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Les éditions Pardès poursuivent la réédition des œuvres de Robert Brasillach avec ses lettres écrites en prison. Brasillach, qui avait quitté l'équipe de Je suis partout qu'il estimait trop ultra, trop collaborationniste, alors que le cours des événements avait bien évolué, ne suivit pas le gouvernement de Vichy en exil en Allemagne, contrairement à Rebatet et à Cousteau. Il s'était réfugié, le 14 août 1944, dans une chambre de bonne vide et isolée appartenant à une amie, au Quartier latin à Paris. Alors commença une vie de « hors-la-loi » qu'il réussit à trouver assez drôle, pittoresque, et qui lui rappelait un peu son existence bohême et aléatoire dans les camps de prisonniers en Allemagne.

Il pouvait à peine sortir. Brasillach s'attendait à une période de troubles sociaux qui finirait pourtant par s'apaiser. Mais le 1er septembre, son beau-frère, Maurice Bardèche fut arrêté et interné à Drancy sans raison évidente. Puis ce fut le tour de son beau-père, Paul Maugis, et de sa mère, le 25 août 1944. Le but était certainement d'obliger le réfugié à se livrer aux nouvelles autorités. Ce qu'il fit, le 14 septembre.

Après, ce fut la prison de Noisy-le-Sec, son transfert à la prison de Fresnes, puis, le 19 janvier 1945, le procès pour « intelligence avec l'ennemi », la condamnation à mort, la pétition pour la clémence signée par une soixantaine d'écrivains et d'artistes, son rejet par De Gaulle, enfin l'exécution au fort de Montrouge le 6 février 1945. En prison, Brasillach ne chôma pas, malgré la « vie monotone » qu'il y menait. Il mit au point son Journal d'un homme occupé, suite de Notre avant-guerre, rédigea sa Lettre à un soldat de la classe 60 et ses magnifiques Poèmes de Fresnes.

Le livre, préfacé par Peter Tame, nous fait découvrir sa correspondance avec sa mère, son beau-frère, Maurice Bardèche, et avec sa sœur Suzanne. Les lettres que Brasillach envoyait à sa famille et à ses amis sont pleines d'humour et d'optimisme. Selon Maurice Bardèche, elles sont « d'une admirable et charitable hypocrisie car elles voulaient surtout rassurer ceux qui lui étaient chers ». On trouve dans ces lettres de fréquentes et émouvantes références aux « petits enfants » de Suzanne, qu'il regrette de ne pas pouvoir revoir. Il s'agit du petit Jacques, alors âgé de quatre ans, et la petite fille de deux ans, Françoise. Il pense beaucoup à ses amis de captivité en Allemagne qu'il appelle « des frères des barbelés », et évoque « la fraternité des proscrits ». Ce qui impressionne le lecteur de cette correspondance est le courage, la hauteur et l'espérance de Brasillach prisonnier. Il pense avant tout à la sécurité des siens plutôt qu'à son propre bien-être.

Dans ses lettres, le comique se mêle souvent au tragique. Son procès lui paraît être un « procès bouffon ». Il écrit: « J'ai l'impression de participer, malgré moi, à quelque chose qui tient à la tragédie, certes, mais aussi du guignol et ça ne réussit pas à me troubler beaucoup ». Même aux pires moments, le sens du cocasse, du comique et de l'absurde ne quitte jamais Brasillach. Dès sa condamnation en janvier 1945, il n'entretient plus beaucoup d'illusions quant à son propre sort. Des pétitions circulent, demandant la grâce. Son avocat, Jacques Isorni, rencontrera De Gaulle. Il se trouve devant un « sphynx » impénétrable. La visite s'avère être un échec malgré l'intervention de François Mauriac que Brasillach n'avait pourtant pas ménagé. Pendant ses derniers jours, Brasillach occupe son temps à lire Shakespeare, Chénier et l'Evangile. Il foisonne encore de projets littéraires. Hélas, Le 6 février 1945 marqua l'assassinat par le Régime d'un très grand écrivain.

