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jeudi, 28 mars 2024

Qu'est-ce qui va changer dans la politique intérieure de la Russie après l'attentat contre la mairie de Crocus ?

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Qu'est-ce qui va changer dans la politique intérieure de la Russie après l'attentat contre la mairie de Crocus ?

Par Raphael Machado

Source: https://jornalpurosangue.net/2024/03/27/o-que-vai-mudar-na-politica-interna-da-russia-apos-o-atentado-do-crocus-city-hall/

Après l'horrible attentat terroriste perpétré il y a quelques jours contre le Crocus City Hall près de Moscou, de nombreux analystes se sont demandés quelle serait la réaction de Moscou dans l'environnement international, compte tenu des pays potentiellement impliqués, des États-Unis à l'Ukraine, sans oublier les liens perçus avec le Tadjikistan et la Turquie.

Certains changements ont déjà été détectés, la Russie ayant bombardé d'importants bâtiments des services de renseignement ukrainiens, causant des dommages en termes de morts, de blessés et de pertes matérielles que Kiev préfère ne pas rendre publics. Certaines articulations internationales ont également permis l'arrestation d'éventuels collaborateurs de l'attaque en question en Turquie.

D'autres développements dans cette direction, y compris des représailles pour les attaques, viendront au fur et à mesure que les autorités russes elles-mêmes recevront plus d'informations sur les résultats des enquêtes.

Mais les changements demandés par le peuple russe à la suite du massacre sont tout aussi importants que les changements possibles dans la position de l'opération militaire spéciale et dans les relations internationales.

Tout d'abord, l'une des discussions les plus importantes en Russie aujourd'hui est le rétablissement de la peine de mort. La peine de mort n'a pas été abolie en Russie, mais elle est prévue dans le code pénal pour les infractions les plus graves contre la vie, telles que le meurtre aggravé, le meurtre de fonctionnaires et le génocide.

Toutefois, en 1996, le président de l'époque, Boris Eltsine, a imposé un moratoire "informel" sur les exécutions dans le but de faire entrer la Russie dans le Conseil de l'Europe. Ce moratoire a été légalement formalisé par la Cour constitutionnelle russe en 1999, de sorte qu'il n'y a pas eu d'exécutions dans ce pays depuis près de 30 ans.

Il convient toutefois de noter que la loi prévoit toujours l'application de la peine de mort. En outre, la Russie a été expulsée du Conseil de l'Europe en mars 2022, de sorte que la justification politique du moratoire sur les exécutions n'existe plus.

L'opinion publique est favorable au retour de la peine de mort. Un sondage réalisé par une agence liée au département d'État américain (le Levada Center) a montré en 2019 que 49 % des Russes étaient favorables au rétablissement de la peine de mort. 19 % souhaitaient son abolition. On peut s'attendre à ce que la proportion de ceux qui souhaitent le retour de la peine de mort, au moins pour les terroristes et les traîtres, soit beaucoup plus élevée aujourd'hui qu'en 2019.

En réponse à ces demandes, les députés du parti au pouvoir, Russie Unie, se mobilisent pour apporter les changements nécessaires à la réactivation de la peine capitale.

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Un autre problème est celui des armes. En général, les agents de sécurité russes ne portent pas d'armes. Au moins dans le contexte du conflit actuel et des menaces terroristes, on discute de la nécessité pour les agents de sécurité dans les lieux publics de porter des armes pour faire face à des situations d'urgence de ce type. Il est clair que des agents de sécurité armés auraient fait une différence significative dans cet attentat.

Quant au port d'armes en général en Russie, il obéit à des critères tout à fait rationnels et raisonnables, étant moins restreint qu'au Brésil, mais plus restreint que dans une grande partie des États-Unis.

En Russie, il existe l'équivalent du CAC brésilien, mais aussi la possession d'armes d'autodéfense, qui doivent néanmoins être conservées à la maison - leur but est la défense du foyer, de la famille, des biens, en cas d'invasion, de vol ou de tentative d'enlèvement.

De plus, pour pouvoir acheter un fusil, il faut avoir possédé une arme plus légère pendant plusieurs années sans aucun incident.

La question la plus débattue aujourd'hui, cependant, est la nécessité de mieux contrôler l'immigration en Russie. Pas seulement l'immigration illégale, mais l'immigration en général.

Tous les responsables directs de l'attaque terroriste étant des Tadjiks qui seraient entrés légalement en Russie, l'attention est attirée sur le laxisme de la Russie à l'égard de ses propres frontières (qui sont, comme chacun le sait, immenses).

La Russie est loin d'être aussi laxiste que l'Europe sur cette question, mais il est un fait, par exemple, qu'au cours des deux dernières années, environ 100.000 Tadjiks sont entrés en Russie chaque année. En général, l'immigration en Russie est de nature temporaire, pour un travail temporaire, et le migrant doit quitter le pays à la fin de son visa (que certains contournent pour rester illégalement dans le pays).

Ces migrations, contrairement à celles qui ont lieu en Europe, ne sont pas susceptibles de modifier de manière significative la démographie nationale de la Russie, mais en raison de l'absence de contrôle, elles représentent un risque pour la sécurité nationale.

Les intellectuels russes organiques influents dans la société civile, tels qu'Alexandre Douguine, exigent une réduction drastique et un plus grand contrôle de l'État sur ces flux, ainsi que la consécration du caractère essentiellement "russe" de l'État, en tant que noyau de la politeia impériale de la Russie.

On peut s'attendre à une augmentation des expulsions d'immigrants illégaux, ainsi qu'à des critères plus stricts pour l'octroi de visas et de la citoyenneté, tels qu'une meilleure connaissance de la langue et un engagement explicite en faveur des valeurs nationales.

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Mourir de l'OTAN

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Mourir de l'OTAN

Par Marco Della Luna  

Source: https://www.centroitalicum.com/morire-di-nato/

La seule raison pour laquelle la Russie pourrait nous frapper avec des missiles nucléaires est la présence en Italie de missiles nucléaires américains dirigés vers la Russie. Si la guerre éclate entre Washington et Moscou, nous serons pulvérisés pour cette seule raison. Ainsi, loin d'être une protection, l'OTAN est la seule cause possible de notre destruction.

Assiégée depuis des décennies par l'expansion de l'OTAN vers l'Est et la soixantaine de bases militaires américaines autour de ses frontières, la Russie n'a ni les moyens ni les effectifs pour nous envahir ou pour soutenir une guerre conventionnelle avec l'OTAN, dont les membres ont un PIB et un budget de défense vingt fois supérieurs à ceux de la Russie. En outre, annexer un pays, par exemple la Pologne, contre la volonté de son peuple, signifierait pour elle tout d'abord le conquérir militairement (avec des pertes et des coûts énormes, outre le fait que l'intervention de l'OTAN serait déclenchée), puis engager des coûts énormes et permanents pour l'occupation, tout en subissant continuellement des attaques partisanes sanglantes, tant en Pologne qu'en Russie, et en les réprimant par des mesures policières tout aussi sanglantes, tandis qu'une grande partie de l'opinion publique dans une grande partie du monde, ainsi qu'à l'intérieur du pays, serait fortement dressée contre Moscou.

Compte tenu de ce qui précède, il est tout à fait invraisemblable que la Russie ait l'intention d'annexer ne serait-ce que la partie non russophone de l'Ukraine, et encore plus invraisemblable qu'elle ait l'intention d'occuper les pays de l'OTAN, tandis qu'à l'inverse, il est clair que ceux qui prétendent avoir de tels plans mentent afin d'apporter à l'industrie de l'armement l'argent du contribuable déjà harcelé, et ce en nous exposant au risque d'une guerre thermonucléaire. Il convient également de mentionner que les États-Unis en particulier, en plus de décliner de plus en plus en tant que puissance mondiale unipolaire, sont en proie à une grave crise, principalement sociale, et menacés, avec le reste de l'Occident, d'un gigantesque effondrement financier, bancaire et monétaire, notamment en raison de l'énorme masse d'argent et d'obligations créée lors de la pandémie, puis de la campagne ukrainienne. Les alarmes de guerre servent probablement aussi à détourner l'opinion publique de ces problèmes et à préparer un état d'urgence guerrier permanent, qui permettrait de gérer le corps social de manière plus libre et plus coercitive.

Encore une fois, il ressort de ce qui précède que si une guerre éclatait entre l'OTAN et la Russie, il s'agirait automatiquement d'une guerre avec des missiles nucléaires stratégiques, et nous, avec toutes les bases américaines que nous hébergeons sur notre territoire, serions littéralement grillés en quelques heures, et il ne servirait à rien que les États-Unis viennent ensuite à notre secours - et probablement ils ne viendraient pas du tout, ils ne pourraient pas venir, ayant également été frappés comme nous et n'ayant aucun intérêt à venir, d'autant plus qu'ils devraient traverser un océan Atlantique patrouillé par des sous-marins russes. Alors, encore une fois, pourquoi avons-nous besoin de l'OTAN ?

(Si vous me permettez une plaisanterie, j'espère qu'en cas de guerre thermonucléaire, les dirigeants russes décideront de concentrer leurs missiles sur des cibles politiquement plus importantes et d'épargner l'Italie et les pays méditerranéens de l'OTAN, afin de laisser ces régions exemptes de contamination radioactive, pour qu'ils puissent s'y installer après la catastrophe, qui gâchera également la partie la plus vivable de la Russie elle-même).

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Pendant ce temps, les dirigeants de Washington, Londres, Paris, Berlin, Stockholm et Varsovie évoquent explicitement une guerre avec la Russie. Le pathétique Macron, produit synthétique des laboratoires Rothschild, parle même d'envoyer des soldats français sur le front du Donbass. Cela augmente objectivement le risque d'une telle guerre, même si le but de ces évocations n'est très probablement que de faire gagner de l'argent aux industriels de l'armement et de construire un régime de contrôle social dans un état d'économie de guerre ainsi que de pandémie et de crise climatique permanentes - avec un contrôle sans faille de l'information.

Grâce aux sanctions officiellement dirigées contre la Russie, l'Europe "libre" a déjà été amenée à payer son gaz au moins quatre fois plus cher, au profit des entreprises américaines qui nous le vendent et qui ont doublé leurs profits au détriment de nos factures et de la compétitivité de nos industries qui, de fait, ferment et se délocalisent, puisque l'Europe libre est désormais la zone du monde où l'énergie coûte le plus cher, et donc où elle est la moins chère à produire. Cela s'explique aussi par les coûts de la transition verte, qui n'a été adoptée que par nous dans le monde, et qui est donc déjà absurde et autodestructrice. Même Porsche délocalise sa production aux États-Unis qui, grâce à cette migration des usines et des capitaux, se réindustrialisent à nos dépens et récupèrent, au détriment de l'euro, une partie du terrain perdu par le dollar en tant que monnaie du commerce international.

Tel est le tableau des alliances entre les vassaux que nous sommes et le capital dominant outre-Atlantique. Mais c'est aussi le tableau d'un appareil institutionnel étatique et supra-étatique qui est désormais clairement aux mains d'une oligarchie porteuse d'intérêts antisociaux - une " Oligarchie des peuples superflus " (comme je l'avais intitulé dans mon essai de 2010) : la fin du " public ", de la res publica.  Dernière note : exhorter à l'envoi de nos soldats en Ukraine pour contrer l'impérialisme russe, c'est précisément Emmanuel Macron, président d'un pays qui exerce, lui-même, un féroce impérialisme économique et militaire sur ses 14 anciennes colonies africaines, contraintes de verser 85% de leurs recettes d'exportation à la Banque de France. Jusqu'à ce qu'elles se rebellent.

Massacres inutiles et idiots utiles

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Massacres inutiles et idiots utiles

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/inutili-stragi-utili-idioti/

Les massacres, les attaques terroristes, sont souvent, voire presque toujours, inutiles. Inutiles d'un point de vue militaire et stratégique, bien sûr. Parce qu'aucun conflit n'a jamais connu de tournant suite à une attaque, à une action terroriste. Ni même d'une véritable campagne de terreur.

Mais le terrorisme, les massacres surtout, revêtent une importance considérable d'un point de vue éminemment politique. Ils doivent être examinés et évalués avec soin. Afin de mieux comprendre l'état des choses. Et, surtout, dans quelle direction elles évoluent.

Le massacre de Moscou. Qu'il ne faut cependant pas réduire de manière simpliste à un acte terroriste plus ou moins improvisé. Car il n'en a pas les caractéristiques. Au contraire, toutes les reconstitutions montrent l'action d'un commando bien organisé, préparé militairement, avec un plan bien défini. Probablement depuis longtemps. Et surtout, un commando qui n'avait aucune intention suicidaire. Qui avait également bien préparé ses issues de secours. Ce qui exclut les groupes djihadistes caucasiens, daghestanais et ingouches... sans parler du fantôme de l'Etat islamique, que d'aucuns tentent de ressusciter en ces heures.

On parle de Tadjiks. Mais l'appartenance ethnique n'est pas importante. Ce qui est plus clair, c'est qu'il s'agit de mercenaires. Des professionnels, bien entraînés, payés et qui se souciaient de leur peau.

Le problème, bien sûr, n'est pas celui des auteurs. Mais celui des commanditaires. Et des objectifs qu'ils se sont fixés avec ce massacre.

Bien sûr, tous nos médias ont repris le même refrain. Tout le monde aurait pu le faire, sauf les Ukrainiens. Zelenski est innocent.

Et les idiots utiles les plus zélés et les plus actifs vont même jusqu'à insinuer qu'il pourrait s'agir du FSB, les services secrets russes. Bref... c'est Poutine.

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De telles sottises sont inutiles à évoquer. Elles ne méritent pas qu'on s'y attarde. Cependant, des analystes comme Orsini, qui ne sont certainement pas tendres avec Kiev, se sont également prononcés en faveur d'une hypothèse qui disculpe l'Ukraine.

Et ce pour deux raisons.

La folie absolue d'une telle action, qui pourrait provoquer une réaction russe dans des proportions encore difficilement imaginables.

Et le fait que l'ambassade américaine à Moscou avait déjà mis en garde le 8 mars contre le risque d'attentats dans les salles de concert moscovites. Elle avait appelé les citoyens américains à ne pas s'y rendre.

Washington s'est alors empressé de condamner l'action. Et à exprimer ses condoléances au Kremlin.

Et si Washington s'exprime ainsi, c'est que Zelenski, sa marionnette, n'est pas responsable. Telle est la logique du raisonnement.

Mais qui, franchement, ne convainc pas. Parce qu'il est... trop grossier.

Et pas seulement parce que personne, jusqu'à présent, n'a posé une question évidente. Comment l'ambassade américaine a-t-elle su ? A l'avance, et avec une précision remarquable sur les cibles ? Cette question a été posée aujourd'hui par le pédicure russe que j'ai visité. Et nos grands experts et analystes ne le savaient pas ? Eh bien...

Ce n'est pas cela, cependant, qui m'intrigue le plus.

En effet, je me demande qui pourrait avoir intérêt à commettre un acte similaire à Moscou en ce moment. Honnêtement, je ne vois pas qui, dans le Caucase, en Asie centrale ou au Moyen-Orient, pourrait avoir un quelconque intérêt ou une quelconque raison. Aussi fou soit-il.

Et si l'on exclut l'impossible, ce qui reste, aussi improbable soit-il, c'est la vérité. Comme le dit Sherlock Holmes.

Donc... l'Ukraine.

Dont les services de renseignement, rappelons-le, ne sont pas étrangers aux actes de terrorisme. La bombe qui a tué Darya Dougina en est un exemple. Pas le seul.

Et il faut rappeler que Kiev n'est pas un monolithe fait d'un seul homme. Le drôle de Zelenski.

Il y a des jeux internes et des rapports de force, des liens avec l'étranger qui sont difficiles à déchiffrer. Alors Zelenski ne sait peut-être pas vraiment... mais, pour donner un exemple, Boudanov ? Qui a souvent donné l'impression d'agir en totale autonomie. Ou du moins de répondre à d'autres... commanditaires.

Kiev est au bord de l'effondrement militaire. Et celui du front intérieur. Au sein de sa classe militaire, de plus en plus de voix commencent à réclamer des négociations avec Moscou. C'est... le courage du drapeau blanc. Comme l'a dit Bergoglio.

Mais il y a aussi ceux qui, de la paix, auraient beaucoup, voire tout à perdre.

En Ukraine et... ailleurs. Bien plus loin.

Hypothèses, bien sûr. Mais, du moins me semble-t-il, fondées sur un raisonnement réaliste. Et concrètes.

Alors... on verra. Le silence du Kremlin est éloquent. Et inquiétant. Les prochains jours pourraient être décisifs.

Et très dangereux.

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Les fantômes du djihad

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Les fantômes du djihad

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/fantasmi-jihadisti/

Parfois, ils reviennent - certains fantômes, je veux dire. Fantômes de la politique, fantômes de la terreur. Des fantômes de l'histoire.

C'est le cas, aujourd'hui, de celui de l'Etat islamique. Souvenez-vous d'al-Baghdadi, le califat noir. Celui qui, il y a à peine quelques années, enflammait le Moyen-Orient et le Maghreb. Entre la Syrie et l'Irak, il a construit une sorte d'État qui a semblé se répandre comme une traînée de poudre... jetant les capitales occidentales dans la terreur.

Les médias, journaux et télévisions, ne parlaient que de cela...

Et puis, soudain, c'est la fin de la partie. Le calife est mort. Ses légions noires se sont dispersées. Son royaume s'est évanoui comme une Morgane du désert. Tout ce qui restait, comme souvenir, c'était les morts. Et les destructions qu'il avait causées.

Rien ou presque n'a été dit sur les raisons de la disparition du califat djihadiste. Et sur qui, surtout, avait provoqué son effondrement. Une attribution générique du mérite à l'Occident collectif. Qui, une fois de plus, sauverait le monde.

Aucune analyse. Pas même un chiffon de document ni même une once de raisonnement lucide.

On a ainsi omis de dire qu'au moins en Irak - centre permanent du mouvement djihadiste - la victoire avait été iranienne. De cet Iran perpétuellement sous sanctions, cet "État voyou" par excellence.

Et qu'en Syrie, pour bloquer les forces du calife, ce sont encore les Iraniens qui l'ont emporté. Avec le soutien substantiel de la Russie...

Alors que nous, Occidentaux, avons soutenu, et continuons à soutenir, le soulèvement anti-Assad. Un soulèvement porté par d'hypothétiques résistants démocratiques. Alors qu'il était et est toujours évident que l'épine dorsale des forces rebelles est précisément constitué par les djihadistes.

Soyons clairs. Aucune sympathie pour les ayatollahs ou Moscou. Mais les faits sont les faits. Pas des opinions. Et c'est ainsi que les choses se sont passées, qu'on le veuille ou non. Ce qui prouve une chose que l'on a toujours fait semblant de ne pas comprendre. L'affrontement avec l'Etat islamique était avant tout interne au monde islamique. Un conflit entre les différentes âmes de l'islam. Comme cela a souvent été le cas dans son histoire.

L'ingérence de nous, "Occidentaux", a souvent été préjudiciable. Accentuant les conflits internes, pour... les exploiter à nos propres fins.

Ensuite, nous en avons payé le prix. Même les plus lourds, comme le Bataclan... ou plutôt, les innocents ont payé le prix. Comme toujours.

Vieille histoire. Des fantômes. Qui, cependant, sont rappelés aujourd'hui, après le massacre de Moscou.

C'était l'Etat islamique. Un seul chœur. Experts (sic !), intellectuels (sic !), politiciens de tout poil.

Sans jamais se poser la simple question: pourquoi ?

Oui, pourquoi l'Etat islamique, dans son rejeton du Khorasan, aurait-il soudain émergé des steppes d'Asie centrale pour frapper la Russie ?

Et la frapper avec des mercenaires précarisés, avec une technique militaire qui n'a rien à voir avec celles propres au djihad.

Et, surtout, pour frapper la Russie en ce moment. Alors qu'elle est en train de gagner la guerre contre l'Ukraine, et que les opinions publiques européennes sont fatiguées de soutenir Kiev. Alors que de nouvelles aides à Zelenski sont bloquées aux Etats-Unis.

Pourquoi les djihadistes s'en prendraient-ils à Moscou, et pas à Paris ou à Londres ? Ou Rome ?

J'attends avec espoir qu'un des grands experts toujours présents à la télévision pose la question... sans exiger de réponse.

Ce serait trop demander...

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mercredi, 27 mars 2024

L'Europe de Brzezinski est née

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L'Europe de Brzezinski est née

par Fabrizio Bertolami

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/27724-fabr...

La configuration envisagée par la rencontre entre Macron, Scholz et Tusk était déjà l'un des points centraux de la stratégie énoncée par Zbignew Brzezinski dans son célèbre essai de 1997 intitulé "Le grand échiquier", dans lequel il affirmait que l'Ukraine devait adhérer à l'OTAN et à l'UE, dessinant ainsi un scénario géopolitique totalement nouveau, différent à la fois du scénario "méditerranéen" (France, Allemagne, Italie) et du scénario "carolingien" (France, Allemagne, Benelux) dans lequel la France, l'Allemagne, la Pologne et l'Ukraine forment un bloc capable d'intégrer les trois nations les plus peuplées du continent et en même temps capable de se consolider jusqu'aux frontières de la Russie.

* * * *

Le 15 mars à Berlin, lors d'une réunion à trois, le président français Macron, le chancelier allemand Scholz et le Premier ministre polonais nouvellement élu Tusk ont signé un accord visant à fournir un soutien conjoint en matière d'armement à l'Ukraine.

"Nous utiliserons les bénéfices des actifs russes gelés en Europe pour soutenir financièrement les achats d'armes pour l'Ukraine", a déclaré Scholz, énumérant les efforts de l'UE pour accroître le soutien à Kiev.

La réunion fait suite à certaines déclarations du président français sur la possibilité d'envoyer des troupes occidentales en Ukraine, bien que certains pays comme l'Italie aient rapidement souligné qu'ils n'enverraient pas de soldats car "nous ne sommes pas en guerre avec la Russie", comme l'a déclaré le ministre italien des affaires étrangères, M. Tajani.

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En effet, lors d'une interview à la télévision nationale française, M. Macron a déclaré qu'une victoire russe en Ukraine "réduirait la crédibilité de l'Europe à zéro" et signifierait que "nous n'avons pas de sécurité", ajoutant que la sécurité du continent est "en jeu" dans le conflit qui, selon lui, "est existentiel pour notre Europe et pour la France et si la situation s'aggrave, nous serions prêts à faire en sorte que la Russie ne gagne jamais cette guerre".

L'accord tripartite comprend un engagement commun à fournir de l'armement à Kiev et n'envisage pas, pour l'instant, l'envoi de troupes des trois pays sur le terrain. La France, comparée aux deux autres partenaires, a jusqu'à présent envoyé moins d'armes et fourni moins de fonds, ce qui impose probablement à Macron la nécessité de changer de rythme, mais certains analystes suggèrent que la raison pourrait être géoéconomique et étroitement liée à la possibilité que l'Ukraine perde son accès à la mer.

Selon le journal français Le Monde, "le cabinet de M. Macron a expliqué que l'objectif était de restaurer l'ambiguïté stratégique de l'Occident. Après l'échec de la contre-offensive ukrainienne en 2023, le président français estime que promettre des dizaines de milliards d'euros d'aide et fournir - tardivement - des équipements militaires à Kiev ne suffisent plus. Surtout si Poutine est convaincu que "l'Occident a définitivement exclu de mobiliser ses forces".

Ce nouveau schéma d'alliances, qui exclut les nations méditerranéennes au détriment de celles de l'Europe du Nord et de l'Est, était déjà l'un des points centraux de la stratégie énoncée par Zbignew Brzezinski dans son célèbre ouvrage intitulé "Le grand échiquier" de 1997, dans lequel il affirmait que l'Ukraine devait rejoindre l'OTAN et l'UE, dessinant ainsi un scénario géopolitique totalement inédit, différent du scénario "méditerranéen" (France, Allemagne, Italie) et du scénario "carolingien" (France, Allemagne, Benelux) dans lequel la France, l'Allemagne, la Pologne et l'Ukraine forment un bloc capable d'intégrer les trois nations les plus peuplées du continent et, en même temps, de se consolider aux frontières de la Russie.

Lors d'une conférence de presse tenue le 4 mars, l'ancien président russe Medvedev a présenté une carte montrant une possible disposition de l'Ukraine après la guerre, dans laquelle tout l'est et le sud deviendraient russes, tandis que l'ouest serait divisé entre la Pologne, la Hongrie et la Roumanie. Cette carte se fonde en partie sur le passé historique de la région ukrainienne, qui a été attribuée pendant des siècles aux quatre nations contiguës : la région située à l'ouest, qui comprend la Galicie, puis Lvov/Lemberg et Ivano-Frankivsk, a fait partie intégrante de la Pologne jusqu'en 1772, puis est passée à l'empire des Habsbourg après le premier partage de la Pologne et connaît toujours la présence d'une importante minorité ethnique polonaise. Toujours à l'ouest, la région connue sous le nom de Transcarpathie faisait partie intégrante de la Grande Hongrie depuis sa semi-indépendance au temps des Habsbourg jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. La région riveraine a été russe pendant des siècles, Odessa ayant été fondée en 1794 par l'impératrice Catherine, et à ce jour, la proportion de la population russophone dans la région est légèrement supérieure à 40 %. Les régions du Donbass, de la Crimée et, d'une manière générale, celles situées à l'est du Dniepr étaient des protectorats russes depuis leur création jusqu'à la naissance de l'Union soviétique, lorsqu'elles ont été cédées à ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'Ukraine.

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Malgré le partage de région de l'Ouest en faveur des nations susmentionnées, c'est probablement la conquête par la Russie du littoral ukrainien qui effraie le plus le président français, car elle supprimerait simultanément l'accès de Kiev à la mer et empêcherait la création de la zone connue sous le nom de "Trimarium", qui s'étend de la mer Baltique à la mer Noire, en passant par la Méditerranée orientale ; la première éventualité empêcherait l'Ukraine de faire usage du droit d'inviter des navires militaires d'autres nations, comme le prévoit la convention de Montreaux de 1936, qui réglemente également l'accès à la mer Noire par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, et l'empêcherait totalement d'accéder aux voies maritimes pour exporter sa production de blé, dont elle est l'un des plus grands producteurs mondiaux.

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Ce classement particulier est aujourd'hui dominé par l'Australie, la Russie se situant en cinquième position et, comme le montrent les chiffres ci-dessous, la somme des exportations russes et ukrainiennes dépasserait le quota français, ce qui entraînerait la possibilité d'une concurrence pour la fixation des prix des céréales, précisément en faveur des Russes.

    - Australie : 10,2 milliards de dollars (15,4 % du total des exportations mondiales de blé)

    - États-Unis : 8,52 milliards de dollars (12,9 %)

    - Canada : 7,9 milliards de dollars (12%)

    - France : 7,4 milliards de dollars (11,2 %)

    - Russie : 6,8 milliards de dollars (10,3 %)

    - Argentine : 3,1 milliards de dollars (4,7 %)

    - Ukraine : 2,7 milliards de dollars (4 %)

L'éventualité que le projet "Trimarium" ne se concrétise pas aurait également une incidence sur la possibilité de fermer l'accès maritime à la Russie, tant au nord (mer Baltique) qu'au sud (Méditerranée, via la mer Noire). Il n'est un secret pour personne que la défense de la Crimée, d'où la prompte intervention russe en 2014 suivie du référendum sur l'annexion organisé de la péninsule, est la principale préoccupation russe, compte tenu de la présence de la flotte militaire de Moscou et de la possibilité d'atteindre la Méditerranée et les côtes d'Afrique du Nord, et en particulier la Syrie où se trouve, à Tartous, la seule base navale russe en dehors de ses frontières.

Sources :

https://www.politico.eu/article/emmanuel-macron-olaf-scho...

https://www.elpais.cr/2024/03/15/scholz-macron-y-tusk-com...

https://www.reuters.com/world/europe/scholz-macron-tusk-s...

https://simplicius76.substack.com/p/sitrep-3724-macron-ra...

https://www.themoscowtimes.com/2024/01/11/putin-says-ukra...

https://www.lemonde.fr/en/france/article/2024/03/14/macro...

https://www.repubblica.it/esteri/2024/03/04/news/mappa_me...

https://it.wikipedia.org/wiki/Convenzione_di_Montreux

https://www.worldstopexports.com/wheat-exports-country/?e...

https://comedonchisciotte.org/quando-brzezinski-ordino-al...

