais elle est financièrement ruineuse. Personne n’a gagné d’argent à vendre du pétrole issu de ce mode de production : c’est trop cher.

Pendant ce temps, le déficit commercial a atteint de nouveaux records, les dépenses de défense ont continué leur essor et les niveaux de dette sont à ce jour rien de moins que stratosphérique, et ils continuent à augmenter. La peur de la catastrophe est alimentée par les récents ouragans qui viennent de mettre des parties importantes du Texas et de la Floride sous l’eau, des feux de forêt sans précédent à l’Ouest, des grondements menaçants du super-volcan de Yellowstone et la compréhension que tout un désordre mousseux de bulles financières pourrait apparaître à tout moment. L’ingrédient qui nous manque est une humiliante défaite militaire.

Les défaites militaires viennent sous de nombreuses formes et tailles, et voir l’ennemi abattre toutes vos troupes n’est que l’une d’entre elles. Tout aussi palpable est la défaite consistant à être incapable de prévaloir contre un adversaire plus faible et plus petit. Infliger accidentellement des dégâts à ses propres forces peut aussi être très humiliant. Et le coup de grâce ultime pour un empire militaire est d’être incapable de rejoindre l’adversaire sur le champ de bataille.

Nous avons maintenant des exemples de tous ces éléments. Nous avons des navires américains rapides, équipés de tous les équipements de navigation et des radar les plus modernes, qui heurtent inexplicablement de gros et lent navires de commerce, entraînant la mort de leurs propres marins. Nous avons l’exemple de la Syrie, où plusieurs années d’efforts concertés pour démembrer ce pays et en déloger son président, ont entraîné une catastrophe après l’autre. Et maintenant, nous avons l’exemple de la Corée du Nord, qui teste des missiles balistiques et des armes nucléaires à la stupéfaction de tous, tandis que les États-Unis lancent des exercices militaires sans signification. Ils sont sans signification car il n’y a absolument aucune carte militaire à jouer qui n’entraînerait pas l’anéantissement complet de l’allié que les États-Unis ont juré de protéger.

L’impasse nord-coréenne risque de traîner pendant un certain temps, mais la défaite syrienne est déjà très proche d’être actée. Alors laissez-moi l’examiner en détail, car elle offre une vision très intéressante de ce qui fait que les États-Unis, à ce stade, sont tellement moins qu’une superpuissance militaire. (Les crédits de recherche pour cela vont à Evgeny Krutikov en particulier, et à d’autres trop nombreux à mentionner ici.) La défaite syrienne n’est pas le résultat d’une seule opération, mais d’une rafale d’entre elles, chacune résultant de ce qui ne peut être décrit que comme un échec épique. Toute la campagne syrienne des États-Unis peut être décrite comme une poursuite implacable de l’échec. Elle illustre plusieurs des caractéristiques qui rendent la machine militaro-américaine pire qu’inutile. Il était un temps où le but des dépenses militaires américaines était de justifier les dépenses militaires américaines; maintenant, ce n’est même plus possible. Les éléments clés de cet échec sont les suivants:

  • L’incapacité totale de tenir pour responsables ceux qui sont responsables de cet échec, qu’il s’agisse de politiciens ou d’officiers militaires.
    • L’incapacité totale d’apprendre des erreurs et d’ajuster les stratégies, en faisant des choses éprouvées pour ne pas refaire ces erreurs encore et encore.
    • L’incapacité totale d’accepter la vérité de la situation, préférant plutôt habiter un domaine de fiction plein de terroristes modérés, de chefs tribaux amicaux, d’arcs-en-ciel et de licornes.
    • L’incapacité totale de résister à la corruption de toutes sortes, y compris des programmes frauduleux qui incluent le vol direct des biens du gouvernement.

L’engagement militaire total des États-Unis a débuté à l’été 2014. À l’époque, il y avait une sorte de groupuscule armé près de Raqqa, grouillant de djihadistes barbus qui peuvent ou non avoir été associés à ISIS. Ils détenaient beaucoup d’otages, notamment des soldats syriens ainsi que des citoyens américains et britanniques qui avaient d’une manière ou d’une autre atterri en Syrie. Après une longue analyse, la CIA a décidé que ce groupuscule devait être attaqué, son camp occupé et les otages libérés.

