Catégorie : Fêtes Païennes
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feu

 

Le symbolisme du Feu est fondamental dans toutes les traditions et notamment dans le monda indo-européen. Dans la plupart des traditions du monde « aryen », on distingue trois feux : Le Soleil, le feu du sacrifice et le feu domestique. Le dernier n'est pas moins sacré que le second, auquel il est d'ailleurs analogue, car traditionnellement le père de famille est prêtre et roi dans sa maison : ce que le Druide, le Brahmane ou le Flamine font Iors du sacrifice public. Le tigâkos (tieg, chef de famille) le fait chez lui ; il entretient dans l'âtre, temple de la maison, un feu permanent, image du Dieu toujours présent au foyer (1).

Dans la tradition hindoue, le feu sacrifiel est personnifié par le dieu Agni qui comme tous les « dieux » est un aspect de Brahma, le Principe suprême, en tant qu'il est présent dans le bûcher sacré. Le « véhicule » d'Agni, c'est-à-dire l'animal dont l'espèce incarne la Force divine qui se manifeste d'autre part dans le Feu sacré, est le bélier (2). Or; pour en revenir aux choses celtiques, on a découvert de nombreux landiers ou chenets gaulois ornés d'une tête de bélier, plusieurs spécimens ont été trouvés dans le lit de la Loire, nous retrouvons l'association traditionnelle de cet animal avec le feu, Mais d'autre part, le fameux serpent à tête de bélier figure fréquemment, on le sait dans les mains du dieu Kernunnos, qui, a pu par conséquent être l'un des dieux familiers (ou même familiaux) des Celtes.

 

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Un nouveau rapprochement avec la tradition hindoue est d'ailleurs possible. Kernunnos est souvent représenté accroupi, dans la posture des yogis. Or ces derniers décrivent l'énergie psychique (Kundalini) comme un serpent de feu enroulé sur lui-même au bas de la colonne vertébrale, que les exercices du yoga ont précisément pour but de dérouler et de faire monter le long de la colonne vertébrale, jusqu'à ce que sa tête atteigne le « troisième œil » par où se fait la communication avec les états supra-humains (3). Cette description imagée symbolise en réalité la transmutation de l'énergie psychique ou « feu vital » en énergie spirituelle (telle est aussi, la signification en symbolisme alchimique), ce qui est le but même de l'ascèse yogique. Etant donné la valeur « ignée » du bélier, on peut penser que le serpent criocéphale a le même sens que Kundalini, et Kernunnos, qui paraît son maître, serait le dieu des ascètes gaulois, le Maître du Feu spirituel; sur certains monuments, il paraît nourrir ce serpent ; c'est l'image de la Force divine source de l'énergie psychique du prana.

Dans un précédent numéro d'Ogam on a exposé le symbolisme du feu par opposition à l'eau, dualité figurant l'Essentiel et le Substantiel (4) et qui résume toute la doctrine druidique. Chaque fête du calendrier celtique, par sa date et par son rituel, doit être elle aussi un compendium doctrinal ; or, si nous nous référons aux grandes dates du festiaire irlandais au sujet duquel nous reviendrons dans une autre étude, que constatons-nous ? Que l'Eau et le Feu figurent toujours dans les associations mythiques et historiques de chacune d'elles.

Ainsi, lors de la fête de Samain (Heven), tous les feux sont éteints et rallumés, pour marquer le passage d'une année à l'autre c'est-à-dire analogiquement d'un cycle à l'autre (c'est à Samain, après Mag Tured, que la Bodb prédit la « fin du Monde », qui ne peut être en fait que la fin d'«un» monde ou d'un cycle cosmique de manifestation, c'est à Samain également que le roi Muiccetach Mac erca se noya comme Flann dans un tonneau, pendant que le feu détruisait son palais. D'autre part, le folklore, tant irlandais que breton (5), recommande formellement de ne garder dans les maisons, la nuit de Samain (ou de la Toussaint), aucun vase contenant de l'eau sale. Cette prescription peut paraître étrange, mais l'eau sale est ici un symbole des « possibilités inférieures » qui doivent être « épuisées » afin que naisse un monde nouveau.