La Russie veut des éclaircissements: qui étaient les commanditaires de l'attaque terroriste?

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La Russie veut des éclaircissements: qui étaient les commanditaires de l'attaque terroriste?

Source: https://zuerst.de/2024/03/27/russland-will-klarheit-wer-waren-die-hintermaenner-des-terroranschlags/

Moscou. Plusieurs jours après l'attaque terroriste dévastatrice à Moscou, les dirigeants russes ne sont toujours pas convaincus que la milice terroriste islamiste radicale "Etat islamique" (EI) en soit responsable. Les Etats-Unis ont fait cette déclaration deux heures après l'annonce de l'attentat.

Le porte-parole du Kremlin, M. Peskov, a déclaré lundi qu'il serait inopportun de commenter les revendications de l'EI tant que l'enquête était en cours. Dans une tribune publiée par un journal russe, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, s'est adressée directement aux États-Unis, qui semblent considérer les déclarations de l'EI comme crédibles. Elle accuse Washington d'agiter l'épouvantail de l'IS pour détourner l'attention de ses propres "protégés" à Kiev.

Le chef du Kremlin lui-même, Poutine, n'a en revanche plus voulu exclure la version de l'EI lundi. Il a déclaré lundi soir : "Nous savons que le crime a été commis par des islamistes radicaux dont l'idéologie est combattue par le monde islamique lui-même depuis des siècles". Il faut maintenant déterminer qui a ordonné l'attaque de la salle de concert près de Moscou, a-t-il ajouté. "Nous savons maintenant quelles mains ont commis ce crime contre la Russie et son peuple, nous voulons maintenant savoir qui en est le commanditaire", a déclaré Poutine. Enfin, les auteurs de l'attentat auraient tenté de s'enfuir vers l'Ukraine après l'attaque. La question se pose de savoir pourquoi il en est ainsi et qui les attendait là-bas. "Cette atrocité n'est peut-être qu'un maillon de toute une série de tentatives de la part de ceux qui sont en guerre contre notre pays depuis 2014 à cause des actions du régime néonazi de Kiev", a poursuivi M. Poutine.

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Samedi, Poutine avait également fait indirectement le lien avec l'Ukraine. Il n'a en revanche pas évoqué publiquement l'EI, bien que la milice terroriste, qui s'est notamment rendue tristement célèbre par son attaque terroriste dévastatrice contre le théâtre parisien du "Bataclan" en novembre 2015, ait rapidement revendiqué l'acte et ait entre-temps également publié des séquences vidéo qui auraient été tournées lors de l'attaque. L'Ukraine, quant à elle, rejette toute implication et insinue que Poutine tente de détourner l'attention de ses propres échecs.

En réponse aux accusations selon lesquelles les services spéciaux russes auraient échoué, le porte-parole du Kremlin, M. Peskov, a déclaré lundi : "Malheureusement, notre monde montre qu'aucune ville ni aucun pays n'est totalement immunisé contre la menace du terrorisme". Les services spéciaux travaillent sans relâche pour défendre la Russie, mais "la lutte contre le terrorisme est un processus continu qui nécessite une vaste coopération internationale. Mais vous pouvez voir qu'à l'heure actuelle, dans cette phase de confrontation extrêmement aiguë, cette coopération n'est en aucune façon pleinement mise en œuvre". (rk)

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Moscou : le massacre du Crocus Mall et les ambiguïtés de l'Occident

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Moscou : le massacre du Crocus Mall et les ambiguïtés de l'Occident

L'attentat contre Poutine. Pour une fois, certains des assaillants ont été arrêtés. Les trop nombreuses ambiguïtés américaines dans la "lutte contre le terrorisme".

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/mosca-la-strage-al-crocus

Alors que le bilan de l'attentat contre l'hôtel de ville de Crocus à Moscou s'alourdit et que l'on attend l'intervention de Poutine, quelques réflexions. Le massacre aurait dû être perpétré avant les élections présidentielles, comme le prévoyait la note de l'ambassade américaine à Moscou qui, le 7 mars, annonçait un attentat à Moscou "dans les prochaines 48 heures".

Quelque chose a mal tourné, probablement une intensification des contrôles, et la cellule terroriste s'est endormie en attendant un moment plus propice. Et hier, elle a frappé.

Il est honteux (ou peut-être pas, puisqu'il s'agit d'une dynamique habituelle ces deux dernières années) que les autorités ukrainiennes aient d'abord accusé Moscou d'être à l'origine de l'incident. La raison ? Une excuse pour intensifier les opérations de guerre en Ukraine.

Crocus : l'attaque contre Poutine

En rapportant les accusations de Kiev contre Moscou, Strana - peu après l'attaque et avant la prétendue revendication d'Isis - a commenté : "La principale question est : Poutine avait-il réellement l'intention d'annoncer une mobilisation et une éventuelle escalade, un "ultimatum nucléaire" à l'Ukraine ou à l'Occident, etc.".

"Si c'est le cas, il pourrait utiliser l'attaque terroriste pour justifier une telle action. Mais il n'y a aucune preuve que le Kremlin ait réellement planifié cela".

"Il n'y a eu que des rumeurs sur la mobilisation, qui n'ont pas encore été confirmées. De plus, même si le Kremlin veut la mener à bien, il y a des limites : les personnes mobilisées doivent être armées, entraînées, etc. Ce n'est pas un processus rapide".

Et si le Kremlin ne prévoyait pas de mesures radicales en vue d'une guerre en Ukraine, mais entendait poursuivre sa stratégie des "mille petites coupures", alors l'attaque terroriste contre Crocus sera à son désavantage, et non à son avantage".

"Si Poutine ne réagit pas très durement à l'attaque terroriste, des questions se poseront en Russie sur son leadership. S'il est contraint de réagir par des mesures non planifiées, ce sera mauvais pour lui. La stratégie échouera.

"Il y a cependant une autre option : la version officielle de l'implication de l'Ukraine sera rejetée. Et les islamistes seront tenus pour responsables de l'attaque terroriste".

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La capture des assaillants

En fait, la version d'une attaque menée par Moscou n'aurait convaincu personne, car après les élections présidentielles, Poutine est plus fort que jamais et n'a aucun intérêt à affaiblir sa position par un massacre dans son pays. D'où la piste islamiste, revendiquée par un message sur Telegram et immédiatement créditée par les États-Unis.

Ria novosti nous apprend que certains des assaillants "ont été capturés près de la frontière avec l'Ukraine, a rapporté le comité d'enquête". Et certains d'entre eux, ou tous (on ne le sait pas encore), ont été capturés vivants. Ce qui est inhabituel pour les attaquants d'Isis, qui ne s'enfuient pas et s'immolent généralement eux-mêmes.

Dans la note d'hier, consacrée aux opérations ukrainiennes en Russie et publiée peu après 15 heures, nous écrivions que les attaques ukrainiennes par infiltration en territoire russe, après une première flambée, "se sont essoufflées pour reprendre avant les élections russes, dans le but d'attiser les craintes qu'elles ne se répercutent dans les urnes (bizarre, mais c'est une méthodologie propre au terrorisme)".

Nous n'accusons pas les Ukrainiens, nous n'avons pas d'éléments et nous pensons que, seuls, ils auraient difficilement pu mener des actions similaires. Nous ne faisons qu'assembler des éléments.

Les trop nombreuses ambiguïtés américaines dans la lutte contre le terrorisme

Concrètement, nous ne pouvons que réitérer ce que nous avons écrit dans tant d'autres notes par le passé, à savoir que l'ambiguïté avec laquelle les États-Unis ont abordé la lutte contre la terreur ne contribue pas à éliminer ce fléau.

En fait, Isis a combattu un antagoniste existentiel des États-Unis, l'Iran. En janvier 2020, le New York Times a noté la jubilation avec laquelle Isis avait accueilli la nouvelle de l'assassinat par Washington du général Qassem Soleimani, car le chef des gardiens de la révolution était leur pire ennemi et le plus efficace.

Le mouvement à l'origine d'Isis, al Qaeda (dont al Baghdadi s'est séparé pour fonder la nouvelle Agence de la Terreur) a en effet été utilisé comme armée de terre dans l'intervention de l'OTAN contre Kadhafi (National Interest).

Dans la guerre du Yémen, l'Associated Press a dénoncé les relations indues entre l'alliance anti-Houti, coordonnée par les Etats-Unis, et Al-Qaïda. Enfin, et nous pourrions continuer ainsi, en Syrie, Isis et Al-Qaïda ont mené leur guerre contre Assad en convergence parallèle avec les opérations militaires de changement de régime alimentées par l'Occident.

À tel point que l'actuel conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, qui a effectué il y a deux jours une visite surprise à Kiev, a écrit dans un câble à Hillary Clinton, alors sa patronne au poste de secrétaire d'État : "AQ est de notre côté en Syrie", où AQ est al-Qaïda (l'un des nombreux câbles rendus publics par Assange, qui croupit en prison pour cela).

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Toutes ces ambiguïtés, répétons-le, ne contribuent pas à la lutte contre la terreur globale, qui a frappé hier Moscou et s'apprête peut-être à frapper l'Europe. Elles ne contribuent pas non plus à détendre les relations entre les grandes puissances.

Nous attendons l'intervention de Poutine, qui doit rassurer la nation et annoncer une réponse dont nous ne verrons probablement que la partie émergée de l'iceberg. A moins qu'il n'annonce une accélération sur le front ukrainien, cause d'instabilité permanente. Nous verrons bien.

Les bombardements et l'opération Rafah

Enfin, un clin d'œil. L'attentat a eu lieu le jour même où la motion américaine a été votée à l'ONU sur Gaza (en accord avec Israël, comme l'a noté Trita Parsi dans Responsible Statecraft).

Une résolution qui avait déjà échoué avant même d'être soumise au vote et qui n'a servi qu'à faire porter à la Chine et à la Russie, qui y ont opposé leur veto, la responsabilité de l'échec à freiner Israël et à étouffer les protestations au sein des États-Unis contre l'administration Biden pour son alignement sur Tel-Aviv.

Bref, un écran de fumée pour éviter l'inévitable retour de bâton de la campagne israélienne imminente contre la redoute de Rafah. Si l'attaque d'hier est suivie d'autres, comme c'est possible, ou si la guerre en Ukraine s'intensifie, le massacre de Gaza disparaîtra de l'horizon médiatique. Il ne contribue en rien à enrayer l'horreur naissante dans la bande de Gaza.

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Les racines occultes du bolchevisme

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Les racines occultes du bolchevisme

par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2024/03/10/bolsjevismens-ockulta-rotter/

La plupart des gens auront entendu parler de diverses interprétations des "racines occultes du nazisme", de l'imaginatif Spear of Destiny de Trevor Ravenscroft au plus académique Occult Roots of Nazism de Nicholas Goodrick-Clarke. La fascination de la culture populaire pour le sujet suggère également que l'inconscient collectif aime associer les nazis, les Allemands et les SS à l'occultisme et à la magie. Nous n'avons ni l'espace ni la capacité de développer ici dans quelle mesure cela est lié à de multiples niveaux de projection, à une incapacité à expliquer rationnellement certains phénomènes historiques, à des stéréotypes inversés d'Allemands magiques, ou à d'autres facteurs. Néanmoins, le sujet est à la fois intéressant et fructueux, non seulement les racines occultes du national-socialisme méritent d'être explorées plus avant, même si elles sont souvent réservées à des traditions politiques et idéologiques marginales ou diabolisées. Les racines occultes bien réelles du libéralisme dans diverses sociétés secrètes, par exemple, sont un domaine où l'on est vite catalogué comme conspirationniste si l'on s'y intéresse.

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Une tradition politique souvent considérée comme rationnelle, à la limite de l'absence d'émotions, est le bolchevisme, souvent associé par les siens à un socialisme scientifique plutôt qu'utopique. En même temps, on sait relativement peu de choses en Occident sur les racines du bolchevisme, à l'exception peut-être des théories de quelques Allemands à barbe vénérable. Comme pour le national-socialisme et le libéralisme, ces racines sont multiples, et les racines occultes ne sont pas les seules ni même les plus fortes, mais le bolchevisme a également un certain nombre de racines occultes intéressantes. Ces racines sont examinées en détail par Stephen E. Flowers dans The Occult Roots of Bolshevism, sous-titré From Cosmist Philosophy to Magical Marxism. Flowers est une connaissance précieuse ; en tant que runologue, magicien des runes et païen, il devrait déjà être connu des lecteurs les plus dévoués de notre site Motpol. C'est un auteur prolifique ; son point de vue et ses connaissances le rendent particulièrement apte à écrire sur le sujet des racines occultes. Flowers note d'emblée que son objectif est de fournir un compte rendu factuel du sujet, ce qui en fait une bonne lecture pour les communistes également.

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Le bolchevisme russe avait trois racines principales: outre le marxisme, il y avait le nativisme russe et le cosmisme russe. En ce qui concerne le nativisme, les bolcheviks ont joué pendant un certain temps avec l'idée d'utiliser le folklore slave, le rodnovery, à leurs fins. Flowers décrit brièvement un certain nombre d'éléments occultes chez Marx, notamment sa "sympathie pour le diable" dans sa jeunesse, l'influence de l'hermétisme à travers Hegel et l'élément du "matérialisme mystique". Ce dernier est aujourd'hui tellement normalisé qu'il nous échappe facilement, mais l'idée que l'histoire est guidée par des forces matérielles cachées/occultes dans une certaine direction est, à bien des égards, une innovation à la fois radicale et mystique. En tentant d'identifier le cœur de la "magie rouge", Flowers note qu'elle peut être résumée par les mots "Pouvoir- Temps - Pouvoir+". Le groupe qui manque initialement de pouvoir, comme le prolétariat, gagne du pouvoir avec le temps. Il s'agit d'une "incantation sorcière" plutôt que d'une prophétie. Elle dissimule également les dirigeants et les magiciens des mots qui dirigent le processus et en tirent profit.

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Relativement peu connu en Occident, mais tout aussi influent sur le bolchevisme que les ariosophes sur le national-socialisme, est le cosmisme. Il s'agit d'une tradition d'idées décentralisée dans laquelle Nikolaï Fedorov, entre autres, a joué un rôle important. Le cosmisme a pris forme à peu près en même temps que le marxisme. Il était futuriste et visait une "évolution active", identifiant la mortalité humaine comme la racine de la plupart des maux du monde. La mission commune de l'humanité est donc de combattre et de vaincre la mort, par la médecine, la recherche, le contrôle de la nature et la colonisation d'autres planètes. Les cosmistes s'intéressaient à tout, du clonage aux transfusions sanguines en passant par les voyages dans l'espace, la biosphère et la noosphère. Une grande partie de ces éléments semble être pertinente même à notre époque : la noosphère rappelle l'internet et l'IA ; la recherche visant à arrêter le vieillissement est également une forme de cosmisme. En même temps, il était parfaitement possible d'être à la fois cosmiste et orthodoxe ; Fedorov a rompu avec son ami Tolstoï, par exemple, lorsque ce dernier a critiqué l'État et l'Église. Mais l'influence du cosmisme anthropocentrique et cosmocentrique sur le bolchevisme a été significative.

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Flowers décrit également l'"âge d'argent" russe, vers 1890-1914, lorsque les décadents et les symbolistes occupaient une place prépondérante dans l'avant-garde artistique et culturelle. Parmi eux figurent des magiciens noirs et des bolcheviks comme Brioussov, des musiciens influencés par la théosophie comme Scriabine, des mystiques comme Soloviev et des artistes comme le couple Roehrich, ainsi que le bolchevik et éminent spécialiste des fusées Tsiolkovski, qui était clairement influencé par le cosmisme. De nombreux bolcheviks évoluaient dans ou autour de ces cercles. Pendant son exil en Suisse, Lénine fait la connaissance d'ésotéristes, dont l'ariosophe Lanz von Liebenfels, et cultive un personnage qui lui vaut d'être qualifié d'Antéchrist par ses amis et ses ennemis.

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Son secrétaire, Bonch-Bruevich, ne s'intéressait pas seulement aux sectes religieuses russes persécutées, mais croyait aussi qu'elles avaient un potentiel révolutionnaire, interviewant Raspoutine et vivant pendant un certain temps avec les Doukhobors. Alexandre Bogdanov, qui fut un temps le rival de Lénine à la tête des bolcheviks, a contribué à développer Proletkult, un projet visant à créer une nouvelle culture prolétarienne. Le projet est influencé par le cosmisme ; Bogdanov écrit également des ouvrages de science-fiction, comme L'Étoile rouge en 1908. Son beau-frère, Lunacharsky, est à la fois franc-maçon et marxiste ; son domaine d'intérêt est la "construction de dieux". L'athéisme ne suffit pas, une société socialiste a besoin d'un dieu socialiste, de rites et de prières socialistes. Fait intéressant, et suspect aux yeux des bolcheviks plus orthodoxes, il identifiait les éléments religieux ou mystiques de Marx comme l'inévitabilité de la révolution. Toutefois, il n'a pas tourné ces idées contre le marxisme, mais les a utilisées dans le projet de construction d'une nouvelle "religion". Flowers montre comment cette approche a influencé la politique soviétique à plusieurs reprises.

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L'ancien bolchevik Gleb Boky (photo) est également intéressant dans ce contexte. Il était à la fois un tchékiste brutal, peut-être l'architecte du système du goulag, et s'intéressait à la recherche parapsychologique. Il a notamment participé à des expériences sur les techniques bouddhistes dans les laboratoires secrets du NKVD et a planifié un voyage en Asie centrale pour trouver Shambala. La tentative de Boky de combiner le tantrisme du Kalachakra et le marxisme-léninisme a pris fin brutalement en 1937 lorsque Staline l'a fait fusiller. Dans ce contexte, Staline n'est pas totalement atypique. Il critiquait le cosmisme, mais il était superstitieux, avait une sorcière personnelle et avait probablement connu Gurdjieff dans sa jeunesse. Flowers souligne également son obsession pour le langage et les mots, une sorte de magie des mots.

Les sections consacrées à l'Union soviétique post-stalinienne et à la Russie post-soviétique sont courtes mais concises. La renaissance rapide de la foi orthodoxe, de la rodnovery et du cosmisme s'explique en partie par le fait que de nombreux membres du parti y étaient également attachés à l'époque soviétique. Nous apprenons que Poutine a inscrit plusieurs cosmistes sur les listes de lecture des gouverneurs locaux, ainsi qu'une brève présentation d'Alexandre Douguine. Même Askr Svarte, connu des amis d'Arktos, fait une brève apparition.

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Dans l'ensemble, il s'agit d'une étude passionnante et précieuse du bolchevisme, dans laquelle Flowers parvient à "décoder son "ADN" culturel et idéologique profondément ancré". Cette étude est d'autant plus pertinente que la "magie rouge" développée par les bolcheviks par le biais du symbolisme, de la magie des mots et de la formule "Pouvoir- Temps - Pouvoir+" imprègne aujourd'hui des pans entiers de l'Occident. Flowers écrit que "les modes opératoires utilisés par les bolcheviks se sont infiltrés dans tous les aspects de la culture", d'abord parce que le NSDAP a copié en partie les méthodes du mouvement auquel il constituait à bien des égards une contre-réaction. Aujourd'hui, cependant, la vision du monde et les méthodes sont devenues normalisées dans la plupart des institutions occidentales, bien que Flowers note que "Power- Time - Power+" et la magie rouge sont désormais appliquées aux minorités ethniques, religieuses et sexuelles plutôt qu'à la classe ouvrière. Le seul inconvénient de ce livre est qu'il est court (128 pages). Des sujets fascinants, tels que les tendances contemporaines au "marxisme magique", ne peuvent donc être que résumés ou même évoqués. Toutefois, les informations qu'il contient, ainsi que l'analyse et la perspective de Flowers, en font un ouvrage qui vaut la peine d'être lu.

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mardi, 26 mars 2024

Attaque terroriste à Moscou

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Attaque terroriste à Moscou

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/03/25/moskovan-terrori-isku/

À Krasnogorsk, à l'extérieur du périphérique de Moscou, le plus grand centre d'exposition et de spectacle de Russie, Crocus City Hall, est entré dans les livres d'histoire vendredi dernier en tant que scène d'un attentat terroriste sanglant.

Le golem créé par le Mossad, la CIA et le MI6, soit la branche Isis-K de l'organisation terroriste islamiste, a revendiqué l'attentat, bien qu'il ne s'agisse pas cette fois d'un attentat-suicide classique. Cette explication n'a pas été retenue en Russie: le doigt accusateur de Poutine est plutôt pointé en direction de l'Ukraine.

L'architecte du conflit ukrainien, la vice-secrétaire d'État américaine Victoria Nuland, avait déjà promis à Poutine des "surprises désagréables" au début de l'année. Il n'est donc pas exclu que les services de renseignement militaire ukrainiens dirigés par Kyrylo Boudanov aient pu mettre en œuvre le plan "kaganiste" avec l'appui de mercenaires tadjiks.

Nuland et ses associés sont-ils allés trop loin, puisqu'elle a brusquement quitté son poste après sa visite à Kiev ? Le 7 mars, l'ambassade des États-Unis a conseillé à ses ressortissants d'éviter les événements publics en Russie. Le même jour, l'un des auteurs de l'attentat terroriste s'est également rendu à l'hôtel de ville de Crocus pour procéder à un état des lieux.

L'attaque terroriste à Moscou ne facilite certainement pas l'objectif de l'Occident de laisser l'Ukraine comme tête de pont anti-russe au bénéfice de l'Occident après l'opération militaire. Au contraire, il est possible que l'emprise de la Russie ne fasse que se resserrer et que le conflit connaisse une conclusion brutale.

La Grande-Bretagne a déjà mis en garde Poutine contre une escalade de la guerre en Ukraine en invoquant l'attaque terroriste. Pourquoi le président, qui a renouvelé son mandat, aurait-il besoin d'invoquer quoi que ce soit alors qu'une opération militaire qui dure depuis plus de deux ans est de toute façon en cours ? L'Ukraine a également mené des attaques contre la ville de Sébastopol en Crimée.

Après l'explosion des gazoducs Nord Stream, une tentative absurde a été faite pour faire de la Russie un suspect dans le sabotage de ses propres gazoducs. L'Occident affirme désormais que l'attentat terroriste de vendredi était une opération "faux drapeau" ("false flag") organisée par Poutine lui-même.

Comme dans le cas de Nord Stream, l'Occident finira-t-il par imputer la tuerie de Moscou aux radicaux ukrainiens ? Cela priverait Zelensky de toute sympathie, et le public occidental en a déjà assez de ce spectacle.

Officiellement, les États-Unis affirment avoir reçu des renseignements concernant précisément l'attentat islamiste anti-russe. Bien entendu, Washington n'assume pas la responsabilité de l'acte terroriste et n'a pas l'intention de poursuivre Nuland, de sorte que les djihadistes de l'Isis-K (des extrémistes utiles dans la guerre hybride de l'Occident) continueront probablement à être à l'ordre du jour.

Peut-être d'autres attentats seront-ils perpétrés ailleurs pour brouiller davantage les pistes ? Récemment, les autorités allemandes ont arrêté deux djihadistes afghans soupçonnés de préparer une attaque terroriste contre le parlement suédois. La menace terroriste fait l'affaire des pouvoirs en place dans les différents pays, car elle leur permet de durcir leurs politiques.

Alexandre Douguine: Moscou en première ligne !

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Moscou en première ligne !

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/moskva-prifrontovaya

Moscou est désormais, elle aussi, une ville de front, tout comme Donetsk, Sébastopol et Belgorod. Un pays en guerre ne peut pas avoir de villes pacifiques. Il vaut mieux s'en rendre compte maintenant et profondément. Et bien sûr, des mesures spéciales de comportement, des règles spéciales doivent être introduites dans un pays en guerre.

Le territoire du front intérieur n'est pas le territoire de la paix. C'est là que se forge la victoire. Les victimes du centre Crocus sont tombées sur le champ de bataille. Car la Russie d'aujourd'hui est un champ de bataille.

L'Ukraine est aussi la Russie, c'est la même Russie, en continuité territoriale, de Lvov à Vladivostok, et elle est en guerre.

La conscience publique doit devenir la conscience d'une nation en guerre. Et quiconque s'en écarte doit être considéré comme une anomalie.

Il doit y avoir un nouveau code de conduite. Les citoyens d'une nation en guerre peuvent ne pas revenir lorsqu'ils quittent leur pays. Tout le monde doit s'y préparer. Après tout, sur la ligne de front, à Donetsk et à Belgorod, c'est exactement le cas. L'UE est susceptible de fournir des missiles à longue portée au régime de Kiev, qui a perdu la guerre et qui, à nos yeux, perdra définitivement sa légitimité dans moins de deux mois. Nous le reconnaîtrons enfin comme une entité terroriste criminelle, et non comme un pays. Et ce régime ouvertement terroriste, lorsqu'il tombera, est également susceptible de frapper aussi loin qu'il le peut.  Il est difficile de spéculer sur ce qu'il fera d'autre - il vaut mieux ne rien supposer. Il ne s'agit pas d'un motif de panique, mais d'un appel à la responsabilité.

Nous sommes en train de devenir un véritable peuple, nous commençons à nous rendre compte que nous sommes un peuple.

Et ce peuple vient d'acquérir une douleur commune. Un sang commun - le sang donné par d'immenses files de Moscovites indifférents aux victimes du monstrueux attentat terroriste. Une douleur commune. Les gens ont un tarif commun lorsque des personnes emmènent gratuitement les victimes de l'hôtel de ville de Crocus à l'hôpital ou à leur domicile. C'est comme au front - le leur. Quel argent ! Il ne peut y avoir de capitalisme dans un pays en guerre, seulement de la solidarité. Tout ce qui est collecté pour le front, pour la Victoire, est imprégné d'âme.

Et l'État n'est plus un mécanisme, mais un organisme. L'État ressent lui aussi la douleur, prie à l'église, organise des cérémonies commémoratives, dépose des cierges. L'État devient vivant, populaire, russe. Parce que l'État est réveillé par la guerre.

Et les migrants d'aujourd'hui sont appelés à devenir une partie organique de la nation en guerre contre l'ennemi. À devenir leur propre peuple - ceux qui donnent leur sang, qui conduisent gratuitement quand c'est nécessaire, qui font la queue au bureau d'enrôlement militaire pour être les premiers à partir au front, qui tissent des filets de camouflage, qui partent en troisième équipe. S'ils font partie de la société, ils peuvent eux aussi, un jour ou l'autre, devenir la cible de l'ennemi. Sortez et ne revenez pas. L'un des garçons qui a sauvé des gens à Crocus Hall s'appelle Islam. Mais il s'agit du véritable islam, le russe. Il existe certes un autre islam.

Quand on vit en Russie, on ne peut pas ne pas être russe. Surtout quand la Russie est en guerre. La Russie est un pays pour ceux qui la considèrent comme leur mère.

Et aujourd'hui, notre mère souffre.

Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"

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Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"

par Luca Leonello Rimbotti

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-uomo-rinasce-dal-sacro

En réalité, le lien entre l'archaïque et le postmoderne serait toujours possible, à condition qu'il y ait une décision politique adéquate. Selon Scaligero, l'actualité n'est que le dernier exutoire du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste.

La vertu de la pensée serait de créer l'action. La question est de savoir s'il n'est pas possible d'établir un lien entre la sphère intérieure, d'où naît la volonté, et la décision, d'où naît l'action. Habituellement, dans l'histoire, c'est dans les moments d'effondrement civil, de décadence politique et culturelle, que l'homme se tourne vers son âme, l'interrogeant sur le sens de l'existence, exigeant des réponses absolues et recherchant la possibilité d'activer des solidarités protectrices. Lorsqu'une société est triomphante, noyée dans le bien-être, les mystiques et les prophètes ne se manifestent guère. La science du quotidien, qui répond à toutes les questions, suffit. La contrefaçon de l'esprit, la superficialité, comme l'a fait le New Age dans le monde occidental, suffisent. L'esprit d'un peuple, mais aussi celui de l'individu, plane lorsque les inquiétudes sont éveillées et que les questions sont posées. La véritable antithèse créative au matérialisme séculaire est le soin de l'âme, la construction d'un esprit artistique.