Au début du mois de juin, quelques douzaine de troupes des forces spéciales ont été larguées au voisinage du campement. Après une bataille de trois heures (cela signale déjà un échec, les opérations de libération d’otages doivent durer quelques minutes, pas des heures), les troupes américaines ont tué cinq des terroristes et ont pris le contrôle d’un bâtiment parfaitement vide isolé au milieu du désert. Il n’y avait pas d’otages, aucun ennemi de haut rang, rien d’utile là-bas. Plus tard, il a été révélé que les otages avaient été transportés un jour avant le début de l’opération, ce qui a donné lieu à toutes sortes de questions au sein de la CIA concernant les éventuelles fuites.

Quelques jours plus tard, « Jihadi John » et son groupe de trois Arabes britanniques se nommant eux-même «les Beatles» et agissant sous les pseudonymes de John, Paul et Ringo ont décapité un groupe de personnes devant la caméra. Parmi eux se trouvaient le photographe James Foley, le journaliste Steven Sotloff, le travailleur humanitaire David Heins, le chauffeur de taxi britannique Alan Henning (qui travaillait pour la même mission humanitaire que Heins) et, en dernier lieu, Peter Kassig, ancien membre de l’armée américaine, mais qui à l’époque travaillait également pour une mission humanitaire basée à Beyrouth et en Turquie, mais se trouvait régulièrement en Syrie, illégalement et à des fins inconnues.

Plus précisément, c’est la mort de Kassig qui a suscité une réaction curieusement plus forte de Barack Obama, qui a déclaré que Kassig «nous a été pris par un groupe terroriste que le monde associe à juste titre à l’inhumanité». Cette saillie a été largement analysée comme signifiant que Kassig travaillait pour la CIA ou le renseignement militaire américain. Notamment, il était le seul qui, en captivité, s’est converti à l’islam et a pris un nom islamique.

Plus tard, d’autres faits étranges ont commencé à apparaître. En particulier, il est apparu que «Jihadi John» avait négocié avec le gouvernement des États-Unis et avec la famille de James Foley, exigeant 100 millions ou, pour quelque raison étrange, plus précisément 132 millions de dollars de rançon. La dernière communication de lui a eu lieu une semaine avant l’opération infructueuse des forces spéciales américaines, mais les Américains ont refusé de payer. Le représentant officiel du Pentagone, le contremaitre James Kirby, a tout mis sur le dos de la CIA. Assez curieusement, les responsables de cette étonnante foirade ne se sont pas suicidés d’une balle dans la tête comme ils auraient dû le faire pour une question d’honneur, mais ils ont prospéré avec une magnifique carrière à la clé.

Certes, il devait bientôt y avoir d’autres échecs encore plus épiques. Les États-Unis ont mis en place des vols de surveillance sur le territoire syrien, cartographiant soigneusement le désert en utilisant d’abord des drones, puis l’aviation régulière, n’ayant toujours pas la plus petite idée de ce qu’ils cherchaient. Mais apparemment, ils ont vu des images qui semblaient indiquer de bonnes cibles, car à l’automne de la même année, Obama a annoncé son intention de commencer à bombarder ISIS en Syrie.

Il a également annoncé le lancement d’un programme visant à « former et équiper » l’Armée syrienne libre dans le but de renverser Bachar al-Assad. La CIA a choisi des groupes prometteurs, leur a donné des armes, puis les a vus se joindre à ISIS ou Jabhat al-Nusra en masse. Au fur et à mesure que cela se passait, les fonctionnaires américains ont continué à se référer à ces nouveaux terroristes, radicalisés à la vitesse de la lumière, comme à une « opposition modérée ». Finalement, le mythe cultivé aux États-Unis appelé l’Armée syrienne libre s’est complètement effondré, embarrassant tout le monde. Mais encore une fois, l’embarras était insuffisant pour faire en sorte que les responsables fassent amende honorable et se collent une balle dans la tête.

On en a terminé avec le fiasco numéro deux avant d’attaquer le fiasco numéro trois. Une fois que l’Armée syrienne libre fictive se fut évaporée comme la brume du matin, la CIA a décidé de mettre le paquet sur les Kurdes et l’opération Timber Sycamore est née. Elle a été déclarée top secret et autorisée directement par Obama, avec la plupart des documents portant la signature de Hillary Clinton. À bien des égards, c’est une répliqué des leçons non apprises d’un ancien fiasco américain connu sous le nom d’Iran-Contras ou de l’affaire Oliver North.