Revenons aux lettres écrites en prison. Début septembre 1944, alors qu'il est en prison, il écrit à sa « maman chérie »: « Les dernières semaines, où il y a eu tant de brutalités et de choses affreuses, montrent ce qu'aurait pu être l'occupation pendant quatre ans, s'il n'y avait pas eu du calme, des collaborationnistes, un gouvernement de Vichy. Mais les hommes sont injustes, ce n'est pas une nouveauté. Vous me manquez beaucoup, surtout les petits enfants ». Il pense tant à eux. Le 8 octobre, dans une lettre à sa sœur, Suzanne, il écrit: « Cette absence des petits enfants me pèse. Encore le Minouche (Jacques, le fils de Bardèche) se souviendra de moi, j'en suis sûr, si longtemps que je sois absent, mais forcément la petite fille m'oubliera un peu, elle est si petite. Dire qu'elle va avoir deux ans... » Il raconte son séjour à Drancy: « Beaucoup de braves prolétaires bien innocents de tout, des Juifs, des Fifis arrêtés pour vol, des indicateurs, des fous. Il y a un bâtiment féminin, des femmes enceintes, et un bébé de deux mois. Ici le benjamin a quatorze ans ! et le plus vieux quatre-vingt-deux !!! »

Puis, voici Brasillach à Fresnes. « La vie n'y est pas pénible du tout », écrit-il. « Le moral est bon. Quand je rencontre d'autres gens à la "promenade", je m'amuse à semer la terreur parmi eux, pour voir leur figure. Une immense frousse règne partout, hélas trop justifiée », ajoute-t-il. Mais il garde confiance: « Tous les troubles politiques ont été suivis toujours d'amnisties, et on verra bien ». Il s'amuse, écivant à sa sœur Suzanne: « Il paraît qu'on a entièrement pillé la maison de Lesca (directeur de Je suis partout), qui contenait 20 000 bouteilles de vin, dont 5000 de champagne. Tout le quartier était saoul. Ça, je ne peux pas dire que ça m'indigne, ça m'amuse plutôt ». Il se fait parfois plus grave, évoquant dans une lettre à sa sœur « l'ignominie de cette "libération", qui ressemble tout à fait à la période de "reconstruction" d'Amérique après la guerre de Sécession. J'ai vu assez de gens qui ont été marturisés, frappés, les dents cassées, brulés par des cigarettes, sans compter les histoires de femmes, pour savoir à quoi m'en tenir.Tout de même, ces ignominies devraient se savoir. Et 300 000 personnes arrêtées en France, et la délation organisée comme jamais elle ne l'a été par la Gestapo, et tout le reste. »

Brasillach voit de temps en temps Well Allot qui n'est autre que le futur François Brigneau. il raconte: « Il a été un peu martyrisé par les Fifis. On l'a forcé à courir autour d'une cour, avec un baquet de trente kilos dans les bras, et, quand il s'arrêtait, on le battait ». Il ajoute, évoquant ces blessés miliciens ou L.V.F. que l'on a jetés hors d'hôpitaux : « ce monde ne peut pas faire autrement que de me dégoûter ». Le procès approche. Brasillach écrit à Maurice Bardèche: « La terreur règne dans tous les esprits. Les cocos gouvernent tout en réalité, et les autres ont peur d'eux ». Suzanne Bardèche écrit à son frère, évoquant « les gens las et mornes de cet hiver sans charbon et cans espoir ». Elle raconte les « bobards » qui circulent. Ainsi, « dans les journaux suisses, on commence à parler de V3. Il parait que cela congèle les gens à 200 mètres à l'entour. Et que les V4 endorment pendant plusieurs heures, comme la mauvaise fée de la belle au bois dormant. Nous revenons au temps des fées et des sorciers. Bientôt, on apprendra que les V5-6-7 changent les hommes en cygnes, les femmes en sources et les enfants en nénuphars et on comprendra tout le tragique des contes de Perrault et de Grimm ». Dans une lettre à Bardèche, Brasillach se montre amer, déclarant: « Je n'ai aucune envie de faire quoi que ce soit pour ce pays de voyous qui est malheureusement le nôtre ».

