Rudyard Kipling, L’homme qui voulut être roi, collection Folio/Gallimard n°503.


Né à Bombay en 1865, Rudyard Kipling passe son enfance en Europe et retourne aux Indes à l’âge de 17 ans : c’est là qu’il compose une partie de son œuvre, à partir des souvenirs qu’il a réunis dans l’empire alors à son apogée.
Sous ce titre de L’homme qui voulut être roi, Kipling réunit neuf nouvelles fort différentes, mais se déroulant toutes en Inde. Notre auteur y montre une réalité sans fard, très loin des clichés du politiquement correct en usage de nos jours pour évoquer les civilisations extra-européennes : « les Etats indigènes professent une salutaire horreur pour les journaux anglais, toujours susceptibles de mettre en lumière leurs méthodes originales de gouvernement (…). Ils ne comprennent pas que personne ne se soucie plus que d’une guigne de l’administration intérieure d’un Etat indigène, tant que l’oppression et la criminalité s’y maintiennent dans des bornes raisonnables et tant que le chef n’y reste pas sous l’influence de l’opium, de l’eau-de-vie ou de la maladie d’un bout de l’année à l’autre. Les Etats indigènes furent crées par la Providence afin de pourvoir le monde de décors pittoresques de tigres et de descriptions. Ce sont de sombres coins de la terre, pleins d’inimaginables cruautés, qui touchent d’un côté au chemin de fer et au télégraphe et, de l’autre, aux jours d’Haroun-al-Raschid. »
La nouvelle éponyme attirera particulièrement notre attention. Le narrateur y rencontre deux aventuriers, Carnehan et Dravot, qui ont l’intention de se forger un royaume à leur dimension : « nous avons décidé que l’Inde n’est pas assez grande pour des gens de notre acabit. » C’est le Kafiristan que les deux aventuriers ont choisi comme destination : « un fouillis de montagnes, de pics et de glaciers que jamais Anglais n’a franchis » où les habitants constituent « un sacré tas de païens (…) apparentés à nous autres Anglais ».
Là réside certainement ce qui fait le charme particulier de cette nouvelle : Kipling, comme nombre d’auteurs anglo-saxons de son temps cède à la marotte alors très en vogue de l’anthropologie. Les Kaffirs, ou païens, n’ont été convertis qu’au vingtième siècle par les musulmans et leur pays est aujourd’hui, le Nouristan, ou pays de la lumière (remarquons au passage que la philosophie d’Allah n’est pas sans évoquer sur ce point celle des Droits de l’Homme, à moins, hypothèse plus sympathique, que la référence à la Lumière vienne de beaucoup plus loin : nous sommes à la frontière des influences védiques et iraniennes où la Lumière joue un rôle très important dans la spiritualité de cette branche des Indo-Européens. ).
On ne sait cependant pas quelle est précisément leur origine, et nombre de légendes courent à leur sujet (descendants des armées d’Alexandre, voire des Aryens restés purs de tous mélanges). Carnehan les décrit au physique - « ils étaient blonds, plus blonds que vous et moi – les cheveux jaunes et très bien bâtis » - comme au moral – « je sais que vous ne tricherez pas parce que vous êtes des blancs –des fils d’Alexandre – non pas de vils musulmans à peau noire ».
Nos deux aventuriers connaîtrons finalement des difficultés emportés par la démesure de leurs projets : « ce n’est pas une nation que je veux faire, dit Dravot, c’est un empire. Ces hommes-là ne sont pas des noirs, mais des Anglais ! Regarde leurs yeux, leurs bouches. Voit la manière dont il se tiennent debout. »
A vous amis lecteurs de voir si Dravot et Carnehan sont parvenus à leurs fins : s’il vous est donné de voir le beau film de John Huston où Sean Connery et Michael Caine incarnent les deux hommes, vous les entendrez entonner le chant que Kipling met dans la bouche de Carnehan dans les dernières lignes de la nouvelle :


« Le fils de l’homme part en guerre,
Il veut une couronne d’or ;
Son drapeau rouge flotte au loin.
Qui le suivra vers son destin ?
»

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