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Le site a été surnommé le « Stonehenge suisse ». En 2015, des piles de pierres vieilles de 5 000 ans sont découvertes immergées dans le lac de Constance, à la croisée de l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse. Or, les archéologues de la Société bavaroise d'archéologie sous-marine (Bayerische Gesellschaft für Unterwasserarchäologie, BGfU) continuent de sonder ces cairns, pour enfin en définir la mystérieuse fonction, indiquent-ils, cités par le quotidien allemand Stuttgarter Zeitung le 12 décembre 2023.

80 000 tonnes de roches déplacées par l'Homme

Dans le sud de l'État allemand du Bade-Wurtemberg, entre les villes de Wasserburg et de Lindau, environ vingt-cinq monticules (hügeli, en allemand) se cachaient dans les eaux du lac alpin.

Si d'autres restent encore à étudier, la plupart ont également été documentées à une profondeur de quatre à six mètres par l'Institut de recherche sur les lacs en Suisse, entre les communes helvétiques de Romanshorn et Altnau, où les médias ont trouvé le terme de « Stonehenge suisse » ou « Stonehenge du lac de Constance » — faisant référence au légendaire cercle de pierres du sud de l'Angleterre.

De premières prospections menées par le Bureau d'archéologie du canton suisse de Thurgovie ont confirmé que les piles de pierres étaient d'origine humaine ; elles n'ont pas été transportées par les débris glaciaires, mais placées sur des dépôts lacustres post-glaciaires, soit des sédiments déposés au fond d'un lac au fil du temps après la dernière ère glaciaire, qui s'est achevée il y a 11 700 ans.

Selon les estimations, sur tout le lac de Constance, environ 80 000 tonnes de roches auraient été empilées par la main de l'homme sur plus de 200 monticules. « Cela équivaut à environ 40 000 chargements sur un camion de 7,5 tonnes », avance le Stuttgarter Zeitung. Le « monument » alpin est ainsi considéré comme l'un des plus grands sites de construction préhistorique en Europe.

 

Des plongeurs bénévoles pour les photographier

L'une des piles du côté allemand, entre Wasserburg et Lindau donc, a jusqu'à présent été datée entre 3500 et 3200 av. J.-C. (période néolithique) grâce à l'analyse au carbone 14 des macrorestes et morceaux de bois récupérés sur l'un des curieux amas millénaires. Pour autant, la fonction préhistorique de ces derniers fait encore l'objet d'interrogations chez les chercheurs.

Alors, après consultation avec l'Office bavarois de la préservation des monuments, une équipe de plongée composée de spécialistes techniques et d'archéologues sous-marins, tous membres de la Société bavaroise d'archéologie sous-marine, a revêtu bénévolement ses combinaisons et s'est munie de son propre (et très lourd) matériel pour replonger dans les eaux à 12 degrés Celsius.

Cela fait six ans que ces experts fouillent le lac de Constance. Ils y ont même identifié la plus ancienne pirogue bavaroise, datée du XIIe siècle av. J.-C., ainsi qu'un crâne du Xe-IXe siècle av. J.-C.

Ils se sont désormais attaqués, pour la dernière plongée avant un ou deux ans « probablement », indiquent-ils sur Facebook, aux monticules connus sous les numéros de 5 et 6 — l'année dernière, les piles 21 à 25 étaient analysées de toutes pièces, selon le quotidien allemand Schwäbische Zeitung.

Des centaines de photographiques des amas de pierres ovales à circulaires, allant jusqu'à 1,5/2 mètres de haut et 15/25 mètres de diamètre — si bien que le Dr Martin Wessels, de l'Institut de recherche sur les lacs, mentionné par le Stuttgarter Zeitung, évoque davantage des « galettes » — sont réalisées avec des caméras sous-marines. Jusqu'à 2 000 images seront assemblées sur ordinateur, formant des mosaïques (analyse photogrammétrique), modèles 3D très utiles à la recherche. Les sédiments du fond du lac ont également été percés jusqu'à deux mètres pour y prélever de précieux échantillons.

 

Une fonction secrète qu'il reste encore à définir

Pour Tobias Pflederer, cardiologue, plongeur et chef de l'équipe d'exploration, ces monuments pourraient avoir servi au culte des morts il y a 5 000 ans sur le rivage du lac de Constance.

Une hypothèse partagée par plusieurs chercheurs suisses, car le niveau du lac était généralement plus bas au Néolithique et à l'âge du bronze, ont-ils découvert. Toutefois, en considérant un niveau d'eau minimal à 393 mètres au-dessus du niveau de la mer, il est probable que les cairns aient été constamment sous l'eau ou, lors de variations saisonnières, juste au-dessus de la ligne de flottaison.

Il est concevable qu'il y ait des plateformes émergeant de l'eau sous la forme d'îlots artificiels le long du rivage du lac, sur lesquels des activités rituelles auraient eu lieu dans le cadre d'une cérémonie d'inhumation. La transition de la terre à l'eau aurait été un élément central du rituel, suggère Urs Leuzinger, du Bureau de l'archéologie de Thurgovie.

En outre, comme le propose également Tobias Pflederer, « les bateaux plats sont courants » sur l'étendue alpine, si bien qu'il peut être imaginé que les monticules aient été d'une certaine façon liés à la pêche. « Mais ce n'est qu'une hypothèse », surtout du côté allemand. Du côté suisse, où ce sont des dizaines de milliers de tonnes de roches en plus qui ont été empilées, l'effort aurait été « immense si tous les monticules là-bas avaient vraiment été construits simultanément », estime le plongeur.

Le lien entre les monuments des deux pays n'est par ailleurs pas encore bien établi. Du point de vue de la construction, ils sont très similaires. Pour autant, ils sont bien plus nombreux en Suisse, relativement peu documentés sur la rive bavaroise, et aucun n'a étrangement été recensé sur la rive autrichienne.

Pour le moment, aucun artefact — tels que des récipients, comme identifiés dans anciens villages sur pilotis — ou reste squelettique ne permettent d'aider à répondre aux questions autour de leur édification. Il reste ainsi beaucoup de choses à découvrir sur le « Stonehenge au lac de Constance ».

MATHILDE RAGOT - 18/12/2023

Source : site GEO

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