L’argent saoudien a été utilisé pour acheter des armes obsolètes de l’époque soviétique, principalement dans les Balkans, puis de les expédier en Turquie et en Jordanie, tout en utilisant des documents falsifiés pour éviter l’apparence de l’illégalité. De là, elles devaient filtrer en Syrie et se retrouver entre les mains des Kurdes, qui défendaient à l’époque la ville de Kobané face à ISIS. De manière tout à fait surprenante, rien de cela n’a fonctionné selon le plan. Le marché noir des armes au Moyen-Orient a commencé à déborder, y compris d’armes lourdes. Les officiers du renseignement américains ont commencé à acheter des Ferrari, refusant d’accepter des pots-de-vin en papier-monnaie mais uniquement en barres d’or. Les concessionnaires d’armes de petite taille sont soudainement devenus très riches et se sont battus pour leur part de marché. Une simple fusillade sur une base de l’armée jordanienne a coûté la vie à deux officiers jordaniens, deux entrepreneurs américains et un Sud-Africain. (Est-ce qu’une affaire de vente d’armes illégales peut se faire sans qu’un Sud-Africain ne soit impliqué?) Lorsque l’échelle du fiasco est devenue évidente, les Jordaniens impliqués dans ce coup ont été licenciés, mais rien n’a été confisqué. Hillary Clinton était particulièrement folle de rage; elle a été mise dans un très mauvais pas quand une personne des services de renseignement a publié sur un site Web du gouvernement américain un contrat pour la livraison de tonnes d’armes de la Bulgarie aux ports de Tasucu (Turquie) et Aqaba (Jordanie). WikiLeaks a commencé à déterrer plus de détails .

Il s’avère que l’administration Obama dans son ensemble a gaspillé un demi-milliard de dollars uniquement pour armer l’Armée syrienne libre avec cette opération Timber Sycamore. Au lieu de se blâmer eux-mêmes, les personnes impliquées (la plupart d’entre elles encore en poste, alors qu’une balle dans la tête aurait été largement méritée) se sont mise à accuser la Russie pour ne pas les avoir laissées « terminer le travail ». Voici un très bon graphique, grâce à WikiLeaks, qui détaille le montant étonnant des fonds gaspillés par les États-Unis pour ses méfaits en Syrie.

On en a terminé avec le fiasco numéro trois avant d’attaquer le fiasco numéro quatre. Au lieu de simplement jeter sur le champ de bataille syrien des tonnes d’armes obsolètes de l’ère soviétique achetées en Europe de l’Est en utilisant de l’argent blanchi et de la paperasse falsifiée, les États-Unis ont décidé de jouer réellement un rôle actif « au sol ». En octobre 2015, les premiers 15 instructeurs américains ont été héliportés dans le Kurdistan syrien. À partir de ce moment, les Américains se sont engagés à cultiver les Forces démocratiques syriennes (les deux plus grands groupes armés kurdes) plus, pour la diversité ethnique, deux tribus arabes locales.

En mai 2015, le général Joseph L. Votel, commandant des forces américaines au Moyen-Orient, a été transporté en Syrie dans un secret (relatif) et a rencontré des commandants kurdes. Il a tenté d’imposer l’idée d’avoir des conseillers américains au Kurdistan et de leurs faire préparer les locaux pour l’action. Les commandants kurdes et les chefs tribaux n’étaient pas réceptifs et ont exigé que les Américains leur fournissent des armes lourdes. Heureusement, Votel n’avait pas le pouvoir de le faire, et alors, lorsque les Kurdes ont commencé à assiéger le bastion d’ISIS à Raqqa, ce sont les Américains qui ont tiré avec les mortiers et l’artillerie, les « Marines » américains leur assurant la sécurité. L’efficacité de ces actions reste douteuse.