Nous sommes le 22 décembre 1944. L'offensive von Rundstedt vient de commencer. Brasillach raconte à Bardèche l'affolement général. Les gens se ruent sur Radio-Stuttgart. Brasillach écrit : « Les gens sont pâles d'effroi à l'idée de "les" voir revenir. Ça m'amuserait beaucoup ». IL s'amuse, écrivant: « Je ne cacherai pas que Fresnes vit depuis deux jours dans une rigolade intense, que les bobards les plus énormes circulent, et que les collaborateurs repentis font pâle figure et se demandent s'ils ne se sont pas montrés trop anti-allemands dans leurs propos aux juges. Si l'offensive s'arrête, poursuit-il, ça pourra être dangereux pour nous, car les peureux relèveront la tête. Mais tout le monde, instinctivement, croit qu'elle réussira ». Brasillach, lucide, commente: « Pour moi, je reste sceptique ». « L'épuration continue », dit Brasillach. « Travaux forcés à perpétuité à la dactylo et au chauffeur de J.H. Paquis. L'avocat général avait demandé la mort. L'avocat général pour Béraud voulait demander seulement l'indignité, on l'a dessaisi, on a donné l'affaire à Lindenbaum dit Lindon », relate Brasillach qui ajoute: « Il ne faut pas se faire d'illusions ». « L'acte d'accusation est accablant et bouffon » écrit le futur martyr qui raconte que « des clients de son avocat lui demandent de supplier le juge d'instruction de brûler leur dossier en cas d'avance allemande, car ils ont trop dit de mal des Fritz ! C'est d'un haut comique ». Le jour du procès approche. Il écrit: « J'ai confiance, parce que, si je n'avais pas confiance, c'est que tout serait mort en moi. » Il ajoute cependant: « Le pays est monstrueux. Mais c'est ça l'humanité: celle de 1793, celle de 1917 en Russie. Non, je n'ai pas confiance dans l'humanité. Et pourtant, il y a des gens bien. » « Crois bien que j'y vais sans appréhension, quelle que soit la sottise et la méchanceté des hommes », ajoute-t-il. Dans une lettre à Maurice Bardèche, il raconte la belle plaidoirie d'Isorni: « Les gens pleuraient à la fin ». La délibération dura vingt minutes. et puis, « le Président, pressé, a bafouillé, décrétant la condamnation à mort. La salle indignée a crié ».

Il se retrouve, les chaînes aux pieds, dans une cellule isolée. Il raconte à Maurice Bardèche: « Je suis rentré à Fresnes entouré de la considération générale. Well (François Brigneau), en larmes, se précipite dans sa cellule, en balbutiant: "Je les buterai". On m'a donné un pantalon qui se découd sur les côtés, on m'a mis des chaînes aux pieds qui font un bruit de V1 ». Et puis: « J'essaie de penser le moins possible à maman et aux petits enfants parce que c'est d'elle et d'eux que la pensée m'est le plus amère ». Reste le recours. « Je ne me fais guère d'illusions », dit-il. Sa maman lui écrit: « Je suis là, je pense à toi, je suis fière de ton courage. Je t'aime de tout mon cœur si plein de toi ». Marcel Aymé, Thierry Maulnier, Cocteau, François Mauriac (ce dernier a un comportement admirable, alors que Brasillach n'avait pas été tendre avec lui), et bien d'autres se démènent pour obtenir que Brasillach soit gracié par De Gaulle. Picasso ne veut signer qu'avec l'accord du Parti. Robert Lalou veut bien signer une pétition « à condition que cela ne se sache pas ». « Tant de gens ont peur », éccrit Brasillach. Nous sommes le 31 janvier 1945. Brasillach écrit: « S'il existe encore un jour une civilisation blanche, alors il faudra s'en aller au Vénézuela, et acheter un poney et un grand chapeau au Minouche » (son neveu, le fils de Suzanne et de Maurice Bardèche).

Dernier billet écrit par Robert Brasillach le matin du 6 février 1945: « Prière de donner ce sac et ce qu'il contient (vivres) à Maurice Bardèche, 3e Division, 384 ».

Robert Spieler

« Lettres écrites en prison-correspondance », de Robert Brasillach, chez Pardès, 249 pages, 19 euros. A commander sur Akribeia.

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