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Les sciences de l'esprit, en ce sens, ont toujours constitué une contre-culture visant à reconstruire l'histoire comme une apparition du sacré. Surtout dans la modernité, cette convergence a souvent pris des significations de résistance caractérielle et culturelle, capable de tailler des lignes de roc sur lesquelles construire l'appareil d'une volonté antagoniste. L'Europe du vingtième siècle a connu des personnages qui, de Schuré à Guénon, de Meyrink à Steiner et au-delà, ont contribué, du côté ésotérique, pour ainsi dire, à ériger une barrière - quelle que soit la manière dont on la juge - sur laquelle certaines dérives de la modernité se sont parfois brisées, laissant non seulement des témoignages, mais des arguments, des gestes mentaux, des attitudes et des exemples qui, à chaque époque, constituent le précieux héritage de la "race indomptable".

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Un personnage comme Massimo Scaligero, aujourd'hui réduit à n'être plus qu'une divinité secondaire et relevant presque du sectaire, lui comme tant d'autres présents sur la dangereuse crête des "nouvelles spiritualités" rongées par le vice américain, dans ce compartiment ambigu qu'est la pensée ésotérique, nous le prenons comme exemple de ce que pourrait représenter la condition dans laquelle se trouve l'homme qui entend s'opposer à l'expansion de la Cosmopolis matérialiste. On pourrait dire qu'il s'agit d'individualités, d'individus, d'avant-gardes, mais potentiellement l'événement de la révolte intérieure investit les masses, implique toute la société chancelante. En effet, la révolution de l'esprit créateur, nécessaire à la fois pour supporter le poids de la dégradation quotidienne et pour penser à l'abattre, est le premier tour d'une roue confucéenne capable de faire bouger l'histoire et même de la renverser.

La recherche d'une vérité absolue se tourne vers l'Orient. C'est un classique de la modernité européenne. Depuis Schopenhauer, cet "ex Oriente lux" a régné pendant plus d'une saison. Et c'est précisément l'"homme de lumière", sur la piste persane de la gnose éclairante, c'est précisément cette entité transfigurée qui est le mirage qui maintient la volonté créatrice en éveil. Scaligero en a ravivé le sens à une époque de grands bouleversements, celle de l'immédiat après-guerre. C'est alors que se rejoignent la demande de salut, l'évasion du monde de l'envie, l'entrée dans une dimension d'altérité et de libération du besoin. La vertu "consolatrice" de la philosophie, appliquée à la catastrophe historique, engendre la mystique, on le sait. Et la mystique de la lumière, c'est la pensée de Scaligero.

Il s'agit d'une tentative - l'une des nombreuses, au 20ème siècle, mais l'une des rares, en Italie - d'endiguer la vague moderniste et de greffer sur le progrès matériel quelques-unes des branches les plus touffues de la tradition. Mais la pensée est-elle capable d'enrayer l'effondrement de la civilisation dans l'inculture ? Le repli sur les plis de l'esprit peut-il construire une vérité encore nouvelle ?

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Tout tourne autour du concept d'édification. La pensée puisée dans les profondeurs de la transcendance peut construire, éduquer, former. Sur ce point, la procédure de concentration intérieure quitte la phase solipsiste individuelle et devient - peut devenir - une affaire communautaire, de repousse de nouvelles techniques d'apprentissage formatif. La solitude du sage, à partir de Zarathoustra, devient le cadre de valeurs d'un peuple. Toute pensée qui creuse l'énergie en elle-même, toute religion ou religiosité, à condition d'être mise en contact avec le feu de l'action, peut devenir et devient une révolution.  Cela signifie donc que le retour aux soins de l'âme n'est pas une fuite dans l'irréalité, dans l'intimité ou dans le secret des arcanes, s'il est effectué avec la compréhension de la véritable metànoia, la soif de changement qui grandit chaque fois qu'un homme lit dans les yeux d'un de ses semblables ses propres rêves.

L'Orient repensé par Maximus Scaligerus devait être un remède pour l'Occident perturbé par la démocratie libérale et jeté à corps perdu dans les mâchoires d'un matérialisme séculaire brutal. L'obsession progressiste a besoin d'un apaisement, et c'est ce pouvoir que l'essai met en évidence dans les processus de renaissance de l'ego. Comment échapper à l'emprise du temps progressif, qui enferme les individus et les masses dans l'angoisse de l'égarement, au contact de la violence nihiliste ? Comment ne pas ressentir dans son cerveau et dans sa chair la violence du monde à notre égard ? Cette civilisation de l'anéantissement n'a qu'un seul adversaire : nous-mêmes et notre force. Scaligero s'est formé à travers Nietzsche, Stirner et Steiner : cela nous dit déjà tout. L'homme brise sa chaîne schizophrénique en brisant le sortilège progressiste qui l'a forgée. L'homme est puissance, force, lutte. Il a en lui les outils de la libération. Ici, donc, la pensée peut devenir et devient un exercice, c'est-à-dire une ascèse, d'opposition. Chacun peut boire à la fontaine qui lui plaît. Scaligero, comme beaucoup d'autres avant lui, dans le long après-guerre, a désigné l'Orient traditionnel comme un réservoir de conscience et d'édification intérieure encore suffisamment limpide, puis l'a fusionné avec des apports christiques, avec des intuitions néo-païennes, avec des foudres hermétiques. Même si cet Orient s'est entre-temps contracté davantage, du fait de la désastreuse occidentalisation planétaire, avec sa cour du profit, son règne de l'argent, son oubli du savoir, sa domination techno-scientiste, malgré l'ensemble grandiose qui massacre les héritages et s'appelle puissance mondiale, malgré cela et le recul d'époque de la pensée mythique et transcendante, tout cela ne suffit pas encore à déclarer l'inanité de la persévérance.

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La civilisation issue de la dialectique socratique et du scientisme cartésien a été elle-même détruite et engloutie par la tempête ruineuse qu'est l'irruption mondiale du pouvoir économique sur les substrats cognitifs de l'homme et ses paramètres existentiels habituels. Face à cet assaut, l'homme conscient a besoin d'armes pour faire face. La "vitalité transcendante" et la "chaleur des instincts" étaient, selon Scaligero, des moments de cette "puissance d'amour" qui, comme une nouvelle gnose, devait enlever la lourdeur du présent. Et voici le devenir de la lumière, l'avènement d'une puissance solaire qui se concrétise dans le détachement de la ruine et dans la gymnastique/ascèse de la contemplation du symbole : quelque chose qui bouge et qui dérive, comme toute notre vie, de la "mémoire sensible", cette sorte d'atavisme communautaire inné que chaque individu peut déterrer de lui-même, comme avec une hachette [1].

Dans ces propositions, nous ne trouvons pas d'impuissance passéiste. Nous y trouvons au contraire la détermination sereine de déterrer les trésors de la conscience de soi. Le retour à la source aujourd'hui n'est pas une lubie d'intellectuel désorganisé, ni une complainte impuissante de mélancolique : celui qui voit, touche et savoure la source accomplit un miracle communautaire, il irradie autour de lui la puissance du sacré. "Une montée des temps, à contre-courant", si je ne me trompe, disait Evola. Savoir unir les choses du monde à celles de l'idée hyperboréenne déclenche la puissance de cette révolution expansive: le ciel et la terre. Se pencher sur les dangers de la transcendance, décider d'activer l'ascétisme, ce sont des voies du monde, pas des échappatoires au monde. La formation d'une espèce humaine ancienne et rénovatrice est mise en gestation, l'avènement d'un type est invoqué, auquel est réservée la tâche de détruire la société de l'usure pour donner naissance à la société de la valeur. Penser la transcendance et vivre la vie. Deux symboles en mouvement. Ce que Scaligero, à un certain moment, encore jeune, de sa maturation intellectuelle, avait aussi esquissé en termes de pouvoir politique organique, qui, historiquement, unit les sphères privées et cosmiques :

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La race qui vénère les forces du ciel conçoit un rapport symbolique entre le feu du foyer, l'atmosphère et le feu solaire, de sorte que, par la flamme, les offrandes sont brûlées et absorbées par l'éther, la grande divinité céleste ; la race qui vénère les forces terrestres communique avec ses divinités en apportant des offrandes dans les cavernes et en les plongeant dans l'abîme. Dans l'unité olympienne-terrestre, d'origine hyperboréenne, renouvelée par Rome, un motif symbolique dominant est le "feu qui réchauffe la terre", la flamme qui brûle à l'intérieur du temple de Vesta : ici se manifeste la rencontre des deux symboles et des deux spiritualités qui sont les fondements métaphysiques de l'Empire [2].

L'union du tellurique et de l'uranique est la garantie qu'il n'y a pas de dissociation entre le sacré et le profane.

S'agit-il d'une conception de l'existence trop éloignée du quotidien banal de la société de l'anarcho-libéralisme mondialiste ? En apparence seulement, et seulement pour ceux qui ont perdu toute capacité à croire en la possibilité de renverser le néant massifié.

En réalité, le lien entre archaïque et postmoderne serait toujours possible, dès lors qu'il y a une décision politique adéquate. Il n'existe rien d'inéluctable, sauf la résignation. Les cultes anciens, par exemple, pourraient encore aujourd'hui, et même demain, réapparaître comme des moments crédibles de réciprocité sociale, à nouveau viables. La tradition sacerdotale et la tradition héroïque, en ce sens, selon le langage des sciences de l'esprit, peuvent très bien coexister avec la technoscience de masse et la "mégamachine" productiviste.

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Selon Scaligero, comme selon les grandes voies de l'Orient et de l'Occident métaphysique, l'actualité n'est que le dernier débouché du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste. L'argument nous mènerait loin, mais l'histoire a montré à maintes reprises que le primordial revit dans l'actualité, pour peu qu'il y ait une volonté - non seulement culturelle, mais précisément politique - qui l'évoque. Le monde du Logos et du Mythos se voit barrer la route si la transcendance se réfugie dans les plis de l'intimité individuelle ; il voit l'horizon s'ouvrir si, au contraire, le sacré se répand dans le monde comme obéissance à la vie. "La mémoire du Logos est le principe de la régénération de l'homme", écrit Scaligero. "Chaque fois que l'Esprit rencontre l'âme pour l'expression de la pensée, le Logos resplendit, mais imperceptiblement". Pour inverser la tendance et pour que l'ouverture à la transcendance soit perçue même au milieu du vacarme moderniste, il faut que surgisse une pensée qui unisse l'idée et l'expérience, le monde et le surmonde :

Dans les temps nouveaux, le chemin vers le don de la Vie passe par la pensée : elle seule peut réveiller la vie perdue du sentiment. Aujourd'hui, la possibilité directe de l'Esprit est la pensée. [...] Cette pensée veut se relever de sa mort, veut revenir à la vie, à la Lumière de la Vie : elle veut se relever en tant que mélodie, parce que la mélodie cosmique est la force à partir de laquelle elle se meut réellement [3].

Il ne s'agit pas de promenades gratuites dans les prairies de l'illusion ou de digression ésotérique rêveuse, mais du produit d'un effort empirique, physique, sans lequel il n'est pas possible d'attaquer le monde dans lequel nous vivons, si imposant, si monolithique, pas même du côté de l'utopie. Il s'agit en effet de donner la parole à cette race particulière d'hommes qui, dans l'histoire du monde de toutes les époques, a toujours constitué le moteur immobile du changement et de l'événement : ceux qui, par l'éducation, l'édification personnelle, la sanctification providentielle ou autre, gardent toujours en eux, à chaque moment, même le plus désespéré en apparence, le "courage de l'impossible" [4].

Notes:

[1] Cf. Scaligero, L'immaginazione creatrice [1964], introd. par Pio Filippani Ronconi, F.lli Melita Editori, Rome 1989, p. 27, où, se référant à la substance de lumière de l'être éthérique, Scaligero affirme que dans l'homme sont produites des images qui "se traduisent en lui immédiatement en sensations et en pensées conformes à la mémoire sensible : qui est la mémoire de la race et du sang".

[2] Scaligero, La razza di Roma, éd. Mantero, Tivoli 1938, p. 49.

[3] Scaligero, Isis-Sophia, la dea ignota, Edizioni Mediterranee, Rome 1980, pp. 62-63.

[4] Cf. Aa. Vv, Massimo Scaligero, Il coraggio dell'impossibile, Tilopa, Teramo 1982.

Les filles de plus en plus à gauche et de plus en plus éloignées des garçons

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Les filles de plus en plus à gauche et de plus en plus éloignées des garçons

Augusto Grandi

Sources: https://electomagazine.it/ragazze-sempre-piu-a-sinistra-e-sempre-piu-lontane-dai-ragazzi/

Hommes conservateurs et femmes progressistes. Les recherches toujours en cours sur le comportement des nouvelles générations montrent une différence de plus en plus marquée entre les positions politiques des deux sexes canoniques (les choix idéologiques des minorités lgbtqia++ n'apparaissent pas dans les statistiques). Et ce, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe, en Asie et en Afrique du Nord. Avec des différences allant jusqu'à 30 points de pourcentage. Par ailleurs, l'augmentation de l'écart entre les sexes coïncide également avec la baisse du taux de natalité.

Post hoc et non pas propter hoc. Mais en réalité, le lien semble exister. En effet, les mondes masculin et féminin semblent se rencontrer de moins en moins et de plus en plus tard. Et pas seulement pour des raisons d'alignement politique. Et en se rencontrant de moins en moins, il devient plus difficile de se comprendre, de s'aimer, de créer les conditions d'une vie commune, peut-être avec des enfants.

Selon le New York Times, "la génération Z est à bien des égards le produit des tendances parentales de la génération X, qui a remplacé l'extraordinaire liberté de notre éducation d'antant par une enfance mise en scène qui inhibe le jeu libre, décourage la résolution autonome des conflits et canalise une grande partie de l'enfance dans une série d'activités micro-gérées qui aident à constituer des dossiers de candidature brillants pour l'université, mais privent les enfants d'une grande partie de la joie spontanée et de la convivialité de la jeunesse".

Pour banaliser, on pourrait dire que l'obsession des parents occupés à organiser chaque moment libre de leurs enfants, transportés de l'école au cours de danse ou à l'entraînement de volley-ball, sans interruption, a conduit à la fin de toute possibilité de rencontre et de confrontation. Paradoxalement, les rencontres étaient plus faciles lorsque les classes étaient divisées entre garçons et filles. Sans parler, bien sûr, de l'âge d'or des "immenses entreprises" dont parle la chanson Les années 883.

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Aujourd'hui, c'est la liberté qui a disparu, remplacée par des activités trépidantes et ghettoïsantes. On n'a plus le temps de sortir avec les copains et les copines, de chanter ensemble, de passer la nuit à discuter de tout et de rien, de se disputer et de se réconcilier, mais seulement d'échanger quatre mots pressés avec ses coéquipiers dans les vestiaires.

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En l'absence de confrontation, il est inévitable que les deux mondes s'éloignent l'un de l'autre. Mais les institutions peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Il manque le ciment, la soudure d'une contestation générationnelle. D'autre part, même la grande illusion de 77, des Indiens métropolitains, de la révolte alternative à celle des BR (= Brigades rouges) ou des Potop, s'est éteinte à Bologne quand les collectifs féministes, au lieu de se consacrer à la conquête de la ville, ont cru bon de se consacrer au procès contre les mâles gauchistes qui ne savaient pas faire l'amour de manière satisfaisante. Car, de toute évidence, la révolution la plus importante était celle qui se déroulait entre les draps.

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dimanche, 24 mars 2024

L'arrogance nous conduit à l'abîme

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L'arrogance nous conduit à l'abîme

par Claudio Risé

Source : Claudio Risé & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-arroganza-ci-porta-verso-l-abisso

Rares sont les personnes qui, qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale et qui en gardant un certain souvenir, acceptent d'en risquer une autre. Aussi résilientes soient-elles, elles sont bien sûr minoritaires: en Italie, le fameux "trop de grands-parents par enfant" a été comptabilisé dans les statistiques il y a quelques années. Les politiciens ne s'en préoccupent donc pas du tout, et leur désaccord ne semble pas être un problème pour le pouvoir.

Leur expérience face aux proclamations courageuses du "armez-vous et partez" peut toutefois présenter un certain intérêt, notamment parce qu'ils ont vu et vécu la guerre mondiale, même s'ils étaient enfants. L'impression qui domine toutes les autres est celle de l'incrédulité: comment est-il possible aujourd'hui, avec l'arme atomique sur le terrain (fabriquée précisément pour écarter les grands conflits, comme en témoigne Raymond Aron dans son ouvrage sur la guerre), de songer à risquer une nouvelle guerre mondiale ? Pour les très vieux, franchement, c'est ce qui compte.

L'éventualité proche d'une guerre mondiale atomique est une perspective tellement folle et impie (elle détruit la création) qu'il devient totalement indifférent de savoir qui a tort ou raison. Une guerre atomique mondiale est un acte de destruction totale, et ceux qui la provoquent sont un danger pour l'humanité. Chacun des belligérants, dans quelque situation que ce soit, est coupable car il est plus ou moins dominé par la fascination mortifère de la guerre ; tandis que la paix, quelle qu'elle soit, est l'aspiration de sociétés encore relativement saines, comme en témoigne le fait qu'elles préfèrent la vie en paix à la guerre et à la mort.

Ce conflit présente donc des caractéristiques précises qui surprennent, non seulement parce que nous en sommes là mais que nous avons pris cette direction. Aujourd'hui, l'Europe et les États-Unis parlent à nouveau ouvertement de campagnes militaires contre la Russie, alors que les deux siècles précédents ont déjà vu deux campagnes militaires européennes colossales pour la conquérir, qui se sont soldées par des milliers de morts et des défaites sanglantes. Il est compréhensible que Poutine, qui est peut-être un criminel mais pas un imbécile, conseille ironiquement aux envahisseurs potentiels de se familiariser avec le déroulement de ces deux guerres, qui n'ont pas été menées par des novices: la première par nul autre que Napoléon Bonaparte, qui dirigeait personnellement l'armée, et la seconde par Adolf Hitler, qui est resté à l'arrière de l'armée allemande, mais ne s'en est pas mieux sorti.

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Le fait est que les dirigeants/guerriers sont presque toujours malades de protagonisme et  souffrent de fantasmes mortels d'omnipotence. Ils "négligent les leçons du passé", comme le souligne Peter Burke, l'un des historiens européens les plus réputés, dans son récent ouvrage Ignorance. A Global History. Il existe certaines constantes objectives qui ont rendu la Russie imprenable et que seuls des fous ont tenté de conquérir. "L'une d'entre elles, explique Burke, est l'immensité du pays dans lequel les envahisseurs se sont retrouvés, puis se sont dispersés comme s'ils avaient été aspirés. Après tout, von Clausewitz l'avait déjà dit: un pays de cette taille ne pouvait être conquis. La deuxième constante est météorologique: le "général Hiver", comme l'appellent les Russes, chasse régulièrement les envahisseurs, et il arrive sans regarder personne en face, parce qu'il ne dépend d'aucun ministère; ses armes sont différentes.

Il ne s'agit cependant pas d'une ignorance "pure", note Burke: Napoléon et Hitler savaient très bien que l'hiver russe est froid et rude. Le problème est autre : "L'incapacité à mettre la connaissance au service de la décision" a un autre nom : "l'arrogance". Elle concerne tous ceux qui osent encore parler de la guerre et la présenter comme une nécessité et non comme un acte de folie douloureuse. La même arrogance étonnante avec laquelle le "doux" Premier ministre ukrainien Zelenski se permet de présenter à son homologue italien des listes d'Italiens, soupçonnés d'être des amis de la Russie. La guerre naît du côté de l'arrogance (certes déjà bien éloignée de toute démocratie véritable), elle est l'enfant de la maladie.

Qui devient perversion. Typiquement humaine : "même les animaux féroces" ne s'attaquent pas entre eux au sein d'une même espèce, observait en 1500 Érasme de Rotterdam, l'un des fondateurs de la pensée européenne, dans son ouvrage: la complainte de la paix. L'arrogance belliqueuse du pouvoir humain est pire que l'animal féroce. C'est ainsi que les guerres éclatent et que le monde peut finir.

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Gastronomiquement correct. McDonald's et la mondialisation à table

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Gastronomiquement correct. McDonald's et la mondialisation à table

Diego Fusaro

Source: https://posmodernia.com/gastronomicamente-correcto-mcdonalds-y-la-mundializacion-a-la-mesa/

L'identité gastronomique se déclare au pluriel car il y a de nombreuses traditions à table et chacune d'entre elles existe dans un nexus constant de mélange et d'hybridation avec les autres. Chaque identité existe, en soi, comme le résultat jamais définitif d'un processus par lequel elle s'entrelace ou - pour rester dans le domaine des métaphores culinaires - se mélange avec les autres.

Il est vrai que dans le passé, si l'on s'aventure dans l'"archéologie du goût", cette riche pluralité culturelle liée aux traditions alimentaires a eu tendance, dans certains cas, à dégénérer en des formes de nationalisme culinaire, en vertu desquelles chaque peuple se considérait comme détenteur d'une sorte de primauté oeno-gastronomique. À cet égard, certains ont inventé la catégorie de "gastro-nationalisme", bien qu'en réalité, même si la cuisine est fondamentale pour tracer les frontières politiques et culturelles des identités nationales, les traditions culinaires n'ont jamais existé à l'origine sous une forme nationale, étant plutôt des héritages régionaux, comme l'a montré Mintz. Quoi qu'il en soit, les politiques gastro-nationales se sont également manifestées en raison de la tendance des États à utiliser la reconnaissance de leur propre patrimoine alimentaire comme un instrument de leur propre politique, de leur propre reconnaissance sur la scène internationale et dans la sphère de ce qui est généralement défini comme la "gastro-diplomatie", faisant ainsi allusion à la pratique qui tire parti de la nature relationnelle de la nourriture et cherche à consolider et à renforcer les liens au niveau politique.

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Dans l'apothéose d'une sorte de "boria delle nazioni", comme aurait pu l'appeler la Scienza nuova de Giambattista Vico, les Anglais se croyaient supérieurs grâce à leur roast-beef, les Français grâce à leur grande cuisine - le camembert, en particulier, est devenu un "mythe national" gaulois - ou les Italiens grâce à leur variété, unique au monde. Très souvent, cette pluralité a favorisé un désir fructueux d'expérimenter et de connaître ce qui est différent, et donc un dialogue interculturel médiatisé par le patrimoine alimentaire de chaque peuple.

À cet égard, l'étude de Mennell sur la différence gastronomique entre les Anglais et les Français, emblème de la diversité des deux peuples, reste essentielle. Montanari, pour sa part, s'est risqué à soutenir la thèse suggestive selon laquelle l'identité italienne est née à table bien avant l'unification politique du pays. Par ailleurs, Ortensio Lando, dans son Commentario delle più notabili e mostruose e cose d'Italia ed altri luoghi (1548), décrit les spécialités gastronomiques et œnologiques des différentes villes et régions italiennes avec un luxe de détails et de particularités. Et le plus célèbre cuisinier italien du 15ème siècle, le maestro Martino, avait inscrit dans son livre de recettes le chou romanesco et le gâteau bolognais, les œufs florentins et tant d'autres spécialités locales qui, en fait, forgeaient l'identité italienne à table.

Conformément à son idéologie, la désimbrication capitaliste mondiale trouve dans la suppression des identités œno-gastronomiques et dans l'éloignement de leurs racines historiques un moment fondamental qui lui est propre. Même la table est submergée par les processus de redéfinition post-identitaire et homologue qui sont essentiels au rythme de la globalisation turbo-capitaliste.

C'est pourquoi nous assistons très souvent au remplacement des aliments dans lesquels se trouve l'esprit du peuple et de la civilisation dont nous sommes les enfants - la viande rouge, le fromage, le vin, les aliments locaux et villageois - par des substituts créés ad hoc et, plus précisément, par des aliments produits par des multinationales sans visage et sans racines, ces mêmes multinationales qui financent assidûment les opérateurs et les agences qui décideront "scientifiquement" ce qui est sain et ce qui ne l'est pas, en prolongeant le lien hégémonique entre le marché capitaliste et le système techno-scientifique.

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Ainsi, dans le cadre du nouvel ordre gastronomique "indigeste", les goûts tendent à devenir de plus en plus horizontaux à l'échelle planétaire, dans l'anéantissement de la pluralité et de la richesse oeno-gastronomique dans laquelle s'enracinent les identités des peuples: si la tendance actuelle n'est pas contrée, on assistera à la création d'un mode d'alimentation unique et standardisé, privé de variété et de diversité, ou, si l'on préfère, d'un sentire idem global, qui se présentera comme la variante gastronomique d'un consensus de masse. Les aliments historiquement ancrés dans le patrimoine identitaire et les racines traditionnelles des peuples - il y a en effet un genius gustus et un genius loci - seront remplacés par des aliments sans identité et sans culture, intégralement désymbolisés, identiques dans tous les coins de la planète, comme c'est déjà en partie le cas. Cela nous permet d'affirmer que le gastronomiquement correct est la variante alimentaire du politiquement correct, tout comme le "plat unique" devient l'équivalent de la pensée unique. L'ordre économique dominant produit, à son image et à sa ressemblance, les ordres symboliques et gastronomiques correspondants.

Leur dénominateur commun est la destruction de la pluralité des cultures, sacrifiées sur l'autel du monothéisme du marché et du modèle du consommateur individualisé et standardisé, soumis à cette "grande charrette" qui succède au Big Brother orwellien. Les pédagogues du mondialisme et les architectes du néo-capitalisme, avec un paternalisme alimentaire sans précédent fondé sur l'ordre du discours médico-scientifique, cherchent à rééduquer les peuples et les individus au nouveau programme gastronomiquement correct, c'est-à-dire au nouveau menu mondialisé composé d'aliments homologués et homogénéisés, L'alimentation composée d'aliments standardisés, souvent incompatibles avec l'identité des peuples, est présentée par les administrateurs du consensus comme optimale pour l'environnement et la santé, contrairement aux plats traditionnels, qui sont ostracisés comme "nocifs" à tous égards.

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Cela confirme, également sur le plan alimentaire, la thèse du Manifeste "marxo-engelsien": le Capital "a imprimé un cachet cosmopolite à la production et à la consommation de toutes les nations", en les poussant vers cette homologation qui est la négation du pluralisme internationaliste. La dé-souverainisation des aliments, menée au nom du mondialisme gastronomiquement correct et des intérêts multinationaux, est pilotée par les cyniques et apatrides seigneurs du profit, grâce aussi à l'utilisation d'outils biologiques spécifiques, tels que les pesticides et les engrais de synthèse, ainsi qu'aux pratiques du génie génétique. C'est ainsi que s'explique, à titre d'exemple, l'utilisation des "organismes génétiquement modifiés" (OGM), qui contaminent génétiquement les espèces naturelles, sabotent l'agriculture conventionnelle et privent les peuples de leur souveraineté alimentaire. Ce faisant, ils les obligent à dépendre des multinationales qui leur fournissent des semences et des substances brevetées, protégeant dans l'abstrait, au niveau de la propagande idéologique, la santé de tous et, dans le concret, les profits de quelques-uns.

D'après ce qui a été expliqué ci-dessus, historiquement, l'alimentation a toujours été un véhicule culturel fondamental et, en particulier, interculturel, se révélant comme la manière la plus simple et la plus immédiate de décoder le langage d'une autre culture, afin d'entrer en contact avec elle et ses coutumes. L'élimination des spécificités alimentaires locales est, pour cette même raison, cohérente avec la désintégration continue de toute relation authentiquement interculturelle, remplacée par le monoculturalisme de la consommation: la multiplicité historique des goûts enracinés dans la tradition est remplacée par l'unité des goûts an-historiques et a-prospectifs du menu mondialisé. Après la limitation de "ce qui peut être dit et pensé" par l'imposition du nouvel ordre symbolique politiquement correct, la nouvelle réglementation de "ce qui peut être mangé et bu" est maintenant imposée, de plus en plus furieusement, selon l'ordre hégémonique global-élitiste du bloc oligarchique néolibéral.