Les Kurdes se sont montrés des alliés obstinés et peu coopératifs. Leur objectif principal est de mordre autant de territoire qu’ils le peuvent, à utiliser plus tard lors des négociations avec le gouvernement à Damas afin d’établir la plus grande autonomie possible pour un Kurdistan syrien. Ils ne sont généralement pas disposés à s’aventurer en dehors de leur programme bien établi. Ils n’étaient pas particulièrement disposés à se battre même pour Manjib, ethniquement principalement kurde, et leur intérêt à capturer Raqqa était en grande partie inexistant.

Et pourtant, les Américains pensent qu’il est raisonnable de penser qu’une fois qu’ISIS sera complètement liquidé (environ quelques mois au rythme actuel), ces mêmes Kurdes les aideront à établir et à maintenir le contrôle sur toute la rive orientale de l’Euphrate jusqu’à la frontière irakienne. Non seulement les Kurdes ne sont pas très motivés pour le faire, mais les Syriens sont actuellement occupés à fortifier une tête de pont et à ériger un pont flottant à Ayash, au nord de Deir-ez-Zor, ville récemment reprise. Au cours des derniers jours, ils ont déplacé des armes lourdes sur la rive orientale de l’Euphrate et ont renversé les restes d’ISIS qui tenaient encore des villages environnants, et ils se préparent à avancer vers la frontière irakienne. Ils n’ont pas caché leur plan pour rétablir le contrôle sur l’ensemble du territoire syrien.

On dirait que le fiasco numéro quatre est déjà bien cuit dans le gâteau. Mais comme d’habitude, cela n’empêche pas les Américains de pomper plus de conseillers et d’armes, pour conseiller des gens qui refusent de faire attention à leurs conseils et d’armer des gens qui se retourneront facilement contre eux. Ils pompent également d’autres ressources pour construire des bases militaires sur le territoire syrien, qu’ils ne contrôleront pas bien longtemps. Il y a l’aérodrome de Rmeilan, une base plus grande à Kobané et encore un autre aérodrome à Tal Beidir. Le Kurdistan syrien accueille maintenant quelques centaines d’Américains, équipés d’armes légères, de Hummers et de Strykers, et qui ne cessent de se plaindre des conditions de vie inférieures aux normes et du manque de bonnes informations sur ce qui se passe autour d’eux.

Non contents d’attendre que le fiasco numéro quatre soit bien avancé, les Américains se sont lancés de manière préventive dans le fiasco numéro cinq : la construction d’une base militaire dans le sud de la Syrie. Étonnamment, même après tout ce qui s’est passé, ils se sont jugé capables d’essayer d’insuffler une nouvelle vie à l’Armée syrienne libre et trouver une utilité pour leurs bases en Jordanie qui avaient été complètement discréditées par leur performance dans l’affaire Timber Sycamore. À cette fin, ils ont cherché des appuis du côté de certains obscurs groupes armés qui ont traversé la Syrie depuis la Jordanie et, avec leur aide, ont établi une base à Al Tanf, suffisamment bien armée pour tenir ce territoire pendant longtemps, et peut-être servir de position avancée pour une invasion depuis le sud.

Ce qui est arrivé au lieu de cela, c’est que les Syriens et les Iraniens ont rapidement contourné Al Tanf, et pris le contrôle de la frontière irakienne (avec la pleine coopération irakienne) rendant la base Al Tanf complètement inutile. Reconnaissant ce fait, les Américains ont commencé à la démanteler et à l’évacuer alors que ces obscurs groupes armés qu’ils avaient tentés d’appuyer, soit se sont rendus aux Syriens soit ont fui et ont rejoint ISIS. Le fiasco numéro cinq est maintenant terminé.

Le fiasco numéro quatre est toujours en cours, mais le résultat final est déjà clair. Très bientôt, il n’y aura plus d’ISIS en Syrie pour que les Américains prétendent s’y battre. Leur position, tant au Moyen-Orient que partout dans le monde, est de plus en plus faible. À l’exception de la Syrie, le pays qui a le plus à gagner de cette situation est la Russie. Considérez ce qui suit :

  • L’Arabie saoudite a été le principal financier du conflit syrien, mais même les Saoudiens se sont fatigués de l’incompétence américaine et tentent de traiter avec les Russes.
  • Lorsque les Israéliens ont reconnu que la Syrie était « perdue » pour eux de manière définitive, Netanyahou a immédiatement sauté dans un avion pour… Moscou, bien sûr, pour quémander quelques miettes à la table du maître.
  • La Turquie a décidé que la coopération avec l’OTAN n’est plus sa stratégie et a mis une pièce sur les systèmes russes de défense aérienne S-400 qui, contrairement aux armes fournies par l’OTAN et par les États-Unis, ne sont pas entravés par un inflexible système d’identification ami-ou-ennemi et seront parfaitement heureux d’abattre des objectifs de l’OTAN.
  • Même l’Allemagne, le chien de compagnie le plus obéissant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, vient de lancer une enquête sur les expéditions d’armes vers des groupes terroristes internationalement reconnus en Syrie qui ont transité par la base militaire de Rammstein et sont illégales en droit allemand.

