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Alors qu’Emmanuel Macron est parti s’excuser publiquement pour des décennies de « Françafrique », le contenu économique de celle-ci n’a jamais été aussi négligeable.

Selon le dernier rapport de la Direction du Trésor sur le commerce extérieur (février 2023), le continent africain a acheté en 2022 pour 28,1 milliards d’euros de produits français, à comparer au total de 594,5 milliards d’exportations tricolores dans le monde. La moitié de ces ventes ont été réalisées avec l’Afrique du nord (Maroc, Algérie, Tunisie), le reste de l’Afrique ne nous achetant que pour 13,3 milliards d’euros. La Belgique absorbe 48,5 milliards de nos exportations, plus que toute l’Afrique réunie.

L’Afrique ne représente pas un eldorado pour le capitalisme français, mais plutôt une plaie : la balance commerciale 2022 est déficitaire de 10,8 milliards d’euros, en raison d’importations record s’élevant à 38,9 milliards. L’envolée des prix de l’énergie y est pour beaucoup, mais aussi les choix économiques douteux des investisseurs français.

Un rapport de la cour des comptes sur « les dispositifs de soutien à l’exportation » (octobre 2022) souligne en effet le lien entre investissements à l’étranger, désindustrialisation de la France et déficit extérieur. C’est notamment le cas de la filière automobile, avec « une internationalisation de la production qui pèse sur le commerce extérieur ». Une allusion cryptée aux décisions de Carlos Goshn, qui a fait construire en 2012 une usine Dacia au Maroc, tout en réduisant drastiquement la base industrielle de Renault sur le sol national. La cour des comptes établit le bilan désastreux de l’homme d’affaire franco-libano-brésilien : entre 2011 et 2021, l’automobile française est passée de la 2ème à la 5ème place en Europe.

Une remontada commerciale en Afrique semble exclue à court ou moyen terme. Selon les experts, les exportations françaises sont plutôt milieu de gamme et devraient dans l’idéal tendre vers le haut de gamme, alors que les besoins africains, notamment au sud du Sahara, sont basiques et donc mieux assurés par la production de masse asiatique.

En réalité, le bilan comptable de la relation franco-africaine n’est pas seulement négatif, il est aussi artificiel, voire truqué.

En 2020, la France a versé pour 3,6 milliards d’euros d’aide à l’Afrique, dont 2,9 milliards pour la seule Afrique noire. L’équivalent d’1/4 de nos ventes au sud du Sahara sont ainsi payées par de l’argent prélevé directement dans la poche du contribuable.

Et ne sont pas intégrées dans ces sommes les formations universitaires offertes à 150 000 étudiants africains chaque année, ni les aides sociales versées aux migrants (dont une partie non négligeable repart financer le pays d’origine), ni les dépenses militaires occasionnées par l’engagement de troupes françaises en Afrique (880 millions d’euros en 2020 pour la seule opération Barkhane).

Enfin il faudrait intégrer le coût en terme d’image à l’international, stratégique dans les affaires. L’engouement surjoué des élites françaises pour le continent noir est en effet interprété avec suspicion dans le monde entier et vient ajouter au portrait pas toujours très flatteur du Français sur de nombreux marchés.

La jeunesse africaine est maintenant persuadée que sa pauvreté est causée par une France hypocrite qui vampiriserait le continent. Ces préjugés se diffusent spontanément ou sont relayés par des officines russes ou turques, mais pas seulement : ils sont à la base du scénario du dernier Wakanda produit par nos alliés d’Hollywood ! Même les universités et les médias français apportent leur concours à cette construction du vampire français (1).

Dans ces conditions, les excuses du président Macron sont particulièrement mal venues, car elles donnent de l’eau au moulin de la désinformation.

A.T.

1) Dans une interview du 31 janvier à Radio France Internationale (particulièrement écoutée en Afrique), l’économiste Denis Cogneau (Ecole d’économie de Paris) laisse entendre que l’Afrique a été et reste une bonne affaire pour la France : « Il y a eu des thèses qui affirment au contraire que l’empire colonial a été un fardeau, et que le capitalisme français avait fini par divorcer de ce mariage un peu particulier avec les territoires colonisés. Je ne crois pas que ce soit le cas. » Les croyances de cet économiste sont plus fortes que les statistiques !

Source : Breizh-info.com - 6 mars 2023

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