Assassinat, oui, mais bien démocratique

 

Après avoir nourri quelques illusions sur le personnage, dissipées à l’épreuve du temps et d’une meilleure connaissance de son dossier, nous n’avions plus, depuis longtemps, de sympathie particulière pour un Kadhafi qui déclarait gentiment, en 1974, à Benoist-Méchin venu lui vanter les mérites d’un rapprochement entre l’Orient et l’Occident : « Ces principes sont bons, je dirais même excellents. Mais ne croyez-vous pas que leur réalisation serait grandement facilitée si la France et l’Europe devenaient musulmanes ? » (Jacques Benoist-Méchin, A l’épreuve du temps , Perrin, 2011, page 9). Ceci étant dit, la macabre danse du scalp organisée autour de son cadavre déchiqueté est profondément obscène. De la part des « démocrates » libyens, certes, qui révèlent ainsi qui ils sont vraiment, mais plus encore de la part d’Occidentaux vertueusement drapés dans une hypocrisie à vomir, qu’il s’agisse de Sarkozy, de Juppé, de Longuet et surtout de l’ignoble histrion Bernard-Henri Lévy – sans parler de media essayant de nier, contre toute évidence, que, dès le départ, tuer Kadhafi était programmé dans les états-majors politiques et militaires, à Paris, à Londres, à Washington, à Jérusalem (Le Canard enchaîné du 26 octobre titre : « Kadhafi condamné à mort par Washington et Paris. Obama et Sarko ne voulaient pas qu’il s’en sorte vivant. De crainte qu’il ne parle trop lors de son procès devant la Cour pénale internationale » Dans le corps de l’article du Canard est rapportée une confidence d’un conseiller de Sarkozy : Kadhafi «aurait pu rappeler ses excellentes relations avec la CIA ou les services français, l’aide qu’il apportait aux amis africains de la France, et les contrats qu’il offrait aux uns et aux autres. Voire plus grave, sait-on jamais ? » . Ces gens qui voulaient la mort de Kadhafi se gargarisent de mots bien ronflants et bien creux : Démocratie, Progrès, Liberté, Laïcité, Droits de l’homme, etc… Des mots qui camouflent des réalités bien sordides, bien glauques. Vous avez dit « printemps arabes » ? Voir ce qu’il faut en penser, ci-après, dans l’excellente analyse de Bernard Lugan. Les Occidentaux vont pleurer des larmes de sang. Ce sera justice. Le Canard enchaîné cite le rapport d’une officine barbouzarde : « La Libye est entrée dans un no man’s land politique, une zone de turbulences imprévisibles ». Eloquent…

 

Pierre VIAL

 

 

En Libye, les masques sont vite tombés : dimanche 22 octobre, à Tripoli, devant une foule enthousiaste, le président du CNT, Mustapha Abdel Jalil, a ainsi déclaré que la charia serait désormais la base de la Constitution ainsi que du droit, que la polygamie, interdite sous Kadhafi, serait rétablie et que le divorce, autorisé sous l’ancien régime, était désormais illégal. Pour mémoire, Mustapha Abdel Jalil que le président Sarkozy a chaleureusement accueilli sur les marches de l’Elysée encore chaudes des pas du défunt colonel Khadafi, a un incontestable passé de « démocrate ». Dans les années 2000, ce sénoussiste proche des Frères musulmans présida la cour d’appel de Tripoli qui, par deux fois, confirma la condamnation à mort des infirmières bulgares. En 2007, pour le remercier de son zèle, le colonel Kadhafi le nomma ministre de la Justice, poste dont il démissionna en 2010 pour protester contre la politique anti islamiste du régime. Comme BHL ne cesse de l’affirmer, nous sommes donc bien en présence d’un islamiste « modéré »… Depuis le premier jour, j’ai soutenu que l’intervention de l’OTAN en Libye était une erreur politique reposant sur une hypocrisie et qu’elle aurait des résultats contraires aux buts recherchés. Les faits ne m’ont hélas pas démenti. Une politique se jugeant à ses résultats, faisons un bref rappel de cet engrenage libyen qui prépara le triomphe des islamistes aujourd’hui et qui annonce l’anarchie de demain : 1) Ce fut officiellement pour protéger les civils de Benghazi que la France arracha à l’ONU le droit d’imposer une zone d’exclusion aérienne. 2) Devant l’incapacité des rebelles à entamer les défenses du régime, la France fut peu à peu contrainte de s’immiscer dans une guerre civile qui lui était totalement étrangère. 3) La situation militaire étant bloquée, la France s’est alors engagée sur le terrain, notamment, mais pas exclusivement, à Misrata et dans le djebel Nefusa. 4) Enfin, outrepassant une fois encore le mandat de l’ONU, l’OTAN porta l’estocade finale en offrant ou en livrant le colonel Kadhafi aux insurgés avec le résultat que nous connaissons. En Tunisie, c’est à une autre « grande avancée » démocratique que nous assistons avec les forts résultats obtenus par les islamistes du mouvement ennadha. Là encore, ce que j’écrivais au mois de décembre 2010, dès le début des évènements, s’est réalisé. Ceux qui regardèrent la « révolution du jasmin » avec les yeux de Chimène sont donc aujourd’hui cocus. Mais ce sont des cocus contents puisque les médias leur disent qu’ennadha a rompu avec le fondamentalisme et qu’il est désormais « modéré » prônant un islam « à la turque »… Vu de France, une grande leçon doit être retenue : les immigrés tunisiens qui y vivent ont majoritairement voté pour les islamistes, ce qui devrait naturellement encourager ceux qui veulent accorder le droit de vote aux étrangers à persévérer dans leur entreprise suicidaire. L’aveuglement et la bêtise n’ont d’ailleurs pas de limites car, depuis plusieurs décennies, au nom des « droits de l’Homme », religion-vérité postulée universelle, les « Occidentaux » n’ont cessé de faire fausse route dans le monde arabo-musulman où ils ont préparé la voie à l’anarchie et à l’islamisme.

Bernard Lugan 24/10/2011

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