Si, dans le passé, la cuisine déterminait aussi les identités culturelles, aujourd'hui, surtout depuis 1989, elle tend à les supplanter. Les aliments traditionnels enracinés dans l'histoire des peuples sont de plus en plus souvent remplacés - parce qu'ils ne sont plus considérés comme "convenables" - par ces aliments de marque délocalisés et "global fusion" qui, dépourvus d'identité et d'histoire, donnent naissance à un régime alimentaire artificiel et nomade, déraciné et culturellement vide, qui homogénéise les palais et les têtes ; un régime qui, cependant - nous assurent les stratèges du consensus - respecte l'environnement et la santé.

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Grâce au pouvoir immédiat et inégalé de l'image, une scène de Salò (1975) de Pier Paolo Pasolini - un film conçu ad hoc pour être horrible et obscène, tout aussi horrible et obscène que la civilisation de consommation qu'il photographie - peut valoir plus que n'importe quelle description conceptuelle articulée. La scène se déroule dans l'un des "cercles infernaux" les plus macabres dont le film est composé et qui, à son tour, se veut une allégorie de la civilisation de consommation et de ses erreurs: les détenus de la Villa de los suplicios sont condamnés à manger des excréments.

L'acte coprophagique devient ainsi le symbole même de la société marchande, qui condamne quotidiennement ses ergostuli dociles et inconscients à manger la merde liée à la forme marchandise, un objet simple et apparemment banal, qui cristallise pourtant en lui toutes les contradictions de la société capitaliste, à commencer par celle liée à l'antithèse entre valeur d'usage et valeur d'échange. Entraînant Pasolini "au-delà de Pasolini", cette scène macabre et scandaleuse semble trouver une nouvelle confirmation dans les nouvelles tendances gastronomiquement correctes de la société de marché globale qui, sans autre violence que le glamour de la manipulation, contraint ses propres serviteurs au geste coprophagique.

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À l'ère du capitalisme mondial, l'alimentation est généralement gérée par des multinationales et des sociétés offshore, qui manipulent le goût et contrôlent l'abandon de tout ce qui est pluriel et qui n'est pas spécifiquement modelé par le nouveau style de vie déraciné et flexible. Dans ce contexte, McDonald's (paradigme indépassable du "non-lieu", interrogé par Marc Augé - et on pourrait aussi ajouter, du "non-alimentaire") représente la figure par excellence de la globalisation gastronomique et de l'impérialisme culinaire de l'assiette unique triomphant après 1989 : une seule façon de manger et de penser la nourriture, de la distribuer et de la présenter, de la produire et d'organiser le travail, naturalisant un geste et ses conditions d'opportunité dans quelque chose d'aussi évident et manifeste que l'air que nous respirons.

Mais McDonald's lui-même incarne le sens profond de la mondialisation d'un autre point de vue, identifié par Ritzer et exprimé dans sa considération selon laquelle "il est devenu plus important que les États-Unis d'Amérique eux-mêmes". McDonald's, en effet, représente le pouvoir écrasant du capital supranational, aujourd'hui au-dessus - par la puissance et la force spécifique, par la reconnaissance et par la capacité d'attraction - des pouvoirs nationaux traditionnels qui, précisément pour cette raison, ne sont pas capables de le gouverner et, souvent, sont fortement conditionnés par lui.

Que le célèbre fast-food mondialiste représente la figure par excellence de la mondialisation capitaliste semble d'ailleurs conforté par le fait que les deux arcs jaunes qui forment le "M" stylisé de son logo sont aujourd'hui, selon toute vraisemblance, plus célèbres et plus connus que la croix chrétienne, le croissant islamique et le drapeau américain lui-même. Le merchandising universel se confirme, même sur le plan iconographique, comme la grande religion de notre temps en termes de diffusion, de nombre de prosélytes et de capacité à conquérir les âmes avant les corps. C'est pourquoi les arches jaunes de McDonald's, tout comme la bouteille profilée de Coca-Cola, représentent le symbole de la mondialisation en tant que "mauvais universalisme" et, en même temps, la cible privilégiée de l'anti-impérialisme gastronomique.

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Comme le souligne Marco D'Eramo, mordre dans un hamburger McDonald's peut, à première vue, sembler un geste évident et naturel. Avec ses saveurs standardisées, sa moutarde et son ketchup, ses cornichons et ses oignons, les mêmes de Seattle à Singapour, de Gênes à Madrid, servis de la même manière et par des serveurs vêtus d'uniformes identiques, le hamburger semble toujours et partout le même, presque comme si, partout dans le monde et à tout moment, il était prêt à se matérialiser à la demande du client; presque comme s'il était la manière naturelle de manger et, pour cette raison même, générait partout une identification et un sentiment de familiarité.

Comme la table dont parlait Marx dans les premières sections du Capital, le hamburger de McDonald's apparaît désormais comme un objet évident et trivial, mais qui, s'il est analysé du point de vue de la "valeur d'échange" et de la socialité, de la division du travail et de la standardisation de la manière de manger, révèle tout le volume de significations et de contradictions qui innerve le mode de production capitaliste à l'ère de la mondialisation néolibérale.

En ce sens, le slogan publicitaire choisi par McDonald's en Italie il y a quelques années mérite d'être pris en considération, même s'il est télégraphique : "Ça n'arrive que chez McDonald's". La formule promet une expérience unique et non reproductible, qui est toujours proposée, toujours de la même manière, dans tous les McDonald's du monde. De plus, elle augure d'une expérience hors du commun qui, en réalité, coïncide en tous points avec l'expérience standardisée de plus en plus répandue de la consommation alimentaire à l'heure de la mondialisation gastro-anomique.

Il serait tout à fait juste d'identifier le hamburger de McDonald's comme l'effigie même de la mondialisation, quel que soit le point de vue à partir duquel on l'observe : qu'il s'agisse de l'homologation des savoirs et des saveurs, ou de la rationalisation capitaliste du mode de gestion de la production et de l'organisation sociale du travail, McDonald's incarne parfaitement le nouvel esprit du capitalisme, sa disposition combinée à l'uniformisation et à l'aliénation, à la réification et à l'exploitation qui, au lieu de reculer au nom de rêves de libertés meilleures, s'étend à l'espace du monde, devenant l'image d'un bonheur réifié et low-cost.

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La preuve en est que, quelques mois après la chute du mur de Berlin, le premier fast-food McDonald's a ouvert ses portes en Allemagne de l'Est, à Plauen (photo), où avait eu lieu la première manifestation de masse contre le gouvernement communiste. Un tel événement, sur le plan symbolique avant même d'être matériel, a marqué d'un impact fort la transition soudaine du socialisme réel au mondialisme capitaliste, du communisme au consumérisme.

Deux exemples typiques de la mondialisation flexible sont imbriqués dans le régime alimentaire de McDonald. D'une part, nous avons la présence d'une nourriture standardisée, sans racines culturelles et accessible à tous. Et d'autre part, l'organisation flexible : a) d'une nourriture extrêmement rapide, consommée aux heures les plus diverses de la journée ; b) de lieux conçus comme des non-lieux, comme de simples points de passage inhabitables ; et c) de travailleurs, soumis à des contrats à très haut taux de flexibilité et à faible qualification.

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L’Europe est-elle "une puissance herbivore" dans un monde de "puissances carnivores"?

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L’Europe est-elle "une puissance herbivore" dans un monde de "puissances carnivores"?

Irnerio Seminatore

TABLE DES MATIERES

- Introduction

- L’Europe, « puissance herbivore »

- E. Macron et l’envoi de troupes au sol

- Le monde de demain et les forces centripètes

- La France, la diplomatie et la prospective stratégique.

- Répercussions stratégiques de la guerre d’Ukraine aux Etats-Unis

- Problèmes régionaux et « Balance Mondiale »

*****************

Introduction

Le déterminisme des forces historiques, dont chaque collectivité a une connaissance différente selon les lieux et selon les époques, s’exprime ici en deux parties du même texte qui ont pour objet deux formes d’engagement, européen et mondial. Pour le premier, l’intention de l’auteur vise à éclairer, par une forme de paradoxe, celui de l’Europe « puissance herbivore », les traits du pouvoir qui s’est constitué à partir du Traité de Rome de 1957 et ses limites d’action. Pour le deuxième, cette même intention tâche de rendre intelligible à notre conscience l’idée de l’Europe affaiblie, la situant dans l’histoire globale d’un système planétaire, hégémonisé par les deux vainqueurs de la deuxième guerre mondiale et, après la dislocation de la Fédération des Républiques Socialistes Soviétiques en 1989, par les Etats-Unis d’Amérique seuls. Pour parvenir à tisser un lien entre l’évolution du vieux continent et le monde, on fera recours aux notions de puissance et de souveraineté et à l’émergence d’un nouveau rapport entre risque et liberté politique. Ainsi, dans la dialectique multiforme qui bouleverse les paradigmes hérités, remettant en cause les époques et les civilisations, l’objectif inavoué de l’analyse est d’aspirer à préfigurer les nouveaux visages des aspirants à l’empire de demain, en perturbateurs rationnels et déclarés qui entendent confirmer ou infirmer par la force, le pouvoir immanent d’hégémon.  Dans la première partie, qui concerne l’Europe et l’évocation de l’arme nucléaire, la dimension de la conscience historique fera référence aux solutions possibles des conflits en cours et à l’enracinement précaire du régime démocratique, dans la deuxième à l’importance et à la relativité de la relation entre autocraties, philosophies de l’histoire et géopolitique planétaire.

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L’Europe, « puissance herbivore »

L’expression de « puissance herbivore » appartient à Frank-Walter Steinmeier (photo), Président de la République Fédérale d’Allemagne et à l’évocation d’un débat qui a trop duré et qui divise la France et L’Allemagne sur la souveraineté politique de l’Europe, sa puissance militaire et son autonomie stratégique (1991-2017). Cet état a-t-il été surmonté ? Depuis le passage brutal aux rapports de force de la part de l’Union européenne, qui s’est voulue géopolitique lors de son investiture, en 2017, le réveil des opinions apparaît choquant et apeuré. Nous entrons de pleins fouets, depuis les déclarations improvisées du Président Macron de mardi 5 mars 2024 à Prague, dans l’âge inconnu des grands bouleversements historiques. Le thème de l’indépendance politique et de l’autonomie stratégique de l’Europe a été un réquisitoire permanent adressé à l’Europe établie et aussi sa pierre d’achoppement. Ce thème sera-t-il le tombeau du continent ? L’épouvante de la situation actuelle est dictée pour l’essentiel par le pouvoir de décision irrévocable et non partagé de l’arme nucléaire, évoqué comme repoussoir de la soumission à une puissance tutélaire extérieure, l’Amérique. Pour l’autre, par la crainte en un nouvel isolationnisme de celle-ci, suite aux élections présidentielles de novembre 2024. L’ordre européen de l’équilibre des forces entre l’Est et l’Ouest a pris fin avec l’ouverture des hostilités en Ukraine et le principe de légitimité de cet ordre de sécurité s’est effondré sur l’écueil du régime politique qui fonde la légitimité de son pouvoir sur l'usage délibéré de la force. Dès lors ce régime, autocratique, peut-il franchir impunément les lignes rouges du « tiers non engagé » (Union européenne), face à une dégradation de la situation militaire (défaite possible de l’Ukraine) et aux répercussions que cela entrainerait ?

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Macron et l’envoi de troupes au sol

Emmanuel Macron a appelé mardi à Prague les alliés de l'Ukraine à "ne pas être lâches" face à une Russie "devenue inarrêtable", semblant assumer ses propos controversés sur la possibilité d'envoyer des troupes occidentales dans ce pays en guerre. "Nous abordons à coup sûr un moment de notre Europe où il conviendra de ne pas être lâches", a lancé le président français au début de sa visite en République tchèque. "On ne veut jamais voir les drames qui viennent", a-t-il prévenu devant la communauté française.

"Il nous faudra être à la hauteur de l'Histoire et du courage qu'elle implique", a-t-il insisté.

Déclarations inopportunes et visant une posture de leadership européen, selon certains, ces déclarations ont été confirmées par l’intéressé après une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 à Paris, tous unanimes sur une politique de non engagement au sol de troupes combattantes de la part des européens, qui ont désavoué le président français. De surcroit et dans le but d’éviter tout malentendu, John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré sans tarder "Il n'y aura pas de troupes américaines engagées au sol en Ukraine.  Ce n'est pas ce que demande le président Zelensky. Il demande des outils et des capacités. Il n'a jamais demandé que des troupes étrangères combattent pour son pays".

En passant aux perspectives sécuritaires et historiques quels accommodements prendront les relations entre l’Europe et la Russie après la défaite possible et annoncée de Ukraine dans le couloir continental de l'Eurasie qui a permis par le passé, l’existence de l’empire russe, puis soviétique ?

L'ordre européen de demain ne naîtra pas d'une perspective géopolitique unique, ni d'un rapport mondial des forces de conception équilibrée, avec un partenariat entre la Russie et la Chine qui ne joueront plus au contre-poids avec l’Occident, mais profiteront de toutes les variables des rapports de pouvoir, de légitimité et de force à l'échelle du monde

Les triangulations stratégiques Etats-Unis, Russie et Chine et, en subordre, les allégeances des Brics et des puissances relatives émergentes (le Sud global) conduiront à se poser fatalement la question essentielle de toute coalition: Qui gouvernera ce processus de changement et qui décidera des jeux d’influence et de contrôle sur le Heartland du monde et au-delà ?

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Le monde de demain et les forces centripètes

Il est fort probable que l'ordre planétaire de demain sera celui où des forces centripètes pourront contribuer à définir l'avenir commun et où la reconnaissance de l'unité planétaire s'accompagnera de l'acceptation du nouveau centre de gravité du monde, l'Asie-Pacifique. relativisant le poids de l’Europe.

Entre-temps  le changement de l'Hégémonie (américaine), sera l'objectif prioritaire de la nouvelle phase historique, la phase néo-machiavélienne de l'histoire universelle, qui procédera de la priorité de tout système de « blocs instables » pour parvenir à l'établissement d'une rivalité  maîtrisée. Si l'hégémonie sera l'objectif affiché pour maintenir l'unité du système, des revendications de groupes minoritaires multiples dépasseront, et de loin, le respect dû autrefois aux autorités établies et il n'y aura pas d'uniformité rationnelle des sociétés ni de théories politiques ( soient -elles démocratiques) préfigurant un ordre d'avenir.

Face à la « menace russe » vis-à-vis des pays d'Europe centrale (Pologne, Hongrie, Etats baltes), obligés de choisir entre l'unité de façade proposée par l'Union européenne et l'exigence de protection et de sécurité, garantie par l'Hégémon à travers l'Otan, ces pays choisiront l'asservissement à l'Hégémon et la guerre contre l'ennemi désigné, voulue par le leader de bloc.

Ainsi la vassalité de l'Europe centrale vis à vis de l'Amérique deviendra une nécessité politique pour éviter que l’Allemagne joue la carte d'une nouvelle entente stratégique avec Moscou, une réédition de l'Ostpolitik contre les puissances passives de l'Ouest et contre les illusions politiques de la France de durcir le verbe (Macron) et de préférer la politique intérieure à la politique internationale et continentale.

Un débat, au même temps qu'un combat, est en cours en Europe occidentale sur le soutien humanitaire aux populations civiles ukrainiennes. Ne croyant plus à une résistance de Kiev face à Moscou, l'Amérique entend clairement affaiblir et épuiser la Russie, par personne interposée. Or, dans l'éloignement d'un compromis, imposé par les Américains à Zelensky, comment l'Europe doit elle se définir par rapport aux cinquante-huit pays qui, aux Nations Unies, n'ont pas voté la censure contre Moscou pour son initiative militaire, dictée par son exigence de sécurité et de cohésion intérieure ?

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La France, la diplomatie triangulaire et la prospective stratégique

Au titre d'une rétrospective historique, l'issue de la première « guerre froide » a comporté le remplacement des tensions et des crises par le développement d'une coopération paneuropéenne entre nations indépendantes, situées entre l'Atlantique et l'Oural. Ceci a impliqué pour la France, de considérer le pan-européisme comme un moyen pour dépasser l'ordre bipolaire.

Cependant la transition de la bipolarité à la diplomatie triangulaire a comporté le renversement du « jeu d'antagonismes asymétriques » entre Washington-Pékin et Moscou, par l'antagonisme sino-américain, qui a pris le dessus sur le rapprochement russo-chinois, à l'époque improbable. A un aperçu très général les autres changements de l'échiquier géopolitique nous autorisent à une  esquisse de prospective stratégique, caractérisée par les variables systémiques suivantes :

- une neutralisation de l’Ukraine et un partage des influences territoriales est-ouest;

- des hypothèses de conflit entre pôles et des scénarios de belligérance entre alliances continentales et alliances insulaires;

- la riposte de l’Hégémon à une grande coalition eurasienne et anti-hégémonique (Russie, Chine, Iran);

- les incertitudes des nouvelles « coalitions multipolaires » dans un contexte de bipolarisme sous-jacent (Chine-USA);

- un système de sécurité ou de défense collectives, qui échappe en large partie aux organes multilatéralistes existants (ONU, OTAN, autres...) et aux instances de gouvernance actuelles (G7, G20), et cela en raison des variations de la « mix security »;

- des combinaisons croisées de la « Balance of Power » et de la « Balance of Threats » (la première pratiquée par les puissances traditionnelles et la deuxième par les puissances montantes comme mélange de menaces et de vulnérabilités);

- la démocratisation du feu ballistico-nucléaire (ADM) et la généralisation multiforme de nuisances et de terrorisme (Iran, Corée du Nord...);

- la dominance offensive de la cyber-guerre et des guerres spatiales, qui induit une modification du rapport de forces entre attaquants et défenseurs (avec une prime à l'attaquant);

- l'asymétrie, les guerres hybrides et les conflits non maîtrisées;

- une tentative d'isolement international de la Russie, sous l’effet d’une multitude de sanctions économiques et financières, personnelles et de groupe, à l'efficacité douteuse. Ces mesures, impliquant une logique de rétorsions, frappent en retour l'Allemagne (Nord Stream 2, désindustrialisation, stagnation économique) et les autres pays européens, suscitant une fracturation de l'unité de camp occidental, déjà compromise par la subordination de la démocratie à l'Hégémonie.

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Répercussions politiques de la guerre d’Ukraine aux Etats-Unis

La guerre en Ukraine et sa fonction imposée et presque fatale d’Etat -tampon a relancé un débat aux Etats-Unis entre les deux courants de pensée, les idéalistes interventionnistes, en gros Biden et les démocrates, défenseurs de la démocratie libérale et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et les réalistes classiques, Trump, Elon Musk, Carlson Tucker, porteurs du souverainisme et du nationalisme américain quant au rôle des Etats-Unis dans le monde. La manifestation plus évidente de cette opposition a été le rejet du vote au Congrès américain pour une énième allocation de fonds à l’Ukraine et Israël pour un montant de 106 milliards de dollars, qui seront pris en charge par l’UE à hauteur de 50 milliards d’euros

En l’absence d’un débat équivalent en Europe, le bilan européen ne va pas plus loin d’une préoccupation pour le retour de Trump et un appel à indépendance et à l’autonomie stratégique de l’Europe qui touche indirectement, surtout en France, au vieux débat sur la souveraineté et la supranationalité et à « l’irresponsabilité stratégique, diplomatique et, in fine politique du Chef de l’Etat ». Ce bilan investit le domaine du multilatéralisme et de ses institutions, (UE, ONU, FMI, BM...) et donc le rapport entre autorités fonctionnelles et autorités politiques dans la scène internationale. Il a été remarqué que, pour le Secrétaire d'Etat, Antony Blinken, la guerre en Ukraine est la transposition du débat interne entre républicains-populistes et idéalistes-progressistes, intégrant l'Ukraine et l'Europe centrale dans une zone de redéfinition de la géopolitique américaine. En son sein, la posture prioritaire est représentée par la menace de l'Empire du milieu. Ainsi l'issue de la crise ukrainienne et de celle israélo-palestinienne et au sens large, moyen-orientale, est resituée à la marge du baromètre des relations globales entre Washington-Moscou-Beijing.

Problèmes régionaux et « balance » mondiale

Le sur le plan politique, le théâtre euro-méditerranéen (par l'inclusion des crises en chaîne, allant des zones contestées de l'Europe orientale au Moyen Orient et donc des Pays Baltes, Bélarus et Ukraine au Golfe et à l'Iran, en passant par la Syrie et par la confrontation israélo-palestinienne), peut-devenir soudainement l'activateur d'un conflit inter-étatique de haute intensité. Cette hypothèse n'est pas nulle et nous pousse à la conjecture que la clé, déterminante et finale, de l'antagonisme régional en Europe, dont l'enjeu est la suprématie, jugée dangereuse, d'un État sur le continent, par le contrôle de sa zone d'influence est, aux yeux des occidentaux, la répétition par la Russie des aventures des grands États du passé (Espagne, France et Allemagne). La conclusion d'une pareille aventure se situerait dans la bordure continentale et maritime de l'Eurasie et dans la stratégie du Rimland du monde. Ainsi, l'actuelle progression vers une guerre générale repropose aux décideurs le dilemme classique, hégémonie ou équilibre des forces, comme dans les guerres du passé. Or, suite à la constitution d'un système asiatique autonome autour de la Chine, comme nouveau centre de gravité mondial, la victoire finale, dans un affrontement général, pourrait échapper à la coalition des puissances maritimes, le Rimland, par l'impossibilité d'une conquête ou reconquête de l'Eurasie de la part de l'Amérique et de ses forces coalisées et vassales. Au sein de la triade, Russie, États-Unis et Chine les deux plans d'analyse, régional et planétaire, présentent des interdépendances conflictuelles majeures et caractérisent cette conjoncture comme de « révolution systémique », plus encore que de « transition hégémonique ». En ce qui concerne l'Europe, qui a inventé tous les concepts-clés de la vie internationale, la souveraineté, l'État-nation, l'équilibre des forces, l'empire universel et la jalouse émulation ; elle demeurera le seul ensemble du monde moderne à ne jamais avoir connu de structure politique unifiée et, de ce fait, elle sera affaiblie, divisée et impuissante.

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Ainsi en Europe de l'Ouest, dépourvue d'unité et d'identité politique et militaire, la confrontation colporte une déstabilisation des régimes au pouvoir et des formes de sociétés, au cœur desquels s'affrontent des guerres civiles latentes entre héritages ethniques et culturels antinomiques. Depuis 1945 et le processus de décolonisation, l'Europe a perdu la force et la confiance en elle-même, qu'elle a remplacé par le règne de la morale et de la loi, aggravé par l'égarement de ses intérêts et de son rôle. Quant aux aspects géopolitiques et stratégiques, la crise des démocraties occidentales engendre deux tentatives contradictoires, dont la première est constituée l'exigence de compenser les faiblesses internes de l'autorité et de l'État, marquées par le terrorisme et par l'ennemi islamique et la deuxième par subordination accrue à l'alliance atlantique, l'Otan. Dans une pareille situation, la Chine, puissance extérieure à l'Europe, mais dominante en Eurasie, serait bénéficiaire d'une lutte à mort entre l'Occident et la Russie et marquerait sa prééminence finale sur le monde connu.

Bruxelles, le 9 Février 2024.

Wokisme en Dune

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Wokisme en Dune

par Georges FELTIN-TRACOL

Deux films très opposés viennent d’être projetés dans les salles de l’Hexagone. Le premier, Tombés du camion, de Philippe Pollet-Villard s’intéresse à une famille qui compte parmi les siens des gendarmes. Elle recueille néanmoins - mais bien sûr ! - un mineur isolé migrant sans-papiers. Cette pâle comédie promeut après tant d’autres tels Les Vieux Fourneaux 2. Bons pour l'asile, Les Survivants, Pour l'honneur, une vision idyllique et irénique de l’acceptation des médecins, architectes, dramaturges potentiels dans une société en pleine décadence. Cette production française existe par la grâce de l’« exception culturelle », incontestable préférence nationale déguisée. Il est d’ailleurs insupportable d’assister au détournement de ce magnifique principe et d’observer le milieu frelaté du cinoche encourager la subversion migratoire. À la mi-mars, on recensait 85.000 entrés pour ce chef d’œuvre à oublier le plus vite possible.

Diffusé à partir du 28 février dernier, Dune. Deuxième partie est la suite de Dune. Première partie (2019) que TF1 a programmé le dimanche 3 mars à 21 h 10. Réalisé par le francophone canadien Denis Villeneuve, ce film compte plusieurs acteurs de langue française : le Franco-Étatsunien Timothée Chalamet, la Française Léa Seydoux, la Suissesse Souheila Yacoub.

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Dune 2 – pour faire simple – est plus spectaculaire que Dune 1. Il n’a rien à voir avec Dune de David Lynch (1984). Autant Blade Runner 2049 du même réalisateur en 2017 avait été une déception, autant ces deux films, en particulier Dune 2, - et en attendant un éventuel troisième et dernier - sont jubilatoires. Alors que les réalisations autour des super-héros abusent des studios sur fond vert, le tournage a pu se passer dans de superbes décors naturels à Abou Dhabi, en Jordanie et en Namibie. Le résultat donne un film intense et efficace.

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Denis Villeneuve et son co-scénariste Jon Spaihts interprètent selon leur point de vue l’œuvre monumentale de Frank Herbert (1920 - 1986). Quand David Lynch l’a adaptée en partie, il ne disposait que de six titres (de Dune en 1965 à La Maison des mères en 1985). Aujourd’hui, cet univers imaginaire compte une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles. Le fils de Frank Herbert, Brian, associé à Kevin J. Anderson, a poursuivi la saga à partir des notes, des brouillons et des indications posthumes de l’auteur. Denis Villeneuve bénéficie d’une vision plus large que n’avait pas David Lynch. Dune 1 et 2 sont-ils cependant fidèles à l’intrigue ? Non ! Sa complexité rend difficile toute adaptation fidèle. Par exemple, David Lynch insiste sur l’importance vitale de l’épice. Denis Villeneuve en fait l’impasse. Le spectateur ne sait donc pas que son usage est indispensable dans le cadre d’un voyage spatial. Il pense peut-être qu’il s’agit d’un condiment culinaire hallucinogène. Dans Dune 2, Paul Atréides mange dans un sietch fremen un plat composé d’épice d’Arrakis. En outre, à l’instar des réalisations françaises grand public, le wokisme, le multiculturalisme et le féminisme s’invitent de manière subreptice dans le scénario.

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Certes, contrairement aux pitoyables films hexagonaux, ils demeurent subtiles. Ajoutons qu’il n’y a pas encore d’interactions gendéristes LGBTQIA++, à l’exception, peut-être, de la scène où le baron Vladimir Harkonnen embrasse sur les lèvres son neveu, le na-baron Feyd-Rautha Harkonnen, fait gouverneur d’Arrakis, à la place de son frère Rabban. Ne serait-ce pas plutôt un baiser à la russe comme celui, célébrissime, entre le Soviétique Leonid Brejnev et l’Allemand de l’Est Erich Honecker ?

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Le wokisme se fond dans Dune 2 au multiculturalisme. Les Fremen (de l’anglais Free Men, « Hommes libres ») forment un peuple du désert dont les membres ont des traits européens et africains. Notons que les Asiatiques y sont exclus. Dans Dune 1, un Asiatique joue le traître, à savoir le docteur Wellington Yueh. Bonjour le préjugé tout droit sorti du « Péril jaune » du début du XXe siècle !

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En revanche, les totalitarismes contemporains se retrouvent dans le monde des Harkonnen. Leur planète, Guidi Prime, tourne autour d’un astre solaire à très faible luminosité appelé - tiens, tiens, tiens… - « soleil noir ». Les scènes y sont en noir et blanc. En plus de porter des tenues sombres, les habitants ont le crâne rasé, femmes incluses. Les skin heads constitueraient-ils l’une des Maisons les plus puissantes de l’Imperium de l’Univers connu ?