Alors qu’ISIS est détruit par les Syriens, avec le soutien aérien russe, les Américains, conformément à la tradition, accusent la Russie sinon de leur avoir fait perdre la face, du moins de leur défaite stratégique. Si ce jeu stupide de trouver quelqu’un à blâmer n’est pas un signe certain d’une faiblesse extrême, je ne sais pas ce que c’est. Le jeu final peut ne pas être tout à fait clair, mais ce qui l’est déjà, c’est ceci: pour qu’une superpuissance cesse d’être une superpuissance, une défaite militaire relativement mineure est suffisante, pour autant qu’elle soit suffisamment significative. La performance américaine en Syrie est telle que les États-Unis ne participeront plus aux négociations internationales sur l’avenir de la Syrie, car leur position est maintenant si faible qu’elle peut être ignorée. Et quand il s’agit de défaites militaires significatives, une défaite auto-infligée est de loin la méthode la plus efficace.

La Syrie n’est pas le seul endroit où le pouvoir militaire américain se révèle n’être plus aussi puissant. Il y a aussi l’Afghanistan, où les talibans sont occupés à reconquérir le nord du pays – la partie qui a été la plus facilement « libérée » lorsque les Américains ont envahi ce pays en 2001. Et il y a aussi la Corée du Nord, dont le leadership a réussi à mettre échec et mat les États-Unis, en ne leur laissant que des options militaires non viables – une situation que les Américains sont constitutionnellement incapables d’accepter. Cela explique les insultes envers les Nord-Coréens, qui ne se privent pas de les leur retourner en faisant rire nerveusement le reste du monde.

En conclusion, permettez-moi de prendre un risque et de me risquer à une supposition quant à la direction générale de notre petite affaire. Je pense que maintenant que toutes les preuves sont là que le statut de superpuissance de l’Amérique n’est plus qu’une légère nostalgie de la guerre froide, ce qui vient ensuite, c’est… la punition. Que font maman et papa avec un enfant gâté qui a dépassé la limite de ses cartes de crédit en gaspillant de l’argent dans les bars, avec les derniers jouets à la mode et avec des prostituées de luxe? Eh bien, retirer les cartes de crédit, bien sûr!

Dans le cas des États-Unis, cette action passe par la « dédollarisation ». Ceux qui l’ont déjà tenté comme Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, ont été rapidement tués et leurs pays détruit. Mais maintenant, des pays tels que la Chine et la Russie mènent ce mouvement de « dédollarisation » auquel les États-Unis ne peuvent pas s’opposer, surtout lorsqu’ils agissent de concert, et la réponse américaine jusqu’à présent n’a consisté qu’à lancer des menaces vides, des sanctions sans mordant et une grande expression de colère finissant dans des marmonnements incohérents.

Pour décrire la situation dans les termes les plus simples possibles : la fonction de l’armée américaine est d’intimider d’autres pays pour que les États-Unis achètent ce qu’ils veulent en imprimant des dollars américains au besoin, ce qui revient essentiellement à piller le reste du monde sous la menace d’une arme. Une fois que leur capacité à intimider le monde jusqu’à la soumission aura disparu, il en sera fait de leur capacité à tondre sans fin la planète. Et une fois que cette capacité aura disparu, tout ce qui restera du « pays le plus riche du monde » ne sera qu’un tas de monnaie papier sans valeur. Quand, précisément, ce moment arrivera-t-il? Je vous laisse le deviner. Mais vous ne devriez pas avoir besoin de le deviner exactement et de l’attendre pour pouvoir planifier une réponse. Je vous recommande de le faire dès maintenant, si vous ne l’avez pas encore fait.

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