Imbolc (Brec'hed), fête de la « Purification », est marqué par le feu qu'entretenait à Cill Dara (Kildare) neuf vierges qu'on ne peut s'empêcher de rapprocher des « druidesses » de Sena (les «génisses» du Barzhaz Breizh) et les neuf pucelles dont le souffle fait bouillir le chaudron de Pwll pen Annwfn (6). On sait que ce feu, allumé en l'honneur de la déesse Brigit (Brigantia), continua de brûler, après la christianisation de l'Irlande en l'honneur de « Sainte-Brigite de Kildare » jusqu'à son extinction définitive par les hordes sataniques de Cromwell. Quant à l'eau son rôle purificateur l'associe tout naturellement à la fête d'Imbolc.

A Beltene (Kenteven), les Tûatha De Danann arrivèrent en Irlande par la mer et mirent le feu à leurs vaisseaux pour s'ôter toute velléité de retraite. C'est à Beltene que le roi Diarmaid mac Cerbhail assièga Flann dans sa maison, qui se noya dans une cuve pendant que la maison brûlait. Et la fête point culminant du cycle annuel est marquée par le « feu de Belos » allumé auprès de la source rappelant encore la dualité fondamentale qui se résorbe dans l'Unité principielle lorsque l'énergie du feu et la vapeur de l'eau se sont dissipées dans l'atmosphère — image ici de l'Ether principe du monde matériel.

La célébration de Lugnasad (Eured Lew) (qui aurait été institué pour commémorer les noces de Lug et de Tailtiu, c'est à cette date que meurt Carman la sorcière et Macha) comporte entre autres, le feu allumé au sommet du tertre entouré d'eau : nous retrouvons le symbolisme très important de « l'Ile Verte » émergeant de l'océan et couronnée par le soleil ou par un bûcher sacré : l'eau et le feu étant comme toujours la Substance et l'Essence, le tertre symbole « axial » et la Manifestation qui unit les deux pôles du Principe.

Les tribus celtiques se plaçaient volontiers sous le patronage d'un dieu ou d'une déesse. Ainsi les Eduens, en celtique Aedui, l'une des plus puissantes peuplades galoises tirent leur nom de aedius «feu» (irl. aed). Aedus, Dieu du Feu, était sans doute l'Agni celtique et l'une des principales divinités des Gaulois et des Celtes en général.

VISSVRIX

Notes :

(1)      Quelques années avant la guerre, l'écrivain bourguignon Johannès Thomasset,   commentant   les   énormes   changements   survenus   dans   notre   mode d'existence à une époque comparativement   toute récente,   mettait particulièrement en relief la disparition du « foyer »   au sens strict du terme, et ajoutait : « Cette rupture avec la plus ancienne   habitude humaine est énorme de conséquences morales ». En fait il s'agit de quelque chose de plus grave encore : le signe que la Présence divine s'est   véritablement retirée de nous.   Et que dirions-nous du remplacement, dans tant d'églises, de la veilleuse d'autel par une lampe électrique du plus beau rouge ? La tradition bretonne (A. Le BRAZ Légende   de   la   Mort,   1,80)   prétend   que   l'extinction   d'une   seule   des   lampes sacrées sera l'« intersigne » de la fin du monde...

(2)      On sait qu'il y a un rapport « niruktique » entre Agni (linguistiquement identique au latin ignis) et agnus ; le bélier ou l'agneau apparaissent d'ailleurs dans la tradition judéo-chrétienne comme des symboles « polaires » et « ignés » (le bélier d'Abraham, Gen, XXII,   13 ; l'Agneau « lampe » de la Jérusalem céleste, Apoc.   XXI,   23).

(3)      Cf. R. GUENON, L'homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XX.

(4)   NATROVISSVS,   Le   Feu   et   l'Eau,   dualité   primordiale   OGAM   N°13   p.

119.

(5)      LE BRAZ, loc.   cit.   introd.   p.   XIX-XX.

(6)      Poème de Taliesin ; cf SKENE, Four ancient books of Wales II, 181 sqq.

Sources : OGAM – septembre 1951

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