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Pourquoi les Harkonnen ne porteraient-ils pas plutôt des Dreadlocks ? Dans Le Monde (du 28 février 2024), Mathieu Macheret évoque ce « régime brutal et fascistoïde mené par un répugnant baron […] nommé – tenez-vous bien – Vladimir ! ». Pour Frank Herbert qui sort le premier tome en pleine Guerre froide, Vladimir peut être une allusion implicite à Vladimir Ilitch Oulianov alias Lénine. Quant à la Cour impériale de Shaddam IV et aux Sardaukars, les redoutables troupes impériales, force est de constater – là encore - l’absence de « diversité »… Rappelons que Hollywood impose désormais des quotas d’acteurs de couleurs (et bientôt aux pratiques dyssexuelles) aux films et aux séries.

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Le féminisme influence les structures sociales fremen, d’où un relatif matriarcat. Lors d’une discussion entre Paul Atréides et Chani, cette dernière explique que les relations entre Fremen, hommes et femmes, sont égalitaires. D’ailleurs, Chani est un Feydakin, un combattant d’élite. Les chefs des sietch fremen demandent leur avis aux femmes âgées ainsi qu’aux révérentes-mères formées par l’Ordre sororal des Bene Gesserit. David Lynch les relègue au second plan au profit de la Guilde spatiale. Denis Villeneuve fait le choix inverse. La Guilde spatiale n’est jamais mentionnée dans ses deux films.

Un doux parfum de complotisme parcourt Dune 2. Le réalisateur a en effet pris le parti de dénoncer l’instrumentalisation vers un objectif politique des croyances religieuses. Des Bene Gesserit ont propagé, de génération en génération, auprès des Fremen le mythe du Mahdi. Dune 2 éclaire les nombreuses manigances de cet Ordre qui ne veut pas refermer la moindre perspective de réussite. Vers la fin de Dune 2, Dame Jessica,  la mère de Paul Atréides, devenue révérente-mère fremen, parle par télépathie avec son homologue, Helen Mohiam, l’intrigante Diseuse de vérité auprès de l’empereur, en lui disant qu’elle a choisi le mauvais camp. Mohiam lui rétorque qu’il n’existe pas de camp et que l’avènement impérial de son fils Paul a été envisagé.

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L’orientalisme traverse tout le film puisque Arrakis est couverte de déserts. Les vêtements des Fremen ressemblent aux habits des bédouins et des Touareg. Le commencement de la guerre sainte qui clôt Dune 2 rappelle le djihad musulman, mot qu’on retrouve dans les romans. Frank Herbert a lu René Guénon et Frithjof Schuon. Dans sa fresque romanesque, il décrit ensuite l’empire universel de Paul Muad'Dib Atréides en théocratie implacable continuée et amplifiée par son fils Leto II, devenu un ver géant des sables éternel et omniscient qui impose finalement une paix féroce de trois millénaires...

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Denis Villeneuve s’attarde volontiers sur les réticences initiales de Paul Atréides à se conformer à son destin messianique. Mais ne joue-t-il pas au naïf ? Dans la première partie, Paul Atréides pense déjà à convoiter le trône impérial et à épouser la princesse Irulan. Sous le poids des circonstances, ce mâle blanc hétérosexuel cisgenre accepte finalement sa prédestination avant d’ordonner l’assaut contre les Grandes Maisons, négatrices de sa légitimité. Qu’attendent donc les pétroleuses des nouveaux sexes genrés pour dénoncer cette phallocratie plus qu’explicite ?

Dune. Deuxième partie se regarde aussi comme un éloge de la décolonisation et/ou des guerres de libération nationale. En filmant les ornithoptères pourvus d’un servant de mitrailleuse-laser, le réalisateur reproduit des scènes d’Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola et d’Avatar (2009) de James Cameron. Plusieurs plans du film présentent Paul Atréides, capuche sur la tête, ce qui fait penser à Anakin Skywalker en train de devenir Dark Vador dans La Revanche des Sith (2005) de George Lucas.

Mathieu Macheret du Monde ne se trompe pas quand il voit dans ce film « une sorte de techno-archaïsme, soit une idée du futur où le progrès technique irait de pair avec un retour du religieux, des sociétés grégaires et du culte des chefs. Les combats individuels se font au sabre métallique et au corps-à-corps ». Bref, tout ce qu’avait annoncé, il y a un quart de siècle, le visionnaire Guillaume Faye dans L’Archéofuturisme. Plus qu’une œuvre rétro-futuriste, Dune. Deuxième partie plonge avec un ravissement certain le spectateur dans un univers néo-féodal où l’emprise de la technique y serait moindre depuis le triomphe du Djihad butlérien (la grande révolte humaine contre les machines intelligentes et l’informatique).

Malgré donc des divagations wokistes de nos jours inévitables, Dune 2 est à voir, surtout si ce film se trouve à l’étonnante intersection du post-modernisme libéral-libertaire et d’une non-Modernité balbutiante.        

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 107, mis en ligne le 19 mars 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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samedi, 23 mars 2024

Le récit occidental de la "farce électorale" de Poutine démasqué

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Le récit occidental de la "farce électorale" de Poutine démasqué

Un institut de sondage soutenu par les Etats-Unis confirme un fort soutien à Poutine

Bernhard Tomaschitz

Source: https://zurzeit.at/index.php/das-westliche-narrativ-von-putins-wahlfarce-entlarvt/

L'Occident est unanime : l'élection présidentielle en Russie a été un "simulacre" ou une "farce" et n'a pas respecté les normes démocratiques. Lors de ces "élections mises en scène sans opposition crédible" (© CNN), le président sortant Vladimir Poutine a été réélu pour un nouveau mandat avec 87% des voix. Le complexe politico-médiatique occidental insinue que Poutine ne doit sa victoire électorale qu'à une manipulation à grande échelle et à l'intimidation d'opposants politiques, et que le président est en réalité impopulaire auprès des Russes.

En fait, les Russes sont très satisfaits de leur président, comme le montre un sondage de l'institut de sondage Levada. Selon ce sondage, Poutine a obtenu en février 2024 un taux d'approbation de 86%, soit presque autant que son pourcentage de voix lors de l'élection présidentielle. Seuls 11% ont déclaré être mécontents de Poutine. En outre, depuis septembre 2023, les sondages Levada indiquent des taux d'approbation de Poutine d'au moins 80%.

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Levada n'est pas un institut de sondage à la botte du Kremlin, mais un institut de sondage financé par l'Occident. C'est pourquoi les autorités russes considèrent le centre Levada comme une "agence étranger". Parmi les financeurs de Leveda figure notamment le National Endowment for Democracy (NED), une fondation semi-publique américaine également considérée comme le "bras civil de la CIA". En 2011, la NED a écrit sur son site web que "le Centre analytique Yuri Levada, un boursier de la NED basé à Moscou, est un institut de sondage indépendant connu pour ses enquêtes sur les questions sociopolitiques en Russie et dans le monde". Le Centre Levada travaille également en étroite collaboration avec la station de propagande américaine Radio Free Europe/Radio Liberty.

En mai 2013, le journal russe Izvestia, citant une source du bureau du Procureur général, a écrit qu'entre le 26 mars et le 31 mars 2012, trois personnes ont été arrêtées et qu'entre décembre 2012 et le 24 mars 2013, 3,9 millions de roubles ont été transférés de l'étranger sur les comptes du centre Levada. Le journal a précisé: "Le groupe de réflexion a reçu de l'argent de l'Open Society Institute américain ainsi que d'organisations basées en Italie, en Grande-Bretagne, en Pologne et en Corée". Derrière l'Open Society Institute se trouve le grand spéculateur George Soros.

Alexandre Douguine - Multipolarité : l'ère de la grande transition

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Multipolarité : l'ère de la grande transition

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/mnogopolyarnost-epoha-bolshogo-perehoda

Nous vivons une époque de grande transition. L'ère du monde unipolaire touche à sa fin et l'ère de la multipolarité arrive. Les changements dans l'architecture globale de l'ordre mondial sont fondamentaux. Parfois, les processus se déroulent si rapidement que l'opinion publique est à la traîne. Il est d'autant plus important de s'attacher à comprendre les événements grandioses qui secouent l'humanité.

Personne - sauf les fanatiques - ne peut nier le fait que l'Occident, après l'effondrement du système socialiste et de l'URSS, a reçu une chance unique de devenir le seul leader mondial, et qu'il n'a pas rempli cette mission. Au lieu d'une politique mondiale raisonnable, juste et équilibrée, l'Occident s'est tourné vers l'hégémonie, le néocolonialisme, agissant dans ses intérêts égoïstes et prédateurs, appliquant deux poids deux mesures, alimentant des guerres et des conflits sanglants, dressant les peuples et les religions les uns contre les autres. Il ne s'agit pas d'un leadership, mais d'un impérialisme agressif, qui perpétue les pires traditions de ce même Occident - le principe de diviser pour régner, la colonisation, essentiellement l'esclavage.

L'effondrement du leadership de l'Occident collectif s'accompagne et s'intensifie avec le rapide déclin moral de la culture occidentale. Les valeurs promues de force et avec obstination par l'Occident - LGBT, migration incontrôlée, légalisation de toutes sortes de perversions, culture de l'abolition (= cancel culture), purges brutales et répression de tous les dissidents, perte des principes humanistes et volonté d'évoluer vers la domination par l'intelligence artificielle et par le transhumanisme - ont encore réduit le prestige de l'Occident aux yeux de l'humanité mondiale. L'Occident n'est plus le modèle universel, l'autorité suprême ou le modèle à suivre.

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Ainsi, en opposition à l'hégémonie unipolaire, un nouveau monde multipolaire est né. C'est la réponse des grandes civilisations anciennes et originales, des États et des peuples souverains au défi du mondialisme.

Dès à présent, nous pouvons dire que l'humanité globale a commencé à construire intensivement des pôles civilisationnels indépendants. Il s'agit tout d'abord de la Russie, qui s'est réveillée de son sommeil, de la Chine, qui a fait une percée rapide, du monde islamique spirituellement mobilisé et de l'Inde, qui est gigantesque en termes de démographie et de potentiel économique. L'Afrique et l'Amérique latine sont sur le chemin, s'acheminant avec persévérance, vers l'intégration et la souveraineté de leurs grands espaces.

Les représentants de toutes ces civilisations sont aujourd'hui réunis au sein des BRICS. C'est ici que se forment les paramètres du nouveau monde multipolaire, que se développent ses principes, ses valeurs traditionnelles, ses règles et ses normes. Et ce, sur la base d'une véritable justice, du respect des positions des autres, avec de véritables proportions démocratiques et sans aucune tentative de faire prétendre l'un des pôles à l'hégémonie. Les BRICS sont une alliance anti-hégémonique où se concentrent aujourd'hui les principales ressources de l'humanité - humaines, économiques, naturelles, intellectuelles, scientifiques et technologiques.

Le monde unipolaire appartient au passé. Le monde multipolaire est l'avenir.

Si l'Occident renonce à son hégémonie violente et à sa politique de néocolonialisme, s'il reconnaît la souveraineté et la subjectivité de chaque civilisation humaine, s'il refuse d'imposer par la force ses règles, ses normes et ses valeurs, manifestement rejetées aujourd'hui par la majorité de l'humanité, il pourrait devenir un pôle respecté et souverain - reconnu par tous les autres et existant dans le contexte d'un dialogue amical et égalitaire entre les civilisations.

Tel est l'objectif de la construction d'un monde multipolaire: établir un modèle harmonieux d'existence amicale et équilibrée de toutes les civilisations de la Terre, sans établir de hiérarchies et sans reconnaître l'hégémonie de l'une d'entre elles.

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La plupart des civilisations - russe, chinoise, indienne, islamique, africaine et latino-américaine - se tournent aujourd'hui unanimement vers les valeurs traditionnelles, vers le sacré, vers le contenu spirituel de leurs cultures et de leurs sociétés. Il est impossible de progresser sans s'appuyer sur l'identité profonde; le contraire conduira à la dégénérescence et à la dégradation de l'homme lui-même. Bien que les valeurs traditionnelles diffèrent d'une nation à l'autre, elles ont toujours quelque chose en commun: la sainteté, la foi, la famille, le pouvoir, le patriotisme, la volonté de bien et de vérité, le respect de l'être humain, de sa liberté et de sa dignité.

Le monde multipolaire est fondé sur des valeurs traditionnelles qui sont reconnues et protégées dans chaque civilisation.

L'idée principale de la multipolarité est la paix et l'harmonie. Mais il est évident que tout changement dans l'ordre mondial - en particulier un changement aussi important - se heurte invariablement à une résistance farouche de la part de l'ancienne structure. La vague descendante du monde unipolaire empêche la vague ascendante du monde multipolaire. Cela explique la plupart des conflits actuels - en Ukraine, en Palestine et au Moyen-Orient, l'escalade des tensions dans le Pacifique autour de la Chine, les guerres commerciales, les politiques de sanctions, ainsi que l'amertume et la haine de l'hégémon en déclin à l'égard de tous ceux qui le défient.

Mais le mondialisme unipolaire n'a aucune chance de l'emporter et de maintenir son "leadership" complètement discrédité si les partisans de la multipolarité - et il s'agit de l'humanité globale (et en Occident même, où le pourcentage de personnes sobres d'esprit et dotées d'une conscience indépendante qui ne succombe pas à la propagande est encore très élevé) - se serrent les coudes, comprennent clairement les contours du nouveau monde et se soutiennent mutuellement dans la lutte commune pour un système juste et véritablement démocratique.

C'est l'essentiel aujourd'hui: comprendre les contours du nouvel ordre mondial multipolaire et polycentrique, poser les principes de l'amitié, du respect et de la confiance entre les civilisations, lutter unanimement pour la paix et l'harmonie, renforcer nos valeurs traditionnelles et respecter les valeurs traditionnelles d'autrui.

Si nous opposons tous ensemble la volonté universelle de paix aux instigateurs mondialistes des guerres et des conflits sanglants, aux commanditaires des révolutions de couleur et à la décadence de la morale publique, nous gagnerons sans qu'un seul coup de feu ne soit tiré. L'Occident collectif - malgré son potentiel encore assez important - ne pourra pas s'opposer seul à l'unité de l'humanité.

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Cette année, en 2024, la Russie présidera le groupe BRICS. C'est un acte profondément symbolique. Il y a beaucoup à faire dans cette direction - admettre de nouveaux membres, développer et lancer de nouveaux mécanismes économiques, faire fonctionner les institutions financières (en premier lieu, la banque des BRICS), promouvoir la sécurité et la résolution des conflits, intensifier les échanges culturels entre les civilisations. Mais surtout, nous devrons tous non seulement comprendre, mais aussi développer, créer et établir une philosophie de la multipolarité, apprendre à vivre avec notre propre esprit et procéder à une profonde décolonisation de la conscience, de la culture, de la science et de l'éducation. Au cours des époques de sa domination coloniale, l'Occident a réussi à inculquer à de nombreuses sociétés non occidentales l'idée fausse que la pensée, la science, la technologie, les systèmes économiques et politiques ne sont réellement efficaces qu'en Occident, et que tous les autres ne peuvent prétendre qu'à un "développement de rattrapage", totalement dépendant de l'Occident. Il est temps de mettre fin à cette mentalité d'esclave. Nous sommes l'humanité, les représentants de différentes cultures et traditions anciennes, en aucun cas inférieurs à l'Occident, et à bien des égards supérieurs à lui.

Telles sont les conclusions de notre forum sur la multipolarité. Malgré toutes les différences, nous sommes tous d'accord sur l'essentiel: nous entrons dans une nouvelle ère et ce qu'elle sera dépend de nous-mêmes et de personne d'autre.

Nous créerons l'avenir ensemble !

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Le concours Eurovision de la chanson a été créé par l'OTAN

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Le concours Eurovision de la chanson a été créé par l'OTAN

Source: https://geoestrategia.es/noticia/42450/historia/el-festival-de-eurovision-lo-creo-la-otan.html

Lorsque plus de 23.000 documents secrets de l'OTAN ont été déclassifiés et mis en ligne en janvier de l'année dernière, personne n'y a prêté attention. La saturation commence à se faire sentir, tant au niveau des secrets que des révélations.

La déclassification a été effectuée en vertu de la loi américaine, car la période pendant laquelle les documents étaient classifiés avait expiré.

Une école publique de Valence, GBN Gobernantia, spécialisée dans le "leadership et la haute administration", s'est intéressée aux documents et a découvert que l'un d'entre eux ordonnait la création d'un "festival de musique de l'Atlantique Nord", même si, bien entendu, ce n'était pas exactement pour écouter des marches militaires.

L'école a publié le document sur son site web (*), affirmant que le festival devait être l'outil de propagande le plus important créé par l'OTAN pendant la guerre froide.

En 1955, le Comité de la culture et de l'information publique de l'OTAN s'est réuni et, le dernier jour, les membres du comité ont reçu le directeur de la Radiodiffusion-Télévision française, qui leur a parlé d'un projet qu'il essayait de développer avec la BBC : L'Eurovision.

L'idée est de réunir en un seul signal les télévisions des différents pays européens. Il leur montre même une carte avec les liaisons (câble ou radio) qu'il faut techniquement établir.

Le même comité se réunit à nouveau pour créer le "Festival de musique de l'Alliance atlantique" afin d'écouter des groupes de différents pays de l'OTAN.

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Le procès-verbal de la réunion recommande une date précise pour la première édition du festival : avril 1956.

L'année suivante, le procès-verbal d'une troisième réunion du même comité indique que le service d'information de l'OTAN a contacté la BBC pour savoir s'il était possible d'utiliser le réseau Eurovision pour diffuser le festival. La réponse de la direction du radiodiffuseur britannique est sans équivoque : un tel festival est exactement ce qu'ils recherchent pour le diffuser sur le nouveau réseau.

Sur les instructions de l'OTAN, le premier concours Eurovision de la chanson a lieu en mai 1956. L'OTAN a obtenu un outil de propagande à grande échelle ou, pour le dire autrement, un autre lavage de cerveau et une manipulation de masse, comme on peut le voir dans l'édition actuelle.

En résumé, le Concours Eurovision de la chanson a été conçu en 1955 par l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN), sur le modèle du festival français de musique militaire connu sous le nom de "Nuits de l'Armée", qui s'est tenu entre 1952 et 1955.

Ainsi, en 1955 et 1956, le Comité de la culture et de l'information publique de l'OTAN a publié plusieurs documents classifiés donnant les ordres et les conditions de création du "Festival de musique de l'Atlantique Nord", qui devait être diffusé sur le réseau européen de radiodiffusion et de télévision connu sous le nom d'"Eurovision" dans l'Europe contrôlée par l'OTAN, comme moyen de propagande culturelle et idéologique en faveur de l'Alliance militaire de l'Atlantique Nord et pour endoctriner la population de l'Europe occidentale dans l'idée de l'unité culturelle et politique de l'Europe.

Le rôle de l'OTAN dans la création du concours Eurovision de la chanson est resté longtemps inconnu, et pendant des décennies, sa création a été liée à une initiative du monde de la culture et du journalisme, en référence à la réunion organisée à Monaco en 1955 par Marcel Bezençon, président de l'UER.

Voir les documents ICI: https://archives.nato.int/eurovision et ICI: https://www.nato.int/acad/fellow/94-96/preda/029.htm

L'histoire de l'Eurovision

Ce concours musical emblématique est né dans les années 1950 avec la mission d'unir les nations à travers l'Europe en utilisant le pouvoir de la musique. Créé par l'auteur suisse et directeur de l'Union européenne de radio-télévision, Marcel Bezençon, le Concours Eurovision de la chanson a été diffusé pour la première fois en 1956.

Inspiré à l'origine par le festival de musique de San Remo en Italie, l'Eurovision a été l'un des premiers programmes télévisés à être diffusé auprès d'un public international. La première année, le concours était principalement diffusé à la radio, mais une poignée de téléspectateurs européens le regardaient également sur leur petit écran noir et blanc. Aujourd'hui, plus de 65 ans plus tard, l'Eurovision est le concours musical international télévisé le plus ancien de tous les temps.

Les années 1950

Le premier Concours Eurovision de la chanson a eu lieu le 24 mai 1956 à Lugano, en Suisse. La Suisse a été choisie comme lieu du premier concours en raison de sa situation au cœur de l'Europe. C'était donc un choix idéal pour les radiodiffuseurs, qui estimaient qu'ils étaient dans la meilleure position technique pour retransmettre le programme. Créé par l'Union européenne de radio-télévision (UER), le premier concours a été retransmis en direct de la Suisse vers des pays de toute l'Europe. Seules sept nations ont participé au concours de 1956 : les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique, l'Allemagne, la France, le Luxembourg et l'Italie. Le concept original des premières années de l'Eurovision était que chaque pays soumettrait deux chansons et que le gagnant serait choisi par un panel de juges. À l'époque, seuls les artistes solistes étaient autorisés à participer et chaque chanson ne devait pas durer plus de 3,5 minutes. C'est finalement la Suisse, pays hôte, qui a remporté le premier Concours Eurovision de la chanson avec la chanson "Refrain" de Lys Assia.

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Le deuxième Concours Eurovision de la chanson, en 1957, a réuni 10 pays, plus l'Autriche, le Danemark et le Royaume-Uni. Cette année-là, de nouvelles règles ont été introduites : les chansons ne devaient pas durer plus de trois minutes et les pays ne pouvaient pas voter pour leur propre chanson. Ces deux règles sont toujours en vigueur aujourd'hui, 66 ans plus tard ! Les Pays-Bas ont remporté l'Eurovision en 1957 avec la chanson "Net als toen" de Corry Brokken.

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En 1958, le Royaume-Uni s'est retiré du concours et la Suède y a participé pour la première fois. C'est également au cours du concours de cette année qu'a été introduite la tradition selon laquelle le pays vainqueur est l'hôte, et le concours se tiendra aux Pays-Bas. Cette tradition est toujours respectée 64 ans plus tard, mais l'Eurovision 2023 sera organisé par le Royaume-Uni au nom de l'Ukraine. Le vainqueur du concours de 1958 est la France, représentée par André Claveau avec la chanson "Dors, mon amour". L'Eurovision 1958 a également vu la première de la très célèbre chanson italienne "Nel blu, dipinto di blu" de Domenico Modugno, plus connue sous le nom de "Volare". Malgré la troisième place de l'Italie dans le concours, la chanson a connu un succès immédiat auprès du public européen et mondial, à tel point qu'elle est devenue l'une des participations à l'Eurovision les plus réussies de tous les temps !

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Lors du Concours Eurovision de la chanson 1959, le Royaume-Uni, Monaco et le Luxembourg ont décidé de se retirer, ce qui a porté le nombre de pays participants à 11. Le Royaume-Uni a perdu la première place, car les Pays-Bas ont remporté la première place avec la chanson "Een beetje" de Teddy Scholten, devenant ainsi la première nation à remporter le concours deux fois. Depuis, les Pays-Bas ont remporté l'Eurovision à cinq reprises.

Les années 1960

Les années 1960 sont marquées par la participation d'un plus grand nombre de pays. En 1960, le Luxembourg revient au concours en même temps que la Norvège, ce qui porte le nombre total de pays participants à 13. Les Pays-Bas ayant refusé d'accueillir l'Eurovision pour la deuxième fois, c'est le Royaume-Uni, deuxième du classement, qui se charge de l'organisation. La cérémonie a été diffusée par la BBC et s'est déroulée au Royal Festival Hall de Londres. La France a été couronnée gagnante pour la deuxième fois avec la chanson "Tom Pillibi" de Jacqueline Boyer, et a donc organisé le concours l'année suivante. Elle est alors le seul pays à avoir accueilli l'Eurovision plus d'une fois.

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En 1965, l'Eurovision avait atteint une audience massive de plus de 150 millions de téléspectateurs dans le monde entier. Le Royaume-Uni a été couronné vainqueur pour la première fois en 1967 et, en 1968, la BBC a diffusé le concours en couleur pour la première fois. Outre ces événements notables, l'Eurovision a connu de nombreux autres changements dans les années 1960. Le changement le plus important a été l'introduction d'un tout nouveau système de vote. En outre, une nouvelle règle a été ajoutée, stipulant que toutes les chansons devaient être chantées dans la langue maternelle du pays. L'UER a également modifié le jour du concours en le fixant au samedi soir, ce qui est toujours la pratique courante pour la grande finale d'aujourd'hui.

Tout au long des années 1960, de plus en plus de pays ont participé au concours. En 1969, 16 pays de toute l'Europe ont concouru, et quatre pays ont remporté la première place cette année encore ! L'Espagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont été déclarés vainqueurs ex-aequo. C'est la seule fois dans l'histoire de l'Eurovision que plus d'un pays a remporté un concours. C'est également la première fois qu'un pays (l'Espagne) est couronné vainqueur deux années de suite.

Les années 1970

Les années 1970 ont été une décennie de transformation pour le concours Eurovision de la chanson, avec davantage de changements dans le système de vote et des performances incroyablement emblématiques.

Malheureusement, la décennie n'a pas démarré sur les chapeaux de roue en 1970, lorsque de nombreux pays concurrents se sont montrés mécontents de l'égalité à quatre de l'année précédente. La Finlande, la Norvège, la Suède, le Portugal, l'Autriche et le Danemark se sont alors retirés de la compétition, ne laissant que 12 nations en lice. Cette surprise a également conduit à l'introduction d'une nouvelle règle stipulant qu'il ne pouvait plus y avoir de vainqueurs ex aequo. Au lieu de cela, si deux pays ou plus étaient à égalité pour la première place, ils interpréteraient à nouveau leur chanson et il y aurait un nouveau vote. Lors de l'Eurovision 1970, l'Irlande a également remporté sa première victoire. Avec sept victoires au total jusqu'en 2022, l'Irlande est le pays qui a remporté le plus grand nombre de concours Eurovision de la chanson à ce jour.

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En 1971, de nouveaux changements ont été apportés au système de vote, ce qui a permis de dégager un vainqueur clair. Une autre règle a été mise en œuvre pour permettre aux groupes de participer au concours pour la première fois, bien qu'ils soient limités à un maximum de six membres. Cette règle de l'Eurovision est toujours en vigueur aujourd'hui. Ces changements ont permis aux pays qui avaient abandonné le concours en 1970 de revenir, ainsi qu'à Malte pour la première fois, ce qui a porté le nombre total de pays participants à 18.

Les années 1980

Tout au long des années 1980, l'Eurovision nous a offert des chansons qui ont fait le tour des hit-parades et de nombreuses nouveautés. Le Maroc a également fait sa première apparition à l'Eurovision 1980, la première fois qu'un pays africain y participait. Sandra Kim, de Belgique, est devenue la plus jeune gagnante de l'Eurovision à l'âge de 13 ans, menant la Belgique à sa seule victoire à ce jour.

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Les années 1990

Alors que nous entrons dans la cinquième décennie de l'Eurovision, une nouvelle règle est introduite, stipulant que les artistes doivent avoir plus de 16 ans pour concourir. Cette mesure fait suite à la controverse provoquée par les jeunes candidates Sandra Kim, Nathalie Pâque et Gili Netanel. Les années 1990 ont également été une décennie de records. Le nombre de nations participantes est resté stable à 22 au début des années 1990 et a atteint le chiffre record de 23 en 1993.

Un autre moment important pour l'Eurovision dans les années 1990 a été l'introduction du vote électronique. Celui-ci est entré en vigueur en 1997, lorsque le télévote a été testé dans cinq pays, avant d'être mis en œuvre dans tous les pays l'année suivante.

De 1956 à 1998, chaque artiste était soutenu par un orchestre qui avait son propre chef d'orchestre. Cette situation a changé en 1999, lorsque tous les artistes ont été soutenus par une piste d'accompagnement. La règle de la langue a également été abrogée une fois de plus, permettant aux chansons d'être interprétées dans la langue choisie par le pays.

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Les années 2000

Le nouveau millénaire a commencé en fanfare et a apporté avec lui encore plus de changements pour l'Eurovision et encore plus de chansons emblématiques que nous connaissons et aimons encore aujourd'hui. C'est également la première fois que l'événement est retransmis en direct sur l'internet.

Le nombre de pays en compétition a également continué à augmenter tout au long des années 2000, passant de 24 nations en 2002 à 26 en 2003, année où l'Ukraine a fait ses débuts. Ce record a été rapidement battu l'année suivante, en 2004, avec la participation de 36 pays. C'est également la première année où l'Eurovision s'est déroulée sur plus d'une soirée, avec l'introduction d'une demi-finale. Plus tard, en 2007, la deuxième demi-finale que nous connaissons aujourd'hui a également été mise en place. À la fin des années 2000, le nombre de nations participantes a atteint le chiffre record de 43.

Les années 2010

Dès les années 2010, on assiste à l'essor de la musique électronique à l'Eurovision. En 2011, les "Big Four" sont devenus les "Big Five" avec l'ajout de l'Italie. Désormais, chacun des cinq pays accède automatiquement à la finale en direct du concours chaque année, sans avoir à participer aux demi-finales.

La décennie 2020

Cela nous amène à la décennie actuelle et au concours tel que nous le connaissons aujourd'hui. L'année 2021 a été marquée par une nouvelle règle autorisant les artistes à utiliser des chœurs préenregistrés en plus de leur prestation en direct.

Analyse : Un exemple, l'utilisation de l'Eurovision comme arme du soft power du régime Zelensky soutenu par l'OTAN.

À quoi l'Ukraine est-elle le plus souvent associée ? Au cours des trois dernières décennies de l'existence de l'État ukrainien, les réponses à cette question ont souvent été déprimantes et sombres, de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl à la pauvreté, en passant par la corruption et la guerre.

L'Ukraine a pris l'habitude d'exceller à l'Eurovision et l'a souvent fait en affichant un style en totale contradiction avec la sombre image internationale du pays.

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La victoire de Ruslana à l'Eurovision en 2004, l'un des premiers grands succès internationaux de l'Ukraine indépendante, a été une source de grande fierté dans tout le pays. Certains ont même suggéré qu'elle avait contribué à cimenter le sentiment croissant de confiance en soi de la nation qui allait alimenter la révolution orange, qui a curieusement éclaté six mois plus tard. Sans surprise, Ruslana a fait de nombreuses apparitions sur Maidan pendant le soulèvement et a été l'une des célébrités ukrainiennes les plus en vue à soutenir le soulèvement pro-occidental.

La deuxième victoire de l'Ukraine à l'Eurovision a eu lieu 12 ans plus tard, dans des circonstances très différentes. Alors que le pays entrait dans la troisième année d'une guerre non déclarée contre la Russie, la diva tatare de Crimée Jamala a remporté le titre de l'Eurovision en mai 2016 grâce à sa ballade envoûtante "1944", qui racontait l'histoire de la déportation des Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale. Tatars de Crimée.

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La victoire de Jamala a suscité une vive controverse. Ses détracteurs lui reprochaient d'être trop ouvertement politique et de risquer de compromettre la légèreté du concours de la chanson. En dépit de ces critiques, "1944" s'est avéré être une victoire importante pour l'Ukraine en termes de "soft power". La chanson a attiré l'attention de la communauté internationale sur le sort supposé des Tatars de Crimée "vivant sous l'occupation russe en Crimée". Elle a également sensibilisé le public aux "crimes soviétiques contre l'humanité". Comme vous pouvez le constater, tout cela est tout à fait dans l'esprit de l'OTAN.....

L'apparition de Verka a également donné lieu à l'un des conflits politiques les plus mémorables de l'histoire de l'Eurovision, lorsque des sources russes ont protesté contre le fait que la chanson ukrainienne comprenait les paroles "Russia, goodbye" (Russie, au revoir).

Le concours Eurovision de la chanson a contribué à présenter au monde extérieur le régime liberticide de Kiev. Bien sûr, il y a quelque chose de légèrement ridicule à prendre l'Eurovision au sérieux. Mais en même temps, on ne peut pas nier l'impact que ce concours a eu sur le profil international de l'Ukraine. Le concours Eurovision de la chanson 2023 a attiré 183 millions de téléspectateurs... qui ont avalé la propagande conçue et fabriquée dans le cadre des sinistres convoitises de l'OTAN.

 

L'émergence des États-civilisations

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L'émergence des États-civilisations

par Salvo Ardizzone

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-emergere-degli-stati-civilta

L'unipolarité américaine a conduit à l'établissement du mondialisme, de l'impérialisme et de l'universalisme. Mais le coût du maintien du statu quo des superpuissances augmente de plus en plus vite par rapport à la capacité (et à l'opportunité économique et politique) de le maintenir. L'avènement du multipolarisme est imminent, avec comme protagonistes les Etats-Civilisations, qui ont une culture capable d'unir des populations même diverses, d'articuler des stratégies expansives sur de vastes territoires qui tendent à "s'ordonner" selon leurs propres règles, avec une gestion particulière des ressources et des économies. C'est le rejet des normes occidentales et de l'axiome selon lequel pour se moderniser, il faut s'occidentaliser.

Prémisses

La décomposition de l'unipolarité conduit à une transition hégémonique, un transfert de pouvoir historique qui nous conduit en "terra incognita", que la plupart qualifient hâtivement de "multipolarité", qu'ils le veuillent ou non, et qui a été absente du monde pendant au moins 80 ans. Essayer de comprendre les motivations et les mécanismes du phénomène en dehors de la simple affirmation politique - ou de l'affirmation pure et simple en l'absence de contenu - permet d'appréhender les contours et les caractéristiques de ce qui est en train d'émerger.

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Dans un précédent article, nous avons longuement traité de la manière dont l'unipolarisme américain a déterminé l'instauration du mondialisme, de l'impérialisme et de l'universalisme par le recours aux trois types de guerres hybrides que sont respectivement le marketing global, la guerre économique et la guerre cognitive. Avec la première, il a pris le contrôle des marchés mondiaux en exportant une vision - si l'on peut dire - du monde et certainement un style social ; avec la deuxième, il a atteint l'objectif de réaliser ses propres intérêts économiques aux dépens des économies des autres ; avec la troisième, il a imposé un modèle social et culturel incontestable, le seul admis et considéré comme acceptable, par la manipulation des esprits.

Cela aurait créé un système hégémonique destiné à durer très longtemps, si les États-Unis n'avaient pas brisé la dynamique du pouvoir en l'exerçant à leur manière. Tant que les empires existent dans l'histoire, ils alternent physiologiquement des phases d'expansion qui se métabolisent en phases successives de consolidation. Il est évident qu'un empire nouvellement formé, comme l'étaient les États-Unis en 1945, avait une approche dynamique autant qu'expansive, qui, cependant, a eu pendant plusieurs années un frein - nous dirions un sens nécessaire de la limitation - dans le duopole avec l'URSS, avec laquelle il partageait le monde plus ou moins consensuellement (en tout cas de manière spéculative).

Le fait est que l'implosion de l'URSS a fait disparaître ce sens de la limite, transformant le dynamisme américain en frénésie expansionniste, en sentiment de toute-puissance absolue. Négligeant, et refusant, toute phase de consolidation et s'engageant ainsi dans une certaine surenchère. Exactement ce que subissent aujourd'hui les États-Unis à cause des "guerres sans fin" dans les domaines militaire, économique et culturel avec un monde désormais trop vaste (plus de 8 milliards d'êtres humains) et trop segmenté (près de 200 États sans compter de nombreux sujets politiques non étatiques pertinents) pour être gouverné de manière unidirectionnelle par un seul centre de prétendu pouvoir.

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Une dérive grandement accélérée par l'utilisation dysfonctionnelle et compulsive de la puissance dure à laquelle ils ont recours. La doctrine voudrait (et la recherche historique le confirme) que l'utilisation d'une telle déclinaison de la puissance marque le changement de la phase géostratégique du système qui l'emploie, de l'expansionnisme à la consolidation ou vice versa. Une période limitée pendant laquelle la puissance dure est exercée pour atteindre un objectif suivi d'un nouvel équilibre du système, et ce parce qu'elle obéit au principe d'efficacité, c'est-à-dire qu'elle vise un certain résultat indépendamment du fardeau qu'elle implique. En bref, elle coûte beaucoup plus que les gains et n'est donc pas viable à long terme parce qu'elle s'épuise. Les États-Unis, en revanche, l'utilisent depuis longtemps pour renforcer la prétention expansionniste d'un empire qui s'enfonce dans une crise manifeste, en refusant les postures de consolidation. En d'autres termes, ils persévèrent et augmentent une extension excessive qui s'est déjà avérée insoutenable. Cela signale un échec - pire, un manque - de la géostratégie, car elle enfreint sa première loi: elle prêche que les objectifs doivent de toute façon être paramétrés en fonction des ressources, en les orientant obstinément à 360 degrés à travers le globe, comme c'est devenu le cas aujourd'hui, ne poursuit pas un but, mais une chimère.

Tous les empires ont eu et ont des points critiques, par exemple dans le cas de l'empire espagnol, l'incapacité à utiliser les énormes ressources dont il disposait était frappante, et qu'il a simplement gaspillées (toujours pour des raisons structurelles), une dynamique qui, à long terme, a provoqué son déclin. La différence réside dans la rapidité de la décadence et dans la capacité ou non de résistance et de résilience à s'opposer aux forces en présence et à s'adapter au changement dans des périodes prolongées de difficultés. L'exemple est celui de l'Empire romain, qui a su changer de peau à plusieurs reprises - et pas seulement - pour survivre à travers les siècles. L'empire américain montre qu'il ne sait pas le faire et se dégrade avec une rapidité étonnante. Et cela est lié à son essence, à la nature de l'empire qu'il a construit et à sa façon de le diriger : en d'autres termes, à la façon dont les États-Unis comprennent cultus, oikos et stratos, c'est-à-dire la géoéconomie, la géoculture et la géostratégie. Ce qui signifie en pratique une matrice libérale, déclinée en versions conservatrice et libérale (Géoculture), une pratique néolibérale (Géoéconomie) et l'expansionnisme inhérent à une nation qui se sent "exceptionnelle", investie de la "destinée manifeste" de dominer le monde (Géostratégie).

Pour l'observation géopolitique - qui s'efforce de garder la tête froide en enquêtant sur les faits et en étudiant leur dynamique - ces caractéristiques bizarres de l'empire américain ne signalent pas un phénomène contingent, mais configurent le dysfonctionnement structurel de son système, qui tend à ignorer les limites, à nier la dignité ou l'existence possible de l'autre (qui existe, et comment !), pour poursuivre le profit le plus immédiat. Se privant ainsi conceptuellement d'une vision prospective au-delà d'aujourd'hui. S'interdisant une pensée stratégique tournée vers les conséquences. Au lendemain et même à l'après-demain, catégories de temps exclues.

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Les résultats sont évidents : après avoir atteint l'apogée du Globalisme (intersection maximale de l'assimilation et du libéralisme), dans la doctrine appelée "Clé de Wallerstein", le Global Marketing le plus extrême devient prévisible par les concurrents et les adversaires - il se révèle dans sa dynamique - donc moins incisif, provoquant dans le monde des réactions opposées de plus en plus efficaces et lassantes pour l'Hégémon. Cela redessine la polarisation de la domination économique et culturelle qui migre vers d'autres lieux, vers d'autres pôles d'irradiation. Cette dynamique est déjà en marche depuis des années, accélérée par les pratiques de "reshoring" et de "friendshoring" mises en œuvre par les Etats-Unis qui, pour se défendre et frapper les pays considérés comme "révisionnistes" parce qu'ils contestent leur prétendue "suprématie quand même", tentent de redessiner les "supply chains", c'est-à-dire les chaînes d'approvisionnement en produits et en services. Ils cassent les chaînes existantes avec des résultats euphémiquement décevants, qui se retournent contre eux et ceux qui les suivent. En fait, sur l'empire américain dans son ensemble.

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De même, après avoir atteint le point le plus avancé de l'impérialisme (le point d'intersection extrême entre le libéralisme et l'expansionnisme), appelé la "clé de Gilpin", les coûts du maintien du statu quo augmentent de plus en plus rapidement par rapport à la capacité (et à l'opportunité économique) de le maintenir. Cela conduit à la contraction forcée - également géographique - de l'empire, qui est contraint d'abandonner à d'autres des parties de plus en plus importantes de son ancienne sphère d'influence. À ce stade, les mesures mêmes que l'empire prend pour imposer sa propre économie et réprimander la montée d'autres puissances - ou les punir pour leur "rébellion" - finissent par se retourner contre lui. A titre d'exemple, l'usage compulsif des sanctions qui, en plus de s'avérer de moins en moins efficace en raison du nombre important - et croissant - de sujets sanctionnés, a rendu la dédollarisation de plus en plus commode, lui donnant ainsi un fort coup d'accélérateur. Ce qui affaiblit le principal pilier sur lequel repose la puissance américaine.

Enfin, le sommet de l'action combinée de l'expansionnisme et de l'assimilation configure l'universalisme, l'expression la plus élevée de l'envahissement parce qu'il vise les esprits, dans le but de les modeler à sa propre convenance. La "clé de Huntington" en est le point extrême, l'aboutissement de la guerre cognitive menée dans cette sphère, où la propagande diffusée par l'empire - la vulgate dominante - perd rapidement sa crédibilité, tombe dans la caricature et s'effondre. Les gens se désintéressent du récit précédemment dominant et se tournent vers d'autres vulgates. Il suffit de regarder autour de soi pour s'en rendre compte.

Ceux qui l'ont et s'y accrochent encore retourneront à leurs racines, ou à ce qu'ils croient être leurs racines (il y a une grande différence sur laquelle nous reviendrons), en tout cas en retirant sans esprit critique leur soutien à l'empire ; une dynamique qui crée des fractures externes, soustrayant des parties croissantes des domaines à son contrôle et à son influence, remettant en question son hégémonie, et internes - encore plus insidieuses - parce qu'elle brise les fondements et le pivot du pouvoir. Elle sape la justification du prix que les citoyens sont invités à payer pour maintenir l'empire. Il suffit de regarder la situation intérieure des États-Unis pour en avoir un exemple détaillé.

C'est à partir des conséquences de l'effacement de la mondialisation, de l'impérialisme et de l'universalisme que s'amorce l'émergence d'États-civilisations. Un phénomène qui contraste encore davantage avec les caractéristiques de l'empire américain.

L'émergence des États-civilisations

Les États-civilisations sont des puissances dont l'influence s'étend bien au-delà de leurs propres frontières - parfois de leur propre souche ethnolinguistique - façonnant les pays étrangers voisins, parfois même des territoires de référence plus lointains. C'est le retour du concept de zone d'influence, anathème pour les oreilles libérales qui considèrent la planète entière comme leur zone d'apanage indistincte. Il en résulte que la partie du monde où règne la démocratie libérale tend à se reconnaître dans l'unipolarité américaine et l'ordre fondé sur des règles qu'elle impose, tandis que les États-civils comprennent l'ordre mondial - le "Nomos de la Terre", pour citer Carl Schmitt - comme multipolaire, ou plutôt polycentrique.

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Plus précisément, les États-civilisations ont une idée d'eux-mêmes, de leur propre "être dans le monde" ; ils ont une culture capable d'unir des populations même diverses, d'articuler des stratégies expansives sur de vastes territoires qui tendent à "s'ordonner" selon leurs propres règles, avec une gestion particulière des ressources et des économies. En bref, ils ont une "vision" qu'ils déclinent en fonction de leur propre géoculture, géostratégie et géoéconomie. Ils possèdent ainsi tous les ingrédients d'une souveraineté accomplie, fondée sur des valeurs substantielles non négociables déduites de leurs traditions respectives, telles qu'elles ont été articulées par eux (et en eux) tout au long de l'histoire.

En raison de ces particularités innées, chacun des États-civilisations possède une identité distincte, non superposable aux autres. Et au nom de cette identité, qui - il faut le souligner à nouveau - ne se négocie pas, ils se placent en opposition naturelle au prétendu universalisme occidental, qui vise à établir (aujourd'hui, en fait, il tente avec un échec croissant de maintenir) les mêmes principes sur l'ensemble de la planète. De même, ils tendent à rejeter le mondialisme, en rejetant son contenu culturel et en maintenant les mécanismes économiques et commerciaux qui leur conviennent, et moins à accepter l'impérialisme, qu'ils rejettent catégoriquement, acceptant les relations sur la base de leur propre utilité et de leur cohérence avec les intérêts nationaux. Il s'agit d'une répudiation des normes occidentales et de l'axiome selon lequel la modernisation passe par l'occidentalisation. De même, l'adoption d'une économie de marché implique nécessairement l'adhésion aux mécanismes libéraux.

Un examen attentif de ce tournant de l'histoire révèle que la concurrence s'exerce entre les cultures et leurs émanations. Dans le monde libéral-démocratique, c'est-à-dire à l'époque du Royaume unipolaire, c'est l'économisme qui caractérise les relations entre les satellites de l'empire, et l'un d'eux est la culture, au singulier parce qu'elle est uniforme et unique pour tous. Un étalon universel auquel tout le monde est censé se conformer, un pur instrument de l'hégémon qui régule tout. Au contraire, ce qui caractérise les relations entre États-civilisations, ce sont les cultures, plurielles, qui nourrissent leurs visions du monde différenciées, leurs projections de soi et leurs modèles de gestion de la société.

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Dans cette perspective, les États-civilisations peuvent être comparés aux anciens empires qui ont gouverné et façonné le monde, mais plus encore - en raison de l'accent exagéré mis sur la géoculture qui les informe - ils devraient être comparés aux grands espaces, au Grossraum théorisé par Carl Schmitt: de vastes zones sur lesquelles les peuples insistent pour avoir des expériences historiques et des relations avec les territoires communs, développant ainsi des cultures contiguës et assonantes. Sur ces bases primaires, constituées par des traditions communes et assimilables, d'autres facteurs d'intégration - multiples - peuvent converger de diverses manières : ethnicité, position géographique, religion, etc. La combinaison de tout cela définit l'"être au monde" qui caractérise la coexistence dans un Grand Espace. Comme l'aurait dit Heidegger, son "Dasein".

Mais pour se définir comme Grossraum, il a besoin d'un tonnage, d'abord culturel, puis démographique, éventuellement économique - après tout, c'est ce qui caractérise le moins ; il a besoin, en revanche, d'un espace homogène, qui accepte et reconnaisse sa propre synthèse politique dérivée, exprimée par un sujet directeur qui la projette sur un vaste territoire, d'où l'action d'une troisième puissance est en principe exclue.

Mais pourquoi les États-civilisations émergent-ils aujourd'hui, se proposant à nouveau comme acteurs principaux de l'Histoire, alors qu'il y a seulement quelques décennies, certains affirmaient qu'elle était finie ? L'explication réside dans les cultures - plus précisément les géocultures - qui ont réapparu lorsque la géoculture dominante a montré des limites et des insuffisances croissantes. Le fait est que la culture d'un peuple joue un rôle irremplaçable dans la résilience sociale et politique de sa nation. Une culture forte et profondément enracinée est capable d'interpréter la réalité changeante en traduisant les stimuli et les événements en facteurs de force, en intégrant d'autres éléments, en les "métabolisant" dans son propre univers de valeurs et en apportant des réponses cohérentes à la contemporanéité changeante. En ce sens, l'exemple de l'Empire romain est une fois de plus typique, capable pendant de longs siècles d'utiliser et de faire siens les ingrédients les plus divers considérés comme utiles pour "vivre avec son temps", sans rien perdre de sa propre essence.

Dans le tempérament actuel de l'Occident, il convient de rappeler que la civilisation est le fruit de ressources spirituelles (relatives à la sphère culturelle au sens large) et de ressources matérielles (relatives à la puissance économique et militaire) ; sa capacité à s'affirmer en est la conséquence combinée. Transposée dans la sphère géopolitique plus froide, la géoculture se rapporte à ce que l'on appelle la "sphère spirituelle", qui oriente et légitime ce que l'on appelle l'"arc matériel", c'est-à-dire la combinaison de la géostratégie et de la géoéconomie. Sans une géoculture capable de maintenir la cohésion d'une nation et de se projeter hors d'elle, en trouvant une acceptation positive dans les sphères auxquelles elle s'adresse, la géostratégie et la géoéconomie sont vaines, ou du moins paralysées. Réduites à la seule force brute, elles sont donc condamnées à s'effondrer par épuisement.

Ouvrant une parenthèse nécessaire, nous constatons combien le rapport au sacré est un élément essentiel de la résilience de toute société ; son abandon, voire son dépérissement, affecte fortement l'expression de la culture d'un peuple, donc la possibilité qu'il a d'articuler une Géoculture qui - sans l'élément du sacré - est tout simplement vide. En effet, c'est elle qui donne sens et cohésion à la communauté ; déclinée à un niveau supérieur, à la nation et à l'État qui l'administre ; l'étude de l'histoire nous apprend que ce n'est pas sur les individus qu'un pays peut se maintenir, mais - précisément - sur le sens de la communauté. Il ne s'agit pas ici d'une religion unique, mais de la manière dont les peuples déclinent et vivent le sacré, évidemment chacun à sa manière, en cohérence avec ses propres sensibilités et cultures sédimentées au fil des siècles.

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L'Occident a éliminé le sacré, le reléguant tout au plus à une pratique religieuse superficielle, tolérée quand elle n'est pas critiquée, le tuant ainsi et décrétant en même temps la mort du sens de la communauté. C'est peut-être le plus remarquable des changements dans l'histoire de sa civilisation. Pendant un certain temps, les sociétés occidentales ont remédié à la situation en substituant des idéologies, mais après les avoir également éliminées, il ne restait plus rien pour donner le ton de base sur lequel articuler une culture unificatrice et, à partir de là, définir une géoculture. Cela a sanctionné sa propre faiblesse structurelle, c'est-à-dire une extrême vulnérabilité face aux réalités tierces. Ce n'est pas un hasard si la situation des États civilisés est inverse : dans chacun d'entre eux, le sens du sacré est fort, du moins son influence concrète sur la nation. Il suffit de regarder les réalités russes ou turques où la sphère religieuse est un puissant instrument de cohésion ou de projection, dans le cas de l'Iran elle est même un élément fondateur. L'Inde aussi, malgré des fractures internes, s'appuie sur l'hindouisme pour se donner une âme et donc une force ; en Chine, c'est sur le substrat culturel confucéen, sur la prééminence naturelle de la communauté sur l'individu qui en est détaché, que s'appuient les politiques qui ont fait leurs preuves.

Mais pour en revenir à notre récit, il résulte de ce qui a été dit jusqu'à présent que la transition hégémonique actuelle ne verra pas l'émergence d'un nouvel hégémon mondial, ce qui contredirait l'essence des États civilisationnels, qui se fondent au contraire sur les "différences" plutôt que sur leurs particularités. D'autre part, si l'on reprend l'exemple de l'Empire romain - qui, sous les latitudes occidentales, reste un exemple d'empire -, il est vrai qu'il s'est déclaré universel, mais sur cette partie du monde, il a ordonné et façonné en fonction de son propre horizon de valeurs. Comme nous l'avons dit précédemment, l'idée d'empire est unique mais, comme la Tradition, elle trouve des voies et des formes différentes selon les contextes dans lesquels elle se produit, c'est-à-dire selon la culture qui les caractérise.

Pour ces raisons, l'ordre mondial qui se dessine repose plutôt sur un Polycentrisme, constitué - précisément - par les différents Etats-Civilisations, auxquels est sous-jacent un réseau multiforme et différencié de relations horizontales et verticales : d'abord entre eux, puis entre eux et les entités politiques proches ou hors de leur sphère d'influence ; ensuite, entre les sujets qui restent en dehors des Etats-Civilisations. Un ordre régi par un retour au Droit international, depuis longtemps remplacé/employé par l'ordre régalien de la bannière étoilée, et par ses propres normes, non celles des autres. Un état du monde qui, pour l'œil habitué à l'hégémonisme mondial (et oublieux de la condition d'assujettissement qui en découle), apparaîtra comme une confusion totale annonciatrice de craintes mais qui, qu'on le veuille ou non, pour les acteurs politiques accomplis et dotés de souveraineté, représente une normalité qui archive le prétendu Unipolarisme, lui-même une anomalie dans l'Histoire du monde.

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A bien y réfléchir, l'argument selon lequel un tel système conduira à plus de guerres ne semble pas non plus convaincant, et ce pour des raisons différentes. La multiplication actuelle des conflits est générée par la rébellion du monde - ou, du moins, d'une partie beaucoup plus importante de celui-ci - contre un hégémon qui ne se résigne pas à réduire ses prétentions à la domination, parce qu'il se considère comme le numéro un ou rien. C'est le refus d'une partie croissante de l'humanité de se soumettre aux règles américaines et de se conformer à des normes étrangères à elle-même et à d'autres qui arrangent les conflits ; prétendre que pour les éliminer il faut accepter la soumission est une idée bizarre qui contredit l'Histoire, à commencer par le processus pas si lointain de la décolonisation, et nie la souveraineté même des nations et le principe de l'autodétermination des peuples. Et ce n'est pas tout.

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C'est la démocratie libérale américaine, alors représentée par Woodrow Wilson, qui a réintroduit le concept de bellum justum, à Versailles en 1919. En citant à nouveau Carl Schmitt, nous constatons comment, depuis lors, la puissance américaine montante a instrumentalisé le concept de jus in bello, c'est-à-dire de conflit régi par le droit international, pour le remplacer - précisément - par celui de bellum justum, guerre juste, qui n'envisage donc pas de justus hostis, d'ennemi juste et légitime, et qui porte inséparablement avec lui la justa causa, la justification de tout ce qui est fait pour cette prétendue bonne fin.

Les passages sont évidents : qu'elle soit déclarée ou subie importe peu, une guerre juste est de toute façon menée au nom du "bien", contre un ennemi qui, à ce stade, est configuré comme "mauvais" ; le détruire, l'anéantir de quelque manière que ce soit est licite, c'est même une conduite "moralement" obligatoire. De toute évidence, il s'agit d'un concept visant à déshumaniser l'adversaire en le diabolisant, rendant ainsi son anéantissement dû et méritoire, quels que soient les moyens utilisés. C'est ce qui sous-tend le double standard systématique que les médias dominants des démocraties libérales ont adopté à l'égard des combattants de la liberté dans les guerres sans fin. Selon lui, il y a de mauvaises bombes, celles de l'ennemi, et de bonnes bombes, nécessaires, en tout cas justifiées, depuis celles de Nagasaki et d'Hiroshima jusqu'à celles qui tombent sur Gaza, en passant par les innombrables morts des villes européennes rasées entre 1943 et 1945, en Corée, au Vietnam, en Serbie, en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Syrie, au Yémen, en Ukraine et ainsi de suite.

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En regardant les chroniques mondiales, il apparaît que c'est essentiellement l'Hégémon qui a mené des guerres pour affirmer ses intérêts, en se prévalant d'une légitimité morale supérieure. Projection maximale de la guerre cognitive qui, cependant, fonctionne de plus en plus mal à l'heure actuelle. Contrainte aujourd'hui à l'overdose jusqu'à la caricature, jusqu'à la propagande pure et simple, elle finit par être, avant d'être inutile, contre-productive. Elle suscite un rejet qui vire à l'aversion croissante dans les pays où sa propre culture est capable de la décoder - le Sud en général, les Etats-civilisations en particulier ; elle manifeste une désaffection au sein d'un Occident désormais dépourvu de géoculture propre.

Face aux récits dominants, les États occidentaux sont partagés entre le scepticisme et le désintérêt pour la population. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'un consentement passif, résiduellement actif, en raison de l'absence manifeste d'un récit qui est maintenant manifestement usé et complètement détaché de la réalité. La gestion lunaire de la pandémie y est pour beaucoup, qui a généré dans de vastes pans de la société d'abord des doutes, puis de la suspicion, puis de l'aversion. Il s'agit d'une dissidence qui reste néanmoins à l'état magmatique en raison de l'incapacité à s'unir en un front solide, en raison de l'absence d'une culture commune complète et des fractures qui en résultent au sein de la société.

La culture, la vision du monde, l'identité profonde et donc non pas individuelle mais communautaire, ont été complètement stérilisées après trois générations d'imposition de la géoculture de l'autre. L'adhésion instinctive à des fragments du passé ne sert à rien, ce ne sont que des reflets d'époques révolues, sans racines et donc incapables d'interpréter pleinement le présent, de donner une idée de soi et de l'âme aux nations. Il est encore moins possible d'emprunter le monde des valeurs des autres, comme certains le font en regardant d'autres États-civilisations. La géoculture est essentielle pour unir une nation, pour construire un État autour d'elle, mais c'est un fruit indigène qui met longtemps à mûrir - si tant est qu'il existe - et dont l'importation est interdite sous peine d'asservissement. En terre d'Occident, on en fait l'expérience depuis trop longtemps.

Comment le monde change

De ce qui vient d'être dit, on voit bien qui peut s'élever au rang d'État-civilisation : la Russie, la Turquie, l'Iran, l'Inde et la Chine en sont les exemples paradigmatiques, malgré leur extrême diversité, et il ne saurait en être autrement. Plus et plus tôt que leur trajectoire unique, il est intéressant de voir comment leur ascension déconstruit les équilibres antérieurs du monde et redessine les sphères et les zones d'influence, autrefois caractérisées par une puissance hégémonique unipolaire incontestée, aujourd'hui en contraction. Une capacité d'irradiation qui s'imbrique diversement selon les différents intérêts dont les nouveaux acteurs principaux sont porteurs, et qui trouve des synergies.

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Bien qu'ils adhèrent également à des formats dérivés de l'ordre américain (G20, FMI, BMI, etc.), les États-civilisations préfèrent se regrouper au sein d'organismes alternatifs (BRICS, OCS, AIIB, etc.), car ils rejettent le concept d'appartenance à un bloc, mais conçoivent plutôt les forums qu'ils créent comme des espaces d'interaction pour parvenir à une convergence d'intérêts, des instruments d'affirmation collective. En fait, il s'agit de consortiums composés de porteurs de demandes différenciées - parfois même opposées - qu'ils aspirent à cultiver de manière autonome, en rejetant les prétentions hégémoniques des autres, quelle que soit la manière dont elles sont formulées. De même, ils contestent les dispositifs actuels qui régissent le Droit International et l'ONU, encore cristallisés sur des règles vieilles de 80 ans, conçues pour un monde qui n'existe plus, qui continuent d'attribuer des avantages disproportionnés à certains sujets (voir la permanence du droit de veto et les sièges permanents au Conseil de Sécurité attribués à des puissances comme la France et la Grande-Bretagne, aujourd'hui marginalisées). Nous ne nous attarderons pas sur ces questions, qui ont déjà été abordées en partie à d'autres occasions et qui, de toute façon, nécessiteraient une étude approfondie, mais nous préférons souligner les tendances de fond particulières qui sont en train d'émerger.

Deux dynamiques principales se dégagent aujourd'hui : la première est le déplacement du centre de gravité du monde de la zone atlantique vers la zone pacifique, aujourd'hui, plus largement, indo-pacifique. C'est la fin de l'ère indo-pacifique et de ce qu'elle avait impliqué pendant des siècles : un monde centré sur le commerce entre les deux rives de l'Atlantique, d'abord pour assurer les ressources et les débouchés démographiques de l'Europe, puis - avec la migration vers l'Ouest du pouvoir thalassocratique - pour établir le nouvel empire américain dans lequel l'Europe s'inscrivait. C'est ainsi que s'est constitué un bloc de puissance qui, dans sa phase primaire, a couru le monde en cohabitant avec l'URSS et, plus tard, après l'implosion de son rival, a étendu sa domination à l'échelle mondiale. Une dynamique que nous avons déjà décrite en détail.

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Le fait est que, pour paraphraser Halford Mackinder, au cours des dernières décennies - et de plus en plus rapidement - le cœur de la gestion du monde a migré vers la mer de Chine et ses annexes, un quadrant qui est rapidement devenu le plus dynamique et le plus riche de la planète. De l'Indonésie au Japon, de l'Inde à l'île-continent Australie, en passant par la Corée du Sud, Taiwan, le Vietnam, la Malaisie et Singapour, une multitude de pays déjà en pleine ascension et projetés vers de futures affirmations entourent ces eaux - et ces routes - aujourd'hui de loin les plus cruciales pour ce qui s'y trouve en marge et y passe.

Il y aurait beaucoup à dire sur les différentes dynamiques qui ont provoqué ce changement radical, mais pour être bref, disons seulement que ces acteurs ont fait le meilleur usage des instruments de la mondialisation, bien que de manière différenciée. Certains s'y reconnaissant pour des commodités diverses, mais avec des distinctions (Japon et Corée du Sud), d'autres par conviction et par contiguïté (Australie), d'autres encore rejetant le message géoculturel implicite mais profitant pleinement des mécanismes économiques et financiers. Le fait est que, dans l'ensemble, c'est la Chine qui a émergé en termes de taille, de réalisations et de perspectives. Une montée en puissance perçue par l'hégémon comme doublement dangereuse car elle s'est produite dans un quadrant du monde devenu crucial.

Pour les États-Unis, le Pacifique - ou plutôt, désormais élargi à l'Indo-Pacifique - est le jeu de toute une vie ; contenir la Chine est perçu comme un objectif auquel on ne peut renoncer, sous peine d'abdiquer leur prétention à être un hégémon éternel, un désastre considéré comme plus important que les conséquences économiques désastreuses d'un affrontement frontal. Mais les ressources et l'attention manquent à Washington, absorbé et distrait par les nombreux conflits et crises qui continuent de bourgeonner dans le monde, raison pour laquelle on ne se lasse pas de forger des pactes et de lancer des initiatives entre les acteurs de la zone pour s'opposer à Pékin : l'AUKUS, le QUAD et les nombreux autres entrepris dans le Pacifique vont dans ce sens. Mais il y a beaucoup de mais.

La puissance économique et commerciale de Pékin, couplée à son extraversion politique, suscite des réactions bipolaires chez ses voisins. Ceux-ci ne peuvent se passer du potentiel du système chinois, mais craignent sa taille et sa posture. Pour eux, l'idéal serait de maintenir le statu quo, il est hors de question de s'enrôler sans états d'âme sous le drapeau américain (comme les Européens contre la Russie) : ils ont trop à perdre - ils en sont conscients - et ils n'ont pas confiance dans les Etats-Unis. Ils font preuve de beaucoup plus de discernement que l'Europe. Personne n'est donc prêt à partir en guerre pour l'hégémonie américaine, surtout après la fuite de l'Oncle Sam d'Afghanistan, l'abandon substantiel de l'Ukraine et le défi flagrant à la thalassocratie américaine (l'essence déclarée de la puissance américaine) lancé en mer Rouge non pas par une puissance primaire, comme la Chine, mais par le Yémen. Tout le monde, cependant, voudrait que les choses continuent comme par le passé, à l'opposé de ce que veut Washington, car c'est une dynamique qui le voit perdre. Et elle évolue vers une affirmation croissante de la Chine.

C'est pourquoi divers "décideurs" américains commencent à envisager une guerre, à déclencher avant que le renforcement progressif de la Chine ne la rende impossible. Après tout, la géopolitique veut que les transitions hégémoniques conduisent au déclenchement d'un conflit, après que l'intensification maximale des guerres hybrides (marketing global, guerre économique et guerre cognitive) s'est révélée incapable de donner une victoire claire à l'hégémon qui les a déclenchées. Le plus souvent, il s'agit soit d'une attaque préventive d'un sujet dominant sur un sujet émergent, soit d'un conflit déclenché par une puissance montante pour remodeler l'ordre existant. L'histoire montre que sur les 16 dernières transitions de pouvoir, 14 se sont soldées par une guerre. Toutefois, si la perspective de gauche reste à l'arrière-plan, nous doutons d'une évolution immédiate de la confrontation sino-américaine vers un conflit ouvert, en raison de la faiblesse avérée de Washington - dont même lui est conscient pour une fois - et de la patience stratégique traditionnelle de Pékin.

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Avant de poursuivre, il convient de s'attarder - même brièvement - sur les transformations en cours au Moyen-Orient, résultat d'un État-civilisation paradigmatique : l'Iran. S'appuyant sur une géoculture dirigée par une sage géostratégie articulée dans le temps et l'espace, il est en train de provoquer un effondrement irréversible du système d'assujettissement imposé par l'hégémon à l'ensemble de la région. En y regardant de plus près, l'action de Téhéran ne configure pas une projection hégémonique sur le quadrant, mais plutôt l'exportation d'une vision du monde, d'un canon de valeurs traduit en une praxis politique différenciée selon les sphères dans lesquelles elle s'enracine et se développe. Ceci configure un exemple clair d'un Grossraum qui émerge de la déconstruction de systèmes antérieurs d'assujettissement fonctionnels à des intérêts extérieurs à la zone, et gérés sur le terrain par des gouvernements qui leur sont totalement subordonnés.

Une opération qui, malgré toutes sortes d'obstacles, produit à terme l'implosion de la dernière entité coloniale au monde - Israël - et, plus généralement, de la pratique colonialiste menée sous diverses formes par l'Occident dans la région. Elle souligne que la dégradation de l'hégémonisme dans la région est telle qu'elle incite les sujets déjà pleinement inscrits dans le système de domination américain à se repositionner pour trouver une coexistence avec la réalité émergente (cf. Arabie Saoudite, Emirats, etc.).

Ceci dit, la deuxième dynamique primaire qui apparaît comme consolidée dans la transition hégémonique actuelle est celle de la distribution des matières premières et de leur utilisation, que nous nous contenterons ici, en raison de l'immensité du sujet, de rappeler. La pratique néocolonialiste de la période unipolaire voulait que les ressources mondiales soient exploitées par l'Occident et ses appendices pour alimenter leurs économies, où s'accumulait une valeur ajoutée croissante, en laissant des miettes au reste du monde. La situation actuelle évolue dans le sens exactement inverse : en s'orientant vers des États-civilisations, ne voulant plus se soumettre à des pratiques découlant d'intérêts tiers, les pays du Sud mondial redessinent la géo-économie et les flux de matières premières. L'action de l'OPEP, qui s'est transformée il y a des années en OPEP+, qui adopte ses propres politiques et n'est plus l'expression des intérêts occidentaux, est exemplaire à cet égard.

Tout aussi emblématique est l'évolution de l'Afrique, continent symbole du colonialisme puis du néocolonialisme. L'Occident l'a considérée comme un territoire dont il pouvait prélever les ressources à volonté sans rien laisser derrière lui, avec les résultats dévastateurs que l'on connaît, auxquels il a ajouté la prétention d'imposer des normes culturelles et politiques étrangères aux populations. En pratique, elle en a fait l'objet de guerres hybrides impitoyables pour la piller et la contrôler avec les outils de la mondialisation, de l'impérialisme et de l'universalisme. Cette situation a engendré un rejet de l'Occident et des élites locales qui en étaient l'émanation, un sentiment largement répandu qui est à l'origine de la série de coups d'État qui, ces dernières années, a fait tomber tant de régimes fonctionnels pour les intérêts occidentaux, et de l'approbation populaire généralisée qui les a accueillis. Il motive également l'approbation générale des initiatives de la Chine et de la Russie, cette dernière étant clairement perçue comme anti-occidentale.

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La Chine, en particulier, a investi plus de 400 milliards de dollars en Afrique au fil des ans, certes en important des matières premières et en exportant des produits finis, mais aussi en construisant des infrastructures auparavant inexistantes et désormais des usines de transformation des ressources locales, déterminant ainsi la croissance de ces territoires. Un chemin qui n'est pas sans critiques (voir le "piège de la dette"), mais qui sont désormais atténuées par des voies de négociation sans coups de feu ni prétention d'imposer des normes politiques et culturelles de quelque nature que ce soit. Ainsi, l'Afrique (et ses énormes ressources) est destinée à s'intégrer dans une trajectoire de croissance en dehors de l'Occident, sur laquelle - le cas échéant - elle débordera.

Le fait est que l'Occident - en particulier l'Europe - sera privé des matières premières du Sud (le processus est déjà en cours), ou du moins contraint de les payer beaucoup plus cher et de subir la concurrence à venir, sanctionnant ainsi sa désindustrialisation définitive et son effondrement économique. Les initiatives prises par les États-Unis pour remédier à la situation ne sont pas non plus convaincantes: le système américain est déjà largement désindustrialisé depuis plusieurs décennies et la "Rusty Belt" est là pour le prouver. En raison de ses conditions structurelles, il sera très difficile - ou plutôt prohibitif - de redessiner l'économie américaine en réintégrant durablement les productions à moyenne et faible valeur ajoutée: qui voudra réduire aussi drastiquement la rentabilité des investissements dans la patrie du libéralisme ?

Et l'Italie ?

D'un point de vue géopolitique, il n'y a guère de pays dont la trajectoire soit plus clairement marquée par sa position géographique que l'Italie. Mais si cela est clair pour l'observation froide, cela ne l'est nullement pour un pays-système qui est un "acteur changeant" par excellence : enclin à s'aligner sur les décisions que d'autres prennent en son nom, à s'adapter au créneau qui lui est assigné ; bref, à suivre les intérêts des tiers tout en ignorant les siens propres. Dans ce contexte, la stratégie est absente, ou plutôt un objet inconnu d'un établissement incapable d'articuler sa propre pensée parce qu'il a l'habitude d'assumer celle des autres par la soumission.

Indépendamment des jugements de valeur - et il y en aurait beaucoup ! - le fait est que les points de référence de l'Italie sont tous en crise et que ce qui l'entoure a déjà changé et changera encore. Cela implique un certain risque de devenir une proie ou une opportunité théorique d'atteindre (enfin) ses intérêts. Dans la mer qui l'entoure et qu'elle fuit comme si elle était une menace, dans ses voisins étrangers (pensez à l'Afrique, qu'elle ne perçoit que comme un problème qui provoque des migrations, ou aux Balkans), dans le vaste monde dont une économie manufacturière a besoin pour importer des ressources et exporter des produits. Le fait est, cependant, que malgré le fait que l'Italie se considère très petite, elle aurait - si elle s'appliquait et voulait l'utiliser à bon escient - un potentiel géoculturel perturbateur, proportionnellement beaucoup plus grand que sa taille. En ajoutant au mercantilisme un identitarisme que les tiers sont tout à fait disposés à reconnaître, elle pourrait mener à bien un marketing global (très différent du marketing américain, comme on l'a vu, basé sur le libéralisme et l'assimilation) qui, en termes géopolitiques, déboucherait sur un "patriotisme économique", l'opposé spéculaire de la mondialisation. Avoir des capacités de réflexion et de volonté qui - hélas - font totalement défaut.

La réalité dit au contraire que l'Italie, depuis plus de trente ans, et plus que jamais ces derniers temps, a fait des choix de terrain systématiques contraires à ses intérêts les plus fondamentaux, se liant au destin d'un hégémon en détresse manifeste au lieu de se doter d'une autonomie, s'interdisant ainsi de saisir les opportunités du moment et de contrarier les réalités émergentes. En pratique, par ses pratiques serviles habituelles et son incapacité à penser de manière indépendante, elle assume les coûts et les conséquences de conflits sur lesquels elle n'a pas son mot à dire et qui lui font beaucoup de tort. Que pouvons-nous dire ? Si nous ne vivions pas avec : "Meilleurs vœux !"

vendredi, 22 mars 2024

L'énigme Scholz, chancelier par hasard

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L'énigme Scholz, chancelier par hasard

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/enigma-scholz-cancelliere-per-caso/

Olaf Scholz. Ou comment devenir chancelier de la Grande Allemagne par hasard. Tout en se comportant comme un touriste lors de toute visite occasionnelle à Berlin.

Ce n'est pas de la méchanceté. Il s'agit simplement d'une constatation. Le bon Olaf est le personnage le plus terne et le moins impressionnant qui ait jamais résidé à la chancellerie allemande. Un obscur avocat spécialisé dans le droit du travail, originaire de Hambourg. Militant dans sa jeunesse, ne méritant ni infamie ni éloge, au sein des Jusos. Les jeunes sociaux-démocrates les plus radicaux. D'inspiration clairement marxiste.

Mais bientôt, Olaf commença son pèlerinage vers le centre. Vers le marais, pour reprendre un terme cher à Danton.

Et il devint un protégé de Schröder. Ce qui lui vaudra, au fil des ans, le poste de maire de sa chère ville de Hambourg. Et son ascension dans le parti.

Mais il ne tarde pas à abandonner son protecteur. Et de se rapprocher du centre. Du marais des modérés. C'est-à-dire sans position définie. Il prend donc plusieurs positions dans les gouvernements de coalition - compromis historique à la sauce choucroute - menés par la CDU d'Angela Merkel. Et lorsqu'elle se retire enfin, il est là. Personne ne l'aime particulièrement. À l'intérieur comme à l'extérieur du SPD. Mais il n'est pas non plus détesté. Il n'a pas de véritables amis, mais pas d'ennemis jurés non plus. Et c'est ce qui compte.

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C'est ainsi que, sans aucune perspicacité ni mérite particulier, il se retrouve chancelier à Berlin. À la tête d'une coalition composée de la SPD, de la FDP et des Grünen.

Diriger, enfin, en quelque sorte. Boris Pistorius, le ministre social-démocrate de la défense, et Annalena Baerbock, la ministre verte des affaires étrangères dont le grand-père fut un hiérarque hitlérien (ce qui n'est pas un défaut, bien sûr !) font et défont à eux seuls la politique allemande sur la scène internationale.

Tandis que lui, Olaf, fait ce qu'il fait le mieux. Il s'éclipse lui-même. Il joue le rôle du poisson dans le tonneau.

On l'a vu lors de l'épidémie de COVID. Chaque fois qu'il devait prendre une décision difficile, il manquait sa visite. Il s'est fait porter pâle. Atteint du COVID, bien sûr.

Et c'est ainsi que les choses se poursuivent. Hormis une première tentative insipide de faire négocier Poutine et Zelenski - dans le but de sauver le Nord Stream 2 - c'est le silence total. Juste quelques balbutiements pour revendiquer sa loyauté envers l'OTAN. L'étoffe d'une marionnette de ventriloque. Ou pour prendre encore plus de distance avec son ancien mentor Schröder, jugé trop proche de Moscou.

"Maintenant, le chancelier, c'est moi", avait-il déclaré à l'époque.

Personne ne l'a écouté, sinon on aurait été pris d'un fou rire.

De temps en temps, pour être honnête, il jette un coup d'œil hors de Berlin. Pour exprimer des craintes voilées d'un conflit direct avec la Russie. Et pour souhaiter, comme un curé de campagne, la paix. Cela rappelle peut-être vaguement les idées marxistes de sa jeunesse.

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Mais c'est comme s'il ne parlait pas. Pistorius envoie les Panzerdivisionen à la frontière russo-polonaise. Et le Bundestag se prépare à fournir des missiles Taurus à Kiev.

Comparez cela avec son prédécesseur - et même avec Merkel que je n'aimais pas du tout - dans le cas de la guerre du Golfe ou dans les rapports avec la Russie.

Et vous comprendrez que c'est aussi le problème de l'Europe.

Une Allemagne sans chef implique nécessairement une UE sans leadership politique.

Et donc la domination d'un bureaucrate hétéro-dirigé comme l'est von der Leyen.

Je me demande ce qu'en pensent les ombres fantômatiques des anciens chanceliers qui s'agitaient dans les palais de Berlin....

Die Zauberflöte de Mozart corrigée au mode woke - hilarant et dangereux

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Die Zauberflöte de Mozart corrigée au mode woke - hilarant et dangereux

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94

L'opéra Die Zauberflöte de Wolfgang Amadeus Mozart a été créé à Vienne en 1791. Le livret est d'Emanuel Schikaneder. La Flûte enchantée est l'un des opéras les plus connus et les plus joués du répertoire de Mozart. Schikaneder et Mozart étaient tous deux membres d'une loge maçonnique ; de nombreux symboles maçonniques illustrent cette œuvre, dit-on. Un collectif, Critical Classics, soutient aujourd'hui que l'œuvre va à l'encontre des principes de notre époque. Le livret est truffé de discriminations "sexistes et racistes". Critical Classics n'a donc pas trouvé mieux que de publier une "version aseptisée" du Singspiel : Libretto with Annotations.

À droite, la version originale. À gauche, la version de l'œuvre nouvelle. En vert sont soulignés les termes modifiés, en jaune les termes qui ont été conservés mais qui, selon les auteurs, pourraient offenser certaines personnes. Quelques exemples montrent à quels excès hystériques conduit cette idéologie woke : Monostatos, un Maure noir de peau, au service de Sarastro, n'est plus noir, ni serviteur de Sarastro : il est devenu incolore et est un enfant naturel. Pamina n'est plus "charmante" (parce que c'est sexiste), mais "rusée". 

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"Weiss ist schön" - n'est plus autorisé !

La Flûte enchantée de Mozart a été reprise en main par cette troupe d'hurluberlus, à tel point que l'œuvre originale a été sévèrement malmenée. Les trois garçons, qui figurent dans l'œuvre, n'ont plus le droit de dire à Tamino de "se comporter comme un homme", parce que c'est du masculinisme. Il devient donc "courageux". Tamino se souvient de sa leçon et ne dira plus à Papageno d'"être un homme", mais "fort comme un lion". De même, Monostatos ne dira plus "Weiss ist schön" lorsqu'il se pâme devant la princesse. Et même Sarastro ne reprochera plus à Monostatos de dire "Sache que ton âme est aussi noire que ton visage".

La perversité va encore plus loin. Parce que quelqu'un (Qui ? Et à quel titre ? Autorisé par qui pour cela ?) estime que le rôle féminin Pamina ne chante peut-être pas assez dans l'œuvre de Mozart, par rapport aux acteurs masculins - après tout, la parité doit toujours et partout être respectée, n'est-ce pas ? - ils ont ajouté à l'opéra une chanson de Mozart totalement étrangère à La Flûte enchantée, "Nimmt meinen Dank" (KV383), après en avoir modifié les paroles. Le droit d'auteur ne compte apparemment plus, lorsqu'il s'agit de Woke ?

Quand cette folie cessera-t-elle enfin ? Et quand le monde de l'art finira-t-il par y mettre un terme ?

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Le Moyen-Orient : le laboratoire géopolitique du nouveau monde

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Le Moyen-Orient : le laboratoire géopolitique du nouveau monde

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/medio-oriente-il-laboratorio-geopolitico-del-nuovo-mondo

Le déclin de l'hégémonie mondiale des États-Unis sanctionne la fin du siècle américain. Les États-Unis sont à la croisée des chemins : se retirer de la région ou provoquer un conflit de bien plus grande ampleur. Le retour de l'histoire dans les affaires géopolitiques mondiales a rendu un verdict sans appel : l'hégémonie mondiale est impossible. Le monde multipolaire aura pour protagonistes des États-Civilisations installés dans de vastes espaces continentaux, composés des peuples les plus divers, mais unifiés par des valeurs identitaires éthico-politiques communes.

Des séquelles indéchiffrables - Gaza

Gaza est l'épicentre d'un affrontement qui implique l'ensemble du Moyen-Orient comme théâtre d'un conflit géopolitique aux répercussions mondiales. Des acteurs majeurs tels que les États-Unis et l'Iran, soutenus par la Chine, la Russie et d'autres puissances mineures comme l'Afrique du Sud, sont également impliqués dans le conflit entre Israël et le Hamas. La domination sur l'ensemble du Moyen-Orient est en jeu. À Gaza, une phase de la Grande Guerre bat donc son plein.

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Netanyahou est déterminé à remporter une victoire décisive qui implique non seulement l'éradication du Hamas de Gaza, mais aussi la fin de la question palestinienne. Le conflit de Gaza représente l'épilogue d'un dessein politique de Netanyahou et de la droite ultra-orthodoxe israélienne, qui consiste à rendre impossible la création d'un État palestinien. Depuis des décennies, la stratégie de Netanyahou consiste à diviser les Palestiniens en Cisjordanie, sous l'administration de l'ANP, et à Gaza, où l'enracinement du Hamas a été largement favorisé par Israël, en autorisant le transfert de fonds qataris aux Palestiniens. Puisqu'il n'y a donc pas de corps légitime et unifié des Palestiniens, toute négociation aurait été impossible. Par conséquent, la seule solution possible à la question palestinienne aurait été l'occupation progressive de toute la Cisjordanie par les colons israéliens, avec l'émigration massive des Palestiniens eux-mêmes. L'attentat du 7 octobre a constitué une occasion inespérée pour Netanyahou, dont le leadership était déjà largement discrédité et qui faisait l'objet d'âpres protestations populaires, avec des accusations de corruption et de projets de réforme jugés antidémocratiques, de se légitimer en tant que premier ministre d'un gouvernement d'union d'urgence, qui recomposait un pays déchiré par des conflits internes, au nom de la sécurité nationale.

Bien sûr, la fin de la guerre entraînera aussi nécessairement la démission de Netanyahou, qui s'acharne donc à la prolonger indéfiniment, avec le mirage d'une victoire définitive sur le Hamas. Mais cet objectif s'avère impossible à atteindre. Malgré la guerre d'extermination menée par Israël, avec près de 30.000 Palestiniens tués, l'occupation de Gaza n'a détruit que 30% du potentiel de guerre du Hamas, et les données sur les pertes infligées à l'armée israélienne font l'objet d'une censure absolue. Ajoutez à cela que l'expulsion des Palestiniens de Gaza est également impossible, étant donné le refus de l'Égypte et d'autres pays arabes de les accepter. Une nouvelle "Nakba" est hautement improbable.

Séparer la tragédie de la population civile de la guerre "terroriste" du Hamas est totalement infondé. La population palestinienne s'identifie totalement à la cause du Hamas et de l'Axe de la Résistance. Cela justifierait-il alors la guerre d'extermination d'Israël? Le génocide en cours à Gaza, ainsi que le régime d'apartheid imposé aux Palestiniens de Cisjordanie, affecteront profondément les nouvelles générations palestiniennes: le Hamas deviendra un symbole indélébile de la lutte pour la libération de la Palestine. Gaza est un point de non-retour, tant pour Israël que pour l'axe de la résistance. Même en cas de déportation totale des Palestiniens de leur terre, l'identité nationale d'un peuple apatride en diaspora existerait toujours. Exactement comme ce fut le cas pour les Juifs au cours des siècles.

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Plusieurs plans de paix se sont succédé au fil des ans, sans succès. L'échec des accords d'Oslo a marqué la fin de la perspective de deux États. De plus, des projets farfelus de gouvernement pour Gaza avec la participation des Etats arabes et de la Turquie, des revitalisations fantômes de l'ANP (en tant qu'organe représentatif des Palestiniens reconnu à l'ONU mais délégitimé par les Palestiniens eux-mêmes), avec l'adhésion du Hamas, sont hypothétiques. Tous les projets de pacification dans la région ont échoué parce qu'ils ont été conçus sans le consentement des Palestiniens. Au contraire, de tels accords auraient confiné les Palestiniens dans de petites enclaves sans aucune autonomie. La seule solution théoriquement possible serait la création d'un seul État multiethnique sur le modèle sud-africain. Mais compte tenu du climat de haine qui s'est encore renforcé entre Juifs et Palestiniens, cette solution s'avère pour l'instant impraticable. La suite - Gaza reste indéchiffrable.

La victoire stratégique du Hamas

Netanyahou est vivement critiqué pour l'inefficacité dont ont fait preuve les services de renseignement et le haut commandement de l'armée pour empêcher l'opération Al Aqsa de libération des otages détenus par le Hamas. Mais il ne faut pas croire qu'avec son limogeage, la ligne politique d'Israël connaîtra des changements de cap significatifs. Le leadership de Netanyahou a duré (par phases intermittentes) pendant 20 ans en vertu du consensus populaire obtenu et aujourd'hui, la majorité des Israéliens, tout en contestant le premier ministre, selon un récent sondage, approuve à 80 % l'action de nettoyage ethnique menée par Israël dans la bande de Gaza.

Israël considère ce conflit comme une "guerre existentielle", qui s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large impliquant l'ensemble du Moyen-Orient. Ces dernières années, les échecs des interventions américaines en Irak, en Syrie et en Afghanistan ont conduit à un élargissement de la zone d'influence de l'Iran jusqu'à la Méditerranée. Israël, dans cette nouvelle configuration géopolitique du Moyen-Orient, se retrouve isolé, surtout après la paix conclue entre l'Iran et l'Arabie Saoudite avec le parrainage de la Chine et la fin de l'Alliance Abrahamique. L'État juif est exposé à une guerre incessante, quoique de faible intensité, aux frontières du Liban et de la Syrie avec le Hezbollah, à un conflit permanent avec la population arabe de Cisjordanie et est menacé en mer Rouge par les actions des Houthis yéménites. A terme, il pourrait être usé.

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Ainsi, après le prochain bombardement de Rafah et une phase où Netanyahou pourrait médiatiquement faire passer l'opération de Gaza pour une victoire totale sur le Hamas, Israël pourrait viser un élargissement du conflit afin de briser l'encerclement du bloc pro-iranien, ce qui impliquerait nécessairement l'implication directe des Etats-Unis. Mais l'hégémonie américaine au Moyen-Orient est désormais révolue, et les États-Unis n'ont pas l'intention de mener de nouvelles guerres au Moyen-Orient, après des échecs répétés qui ont gravement entamé leur statut de superpuissance.

Ce conflit marque la fin de l'alliance abrahamique. Avec ces accords, également signés par les Etats-Unis, après la reconnaissance de l'Etat juif par les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Maroc, et avec l'adhésion possible de l'Arabie Saoudite, Israël prendrait un rôle de premier plan dans la coalition et le statut de première puissance militaire et financière de la région, dans le cadre de la restauration d'une hégémonie américaine indirecte au Proche-Orient. Après le 7 octobre, Israël est isolé et menacé, dans un contexte de pays hostiles soutenus par les puissances du BRICS+.

Israël a donc adopté une position victimaire, évoquant la mémoire de l'Holocauste, et dans la perspective de la propagande du courant dominant occidental, le génocide de Gaza s'est transformé en une guerre d'autodéfense existentielle contre les Palestiniens et les États islamiques qui menaceraient son existence. Une mystification évidente de la réalité émerge de ce récit médiatique. Hanan Ashrāwī s'exprime à cet égard dans une interview intitulée "The two states will not happen" publiée dans le numéro 1/2024 de "Limes" : "Depuis quand un occupant revendique-t-il la légitime défense contre l'occupé ? Nous en sommes à l'inversion des rôles : la victime est Israël qui se défend contre le Palestinien brutal. Le premier n'existe plus, mais c'est dans ces 75 années précédentes qu'il faut chercher les causes du désastre. Je ne me lasserai pas de le crier : Israël tue, détruit, massacre et continue d'agir en toute impunité. Tout au plus doit-il ne pas en faire trop. Mais quel est le seuil de l'excès ? Dix mille enfants tués? Deux millions de personnes réduites à la famine ? Deux tiers des bâtiments rasés ? Ils ont aussi ouvert le feu sur des civils qui attendaient de l'aide humanitaire. Étaient-ils aussi des terroristes ? La haine, la violence ne naissent pas de rien. Elles sont le fruit empoisonné de la captivité imposée à deux millions de personnes à Gaza et aux populations emmurées de Cisjordanie".

L'opération Al Aqsa du 7 octobre est tout à fait conforme à la stratégie mise en œuvre par le Hamas depuis des décennies. Avant le 7 octobre, la cause palestinienne avait été rayée de l'ordre du jour international. La stratégie du Hamas a toujours consisté à provoquer des événements marquants afin de faire réapparaître la cause palestinienne dans le contexte géopolitique mondial, dans le but d'impliquer la Palestine dans les intérêts et les projets politiques des pays de la région du Moyen-Orient. Du point de vue du Hamas, l'opération Al Aqsa représente donc un succès : la cause palestinienne est devenue décisive pour la reconfiguration politique de la région du Moyen-Orient, ainsi que pour la mise en œuvre des nouveaux équilibres géopolitiques mondiaux qui émergent de la Grande Guerre.

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Les Etats-Unis : une hégémonie mondiale impossible

Le Chaosland actuel découle de la décadence des Etats-Unis, seule superpuissance garante de l'ordre mondial unilatéral. Les États-Unis sont depuis longtemps en proie à une crise d'identité qui a généré une profonde conflictualité au sein de la population. Les mythes fondateurs qui sous-tendaient les valeurs unificatrices dans lesquelles le peuple américain s'est toujours reconnu ont disparu. Le mythe messianique de la destinée manifeste qui légitimait l'expansionnisme américain à l'échelle mondiale a disparu. Les défaites répétées dans les guerres préventives contre les "États voyous" ont profondément affecté l'identité politique et culturelle même des États-Unis.

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La fin de la dissuasion armée de la superpuissance américaine a engendré la Grande Guerre. Comme l'indique Lucio Caracciolo dans l'éditorial "Chronicles from Lake Victoria" du numéro susmentionné de "Limes" : "La cause première de la Grande Guerre est le déclin rapide de l'empire américain. La prétention mondiale a érodé la nation. Elle remet en question son existence. Et révèle son fond maniaco-dépressif. Une maladie des empires, oscillant entre le délire de toute-puissance, avec son excitation psycho-motrice, et la dépression catatonique, qui se manifeste par l'aboulie et la dysthymie. En moins de trente ans, le Numéro Un est passé de l'unipolarité géopolitique à la bipolarité psychique". De l'état dépressif généralisé du peuple américain, les symptômes s'étaient déjà fait sentir lors de la guerre du Vietnam : au fur et à mesure que le mythe de l'invincibilité américaine se dissolvait, le peuple commençait à ne plus se reconnaître dans les institutions de son propre pays. Manifestement, pour les États-Unis, la psycholabilité collective est une caractéristique de leur identité. Cette pathologie a depuis lors contaminé tout l'Occident.

Cependant, la prévision d'un avenir isolationniste pour les États-Unis est peu probable. L'unité nationale américaine elle-même pourrait ne pas survivre à la fin de l'empire américain. Pour les États-Unis, l'expansionnisme fait partie intégrante de leur "être au monde" et il semble donc tout à fait logique qu'ils persévèrent dans la défense acharnée de leur rôle hégémonique dans le monde, qui s'est avéré insoutenable au fil du temps.

Dans le conflit israélo-palestinien, l'hégémonie sur le Moyen-Orient est en jeu entre deux prétendants : États-Unis - Israël et Iran - BRICS. Les États-Unis sont donc à la croisée des chemins : soit ils se retirent de la région, soit ils provoquent un conflit beaucoup plus important.

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L'objectif premier des États-Unis est de contenir l'influence iranienne au Moyen-Orient. En cas de retrait américain de Syrie et d'Irak, les conséquences géopolitiques seraient dévastatrices pour les États-Unis : outre l'isolement d'Israël, un retrait américain donnerait lieu à une expansion économique et politique de la Chine et de la Russie dans la région, renforcerait le statut de la Turquie en tant que puissance régionale et entraînerait la fin de l'influence américaine dans la péninsule arabique, puisque l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis feraient partie du nouvel équilibre géopolitique au Moyen-Orient. De plus, comme après l'abandon de l'Afghanistan, la crédibilité de la dissuasion américaine est déjà au plus bas, pour Biden, un nouveau retrait, même du Moyen-Orient, compromettrait considérablement ses chances d'être réélu à la Maison Blanche.

Ayant échoué dans leur stratégie de domination indirecte, c'est-à-dire exercée grâce à la primauté d'Israël dans la région, les États-Unis, dont l'implication directe dans un conflit plus large est souhaitée par l'État juif, n'auraient plus que l'option de la guerre totale pour restaurer leur hégémonie. Une telle option est impraticable pour les États-Unis. En effet, l'Amérique devrait s'engager dans une guerre contre l'Iran et ses alliés tout en devant contenir la Chine dans le Pacifique (qui est sa priorité stratégique), soutenir l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie, et aussi préserver sa présence dans une Afrique minée par l'expansion des puissances des BRICS. Ce même soutien américain inconditionnel à Israël, en plus de susciter une vaste vague d'antisionisme et d'antiaméricanisme à travers le monde, a eu pour effet de miner sérieusement les relations des Etats-Unis avec leurs alliés arabes dans la région. Ajoutez à cela le fait que le pouvoir thalassocratique américain n'est même plus en mesure de garantir la sécurité des voies de navigation marchande dans le monde. En mer Rouge, la mission Aspides est en cours pour protéger les navires marchands en route entre Ormuz, le golfe d'Aden et Suez, en tant que bouclier naval de défense contre les actions hostiles des Houthis. Une telle situation est d'ailleurs reproductible à l'échelle mondiale, dans tous les détroits océaniques d'importance vitale pour le commerce mondial. Et les foyers de conflits se multiplient partout. La surexposition américaine dans le monde est évidente : l'insoutenabilité de son statut de superpuissance mondiale est la cause de son déclin.

Il faut aussi noter que la stratégie des bombardements aveugles en Irak, en Syrie, en Afghanistan, pratiquée par les Américains et qui s'est avérée perdante, a été reproduite par Israël à Gaza. Une erreur fatale a été commise : le Hamas a été considéré comme un mouvement islamique radical au même titre qu'ISIS, les Takfiri, etc. En plus de ne pas prendre en compte le niveau d'armement et d'organisation bien plus avancé des militants du Hamas par rapport à celui d'ISIS, le grand consensus populaire en sa faveur a été complètement négligé.

L'erreur capitale d'Israël est d'avoir ignoré le fait que le Hamas, tout comme le Hezbollah, les Houthis et d'autres, sont des entités non étatiques profondément ancrées dans le territoire, dotées de classes dirigeantes qui incarnent aujourd'hui l'identité politique et spirituelle de leurs peuples. Associer le Hamas aux bandes de mercenaires égorgeurs d'ISIS révèle le suprémacisme raciste invétéré dont sont affligés tant les États-Unis qu'Israël, unis par un dogmatisme théologique - l'Ancien Testament - qui les empêche d'avoir une vision objective de la réalité historique et surtout de comprendre l'identité et les motivations de l'ennemi.

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En outre, en Israël comme aux États-Unis, la domination de la technocratie a entraîné une absence de stratégie militaire et politique, ce qui ne peut que conduire à une débâcle géopolitique irréversible.

La disparition de l'hégémonie mondiale des États-Unis est un symptôme évident de la fin du siècle américain. Alian de Beniost, dans un livre datant de 1976 et intitulé "Le mal américain", a formulé des considérations sur le destin des États-Unis qui pourraient s'avérer prophétiques aujourd'hui : "L'Amérique d'aujourd'hui est un cadavre en bonne santé. Avec son immense puissance matérielle, avec son extension géographique, avec son goût du gigantisme et avec la fructification de son capital, (tout comme l'Union soviétique) elle a su créer des illusions. En mettant l'accent sur les facteurs matériels, sur les éléments quantifiables, elle a imposé au monde l'idéal de la super-production. Mais cela suffit-il à garantir son éternité ? Prisonniers du désir de <vivre vite> (fast life), les Etats-Unis disparaîtront aussi brutalement qu'ils ont surgi ; plus tôt qu'on ne le pense, peut-être. A l'échelle des nations, ils auront été ce que certains hommes sont à l'ordre des individus : des aboyeurs bruyants et doués, mais qui ne laissent pas de trace parce que leur œuvre est une esbroufe. L'Empire romain, après avoir été une réalité, a été une idée, qui a façonné la vie de l'Europe pendant mille ans. L'<empire> américain ne peut durer que dans son présent. Il peut <être>, mais il ne peut <transmettre>. Ayant tout consommé avant d'arriver à maturité, il n'aura rien à laisser en héritage".

Les États-Unis pourraient être considérés par les historiens du futur comme un phénomène historique rapidement obsolète, au même titre que les biens de consommation du système capitaliste qui, en plus d'avoir détruit les peuples, les cultures, la nature et les ressources, est en train de s'autodétruire avec ses crises progressives. Le retour de l'histoire dans les événements géopolitiques mondiaux a prononcé une sentence sans appel : l'hégémonie mondiale est impossible.

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États-civilisations: le retour de l'idée d'Empire

L'avènement du monde multipolaire préfigure la résurrection de l'histoire sur les cendres d'un monde unipolaire autoréférentiel dirigé par les États-Unis, configuré idéologiquement comme la "fin de l'histoire", auquel succéderait un libre marché mondial inspiré des vieux dogmes idéologiques libéraux "hors de l'histoire".

Les événements qui se sont déroulés dans la région MENA au cours des dernières décennies sont révélateurs d'une nouvelle phase historique qui entraînera une profonde redéfinition de l'ordre géopolitique mondial. La défaite de l'Occident en Syrie et en Irak, ainsi que la fuite des États-Unis d'Afghanistan, ont sanctionné la fin de la stratégie du chaos, mise en œuvre avec les printemps arabes, les révolutions colorées et, avec elles, la fin de l'expansionnisme américain à l'échelle mondiale. La défaite en Syrie pourrait devenir le carrefour de l'histoire contemporaine, le "Stalingrad" des États-Unis et de l'Occident tout entier.

Les guerres de libération du Moyen-Orient ont donné naissance à l'Axe de la résistance, au sein duquel convergent des groupes ethniques, des cultures et des religions différents, mais qui sont unifiés par des intérêts et des stratégies communs.

Une grande guerre est en cours, qui, au Moyen-Orient, est configurée comme une guerre anticoloniale, puisqu'Israël subsiste en tant qu'épicentre de l'hégémonie coloniale occidentale dans la région. La fin du colonialisme est également sanctionnée par le déclin des États du Moyen-Orient, qui ont été créés sur la base des partitions coloniales du siècle dernier. Les États ne disparaîtront pas, mais ils prendront une configuration entièrement différente. De nouvelles patries transnationales fondées sur des valeurs spirituelles, culturelles, identitaires et religieuses sont apparues, indépendantes des paradigmes ethnico-linguistiques de l'État-nation occidental. De la lutte commune contre l'Occident hégémonique sont nées des communautés non étatiques qui revendiquent la dignité, l'indépendance et la reconnaissance. De la lutte pour la liberté et l'indépendance naissent les valeurs communautaires fondatrices des homelands, et les guerres de libération génèrent une force motrice décisive pour l'émancipation et le développement des peuples, étant donné la nécessité vitale de s'opposer à une puissance dominante plus forte, économiquement, militairement, politiquement.

Les patries individuelles pourront être reconnues dans le cadre d'instances supranationales plus larges. Le monde multipolaire aura pour protagonistes des États-Civilisations installés dans de vastes zones continentales, composés des peuples les plus divers, mais unifiés par des valeurs identitaires éthico-politiques communes.

Le Moyen-Orient est configuré comme un laboratoire géopolitique dans lequel émerge un nouveau monde multipolaire, déjà en gestation avec la création du groupe BRICS. Un modèle géopolitique paradigmatique qui peut être reproduit dans les contextes les plus divers. Un monde composé d'entités supranationales : une renaissance en version moderne des anciens empires. Mais l'idée d'Europe ne trouve-t-elle pas son origine dans le concept d'empire universel transmis au fil des siècles et commun à toutes les civilisations successives ?

Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870 

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Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870 

Nicolas Bonnal

On a du mal à percevoir l’absence de mouvement sous le mouvement.

1870, la fête impériale, l’art de bien rigoler…

On laisse écrire Maxime du Camp.

Sur Bismarck :

« Bismarck fut habile, il agit envers nous comme en 1866 il avait agi à l'égard de l'Autriche. Quand il eut machiné son plan et préparé ses pièges, il se fit déclarer la guerre et prit l'attitude d'un pauvre homme réduit à la défensive; il mit les torts d'apparence de notre côté. Comme un pêcheur consommé, il conduisit le poisson dans la nasse sans que celui-ci s'en aperçût. »

Après une belle phrase sur notre esprit de décision :

« Il avait pris pour une démonstration de notre force ce qui n'était qu'une preuve de l'inconséquence de notre caractère. »

Maxime du Camp passe par l’Allemagne et il découvre que cette nation est scientifique, organisée et disciplinée, mais pas seulement : elle est inspirée spirituellement et elle chante bien :

« J'entendis de loin une mélopée lente et grandiose, qui montait dans les airs comme la voix d'un chœur invisible. Des enfants couraient dans la direction du bruit; le chant se rapprochait, s'accentuait, vibrait avec un accent religieux et profond dont je me sentis remué. Je reconnus le Choral de Luther, que psalmodiait un régiment en venant prendre garnison dans la citadelle que ce pauvre général Mack nous a jadis si facilement abandonnée. Je fus très ému, je l'avoue, et je me demandai quel caractère allait revêtir cette guerre pour laquelle les hommes marchaient en chantant des psaumes. »

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Après on va faire la comparaison avec Paris et sa salade impériale :

« Après avoir rapidement traversé la Suisse, j'arrivai à Paris, que l'empereur avait quitté deux jours auparavant.

Là le spectacle était autre : le soir, sur les boulevards, on buvait de l'absinthe en agaçant les filles; des hommes en blouse, vautrés dans des voitures découvertes, braillaient la Marseillaise. Qui donc avait vieilli, le chant national ou moi? Je ne sais. Il me déplut et je lui trouvai un air provocant qui ne s'adressait pas à l'ennemi. »

C’est Tartarin contre Siegfried. Et si Tartarin était l’essence de la France moderne (voyez mon texte sur Tartarin dans les Alpes) ? J’ai cité plusieurs fois cette ligne de Céline :

« Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. »

Voilà celle de Maxime du Camp en 1870 :

« Se souvient-on aujourd'hui de la frénésie dont la population fut atteinte? On se croyait tellement certain de la victoire, que les adversaires systématiques de l'empire, — les irréconciliables, — demandaient la paix. »

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Après la reddition de Sedan, la république arrive avec ses bienfaits !  Première divine surprise :

« Le 4 septembre, j'étais au Journal des Débats; cette fois c'était bien fini; la révolution tendait la main à l'invasion et complétait son œuvre. La plupart de ceux qui se trouvaient dans le bureau de rédaction étaient accablés.

Quelqu'un entra et dit : « C'est égal, nous voilà débarrassés des Bonaparte! ». Oui, débarrassés des Bonaparte, mais débarrassés aussi de l'Alsace, de la Lorraine, débarrassés de cinq milliards, de beaucoup de monuments de Paris que l'on a brûlés et de quelques honnêtes gens que l'on a massacrés. »

Une belle phrase sur la France :

« La France était comme ces hommes frappés de la foudre qui gardent l'apparence de la vie et tombent en poussière dès qu'on les touche ».

Après on cherche comme toujours des excuses (euro, Bruxelles, etc.) :

« La nation crie, pleure, se désespère, déclare qu'elle est innocente et que l'empire seul est coupable. La nation a tort; elle a eu ses destinées entre les mains, qu'en a-t-elle fait? Nous mourrons par hypertrophie d'ignorance et de présomption. »

Du Camp se met à rêver :

« La France a cherché les réformes politiques : néant; elle a cherché les réformes sociales : néant; mais les réformes morales qui seules peuvent la sauver, elle n'y pense même pas. Si j'étais le maître, je traiterais tout de suite, quitte à subir des conditions léonines, car l'issue de la guerre ne peut actuellement être douteuse, et plus nous prolongerons la lutte, plus les conditions seront dures; puis je ferais des lois draconiennes pour organiser le service militaire et l'enseignement, l'enseignement surtout, non seulement scientifique, mais moral. C'est la morale qui forge les caractères et ce sont les caractères qui font les nations. »

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Maxime du Camp comprend enfin :

On ne fera pas cela, sois en certain; on va expliquer au peuple français qu'il est le premier peuple du monde, qu'il a été trahi, qu'il a été livré, en un mot qu'il est indemne, et le peuple français continuera à croupir dans l'ignorance, à avoir le moins d'enfants possible, à boire de l'absinthe et à courir les donzelles. Nous mourrons, parce que nous sommes agités sans but et que la danse de Saint-Guy n'est pas le mouvement; nous n'avons pas d'hommes, parce que nous n'avons pas d'idées; nous n'avons pas de principes, parce que nous n'avons pas de mœurs. »

Dans mon livre sur Céline, j’ai évoqué le latin conifié par les mots. Idem ici :

« Nous sommes saturés de rhétorique; nous avons des façades de croyance, d'opinion, de dévouement; derrière il n'y a rien. Tout est faux, tout est théâtral, nous sommes des Latins; chez nous, comme pour le baron, tout est « pour paraître ». C'est la fin du monde. Il y a une phrase des Mémoires d’outre-tombe qui m'obsède et sonne en moi comme un glas funèbre :

« Il ne serait pas étonnant qu'un peuple âgé de quatorze siècles, qui a terminé cette longue carrière par une explosion de miracles, fût arrivé à son terme. »

Du Camp a une bonne idée qui eût pu éviter des déboires, et il prévoit même l’espace vital et sa conquête à venir :

« Au lieu de ces territoires, offrir nos colonies, en vertu de ce principe qu'il vaut mieux se faire couper les cheveux que de se laisser couper la tête. Malgré sa richesse, l'Allemagne étouffe, parce qu'elle n'a pas la vraie mer, qui est l'Océan; elle est insuffisante à consommer ses produits, qu'elle n'écoule que difficilement; elle est trop restreinte pour sa population, qui est forcée d'émigrer en Amérique. On peut donc la tenter sérieusement en lui proposant nos colonies des Antilles et nos stations dans l'Indochine. »

Évidemment il y a un risque avec… l’Angleterre !

« Si elle consent à cet échange (et je crois qu'on peut l'y amener), elle voudra devenir une puissance maritime de premier ordre et elle aura alors à s'entendre avec l'Angleterre. »

Du Camp dans ces lignes géniales prévoit donc la guerre Allemagne-Angleterre (voyez Preparata et quelques autres) et aussi la haine franco-allemande qui va dévaster l’Europe :

« Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps, un monde va commencer; on élèvera les enfants dans la haine des Prussiens ! »

La France commence à creuser sa tombe. Et quand elle touche le fond, elle creuse encore ! Du Camp :

« Rien de ce que Flaubert avait rêvé ne se réalisa, le quelque chose qui lui avait promis la victoire s'était trompé; de défaite en défaite on descendit jusqu'à l'endroit où la terre manque sous les pieds. »

La guerre de 1870 a tué la France, c’est mon sentiment. Après nous sommes en république, et la troisième république, ce n’est plus la nation ni la patrie. Elle tue net Mérimée et achève Théophile Gautier :

« La guerre, la révolution du 4 septembre, la Commune ont porté à Théophile Gautier un coup dont il a toujours souffert; il a traîné, ou plutôt il s'est traîné jusqu'à la tombe, languissant, enveloppé d'ombre, parlant peu et n'ayant plus guère que des regrets. »

Sources

Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, II, p.348-sq (archive.org)

 

jeudi, 21 mars 2024

L'avenir sombre de l'Europe

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L'avenir sombre de l'Europe

Carlos X. Blanco

Il y a eu une date fatidique, le 30 mai 1982, lorsque l'Espagne a officiellement adhéré à l'OTAN. Elle devient alors le 16ème État membre de l'organisation militaire internationale. L'adhésion à ce club est devenue une "tendance" : aujourd'hui, très bientôt, elle dépassera les trente pays. Grâce aux infographies dynamiques et aux cartes interactives qui sont aujourd'hui omniprésentes sur Internet, tout le monde peut voir le rythme et la direction de l'expansion. Les champions de la paix, apôtres de la dénucléarisation, leaders de la "troisième voie", de l'éducation au pacifisme et de l'Etat-providence (comme certains pays nordiques), ont mué et abandonné leur vieille peau de serpent, et se présentent aujourd'hui comme des bellicistes "nés", jamais mieux dit que "Otanistes". La Fédération de Russie et ses alliés (le Belarus) sont dans une étreinte de plus en plus étroite avec des ogives de mort de plus en plus proches, un encerclement de plus en plus serré, de plus en plus étroit et de plus en plus profond. Tous les discours qui étaient autrefois l'apanage des sociaux-démocrates allemands et scandinaves, etc. ont été mis à la poubelle, et le prestige de mille et une fondations et ONG "pacifistes" a été jeté aux oubliettes. Une fois de plus, tout a été révélé : la classe politique, syndicale, économique, les ONG, etc. veulent la guerre contre Poutine.

En Espagne, il y a longtemps que nous avons entendu la gauche claironner "NON à l'OTAN, PAS DE BASES". Tout le racket du PSOE et de l'IU signifiait, en réalité, "L'OTAN JUSQU'AU COU" et "QUEL QUE SOIT L'AVIS DU MAÎTRE". Le maître de l'Europe, depuis 1945, ce sont les États-Unis, et le maître de l'OTAN, depuis sa création en 1949, ce sont encore et toujours les États-Unis.

Le PSOE et son petit chien habituel, Izquierda Unida, n'ont fait que professer un atlantisme honteux. Leurs publications, leurs forums de discussion, leurs magazines et leurs extensions syndicales (UGT et CCOO) criaient contre l'impérialisme américain, mais les faits, les faits bruts et patents, à savoir participer aux gesticulations anti-atlantistes et ne pas être de connivence avec les gouvernements impérialistes, le démentent. Les héritiers de cette gauche atlantiste honteuse, créée par Felipe González, sont toujours à La Moncloa aujourd'hui. Tout le reste du chenil gauchard, Podemos, Sumar, Más Madrid, Más Villaconejos, etc... sont les mêmes. Ils gardent l'atlantisme pour les réseaux sociaux, où ils se déchaînent, et pour quelques sites web crasseux, dont les frais de domaine de cinq euros sont payés par l'oncle Soros.

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Le fait est que des mesures terribles sont prises en vue d'une escalade mondiale de la guerre. Une bombe nucléaire tactique, ou moins que cela, une bombe frappant un territoire extra-ukrainien, et notre civilisation pourrait s'effondrer. Margarita Robles rejoint le chœur des corbeaux de la mort, oiseaux qui croassent plus qu'ils ne parlent. Une élite corrompue et dégénérée dirige l'Europe uniquement parce que le Pentagone la laisse faire. Elle prépare les peuples à la guerre, en contradiction avec toute sa rhétorique de pacifisme depuis la capitulation de l'Allemagne. Ce pacifisme, comme le hamburger, la libération sexuelle, la coke et l'internet pour tous... est de la propagande et de l'ingénierie sociale. Les Américains ne se sont pas contentés d'installer un demi-millier de bases américaines sur le sol européen. Ce qu'ils ont fait, c'est une castration psychologique totale de l'homo europaeus.

Les hautes institutions de notre armée et de notre ministère nous demandent de nous "préparer au combat en Europe de l'Est". Sont-ils vraiment sérieux ? Nous n'avons pas assez de gardes civils pour retenir les assaillants aux barrières de Ceuta et Melilla, et ceux que nous avons ne reçoivent pas d'armes ou de soutien juridique pour défendre notre sol souverain... mais au lieu de cela, ils veulent envoyer des unités militaires près de l'Ukraine. Le peuple devrait descendre en masse dans la rue, exiger des démissions, purger les responsabilités et organiser une sortie expresse de l'OTAN.

Mais non, les pouilleux clébards gauchistes, les chihuahuas avec des rubans fuchsia au collier, les empowered et les écoféministes resteront à la maison, pour voir ce qui se passe. Elles sortiront leurs parapluies face aux retombées imminentes. J'avoue au lecteur que le sentiment de dégoût ne cesse de grandir en moi.

Tout le dispositif mis en place en Espagne au début de la "Transition", qui n'a pas eu lieu en 1978 mais en 1973, avec la mort de Carrero, doit être replacé dans le contexte plus large du déploiement de la construction impériale imaginée par les Américains à partir de 1945.L'empire yankee a attendu le dernier moment pour intervenir dans la Seconde Guerre mondiale, afin d'épuiser les Britanniques qui combattaient l'Axe. Entre-temps, ils se sont enrichis en vendant du pétrole à Hitler. L'opération Barbarossa, l'attaque allemande contre la Russie, était une opération germano-américaine. Puis, après le largage des bombes atomiques sur le Japon, les Américains ont envisagé la possibilité de les larguer sur les villes russes et de rayer ainsi de la carte leur allié communiste contre les nazis et les Japonais. Seul Dieu a empêché la Troisième Guerre mondiale juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale...

Puis, en guise de substitut, ils ont élaboré l'idéologie des "sociétés ouvertes", la religion du marché et du sionisme, et ont parlé de manière générique et persistante de "totalitarisme". Le petit mot "totalitaire" s'appliquait aussi bien au nazi qu'au bolchevik. Aujourd'hui, quiconque n'est pas atlantiste est également "totalitaire". Attention : si vous n'êtes pas un ami de l'OTAN, vous serez mis sur la liste noire... Mais notre avenir est encore plus noir.