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18/10/2019 – 17h15 Syrie (Lengadoc Info) – point 70 – La Turquie a pénétré pour la troisième fois sur le territoire syrien afin de « lutter contre les terroristes » kurdes. Une opération qui a considérablement perturbé la situation sur le terrain et conduit à des alliances inattendues…

Opération « Source de Paix »


Cette troisième intrusion militaire en territoire syrien a donc été baptisée « Source de Paix ». On goutera cette ironie qui consiste à camoufler une opération militaire sous un vocable pacifiste. Il convient de repréciser l’intérêt de la Turquie pour la partie nord de la Syrie qui correspond à sa frontière sud (extrait du point 70) :

« Son objectif premier est la lutte contre les factions armées kurdes que le président turc Erdogan considère comme étant la continuation du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, mouvement terroriste marxiste-léniniste. Le problème est que la version « relookée » (YPG et YPJ) est soutenue et armée par les États-Unis dans la lutte sur le terrain contre l’Etat Islamique. La Turquie a déjà pénétré en territoire syrien en août 2016 sous prétexte de lutte contre l’Etat Islamique mais surtout pour empêcher les forces kurdes de relier le canton d’Afrin à majorité kurde (Opération Euphrates Shield). Ce canton a été conquis militairement par l’armée turque et ses affidés locaux de l’Armée Syrienne Libre à partir du 20 janvier 2018 (Opération Olive Branch).

Depuis, le président Erdogan n’a de cesse de réclamer qu’un « corridor de paix » soit établi au sud de sa frontière en territoire syrien où la présence kurde est majoritaire. Un corridor d’une profondeur de 30 kilomètres et plus de 400 kilomètres de long. Une option inenvisageable ni par les Kurdes ni par le gouvernement syrien… »

Depuis lors, la Turquie n’a eu de cesse de faire de la surenchère auprès des états unis afin que ces derniers, qui étaient les souteneurs principaux des Forces Démocratiques Syriennes, établissent ce « corridor de paix ». La Turquie brandissant la menace d’une nouvelle opération militaire en Syrie auprès de son allié en OTAN. Contre toute vraisemblance, Donald Trump a pris la décision de faire retirer les troupes américaines de cette partie du territoire. Un véritable coup de couteau dans le dos des kurdes qui se sont retrouvés privés du soutien qui leur permettait de faire face aux diverses menaces. La décision américaine a entrainé le retrait des autres forces spéciales (françaises et anglaises) présentes au nord-est de la Syrie. Donald Trump justifiant sa décision dans le fait qu’il s’agissait de guerres tribales et que cela ne concernait en rien l’Amérique. « Aller au Moyen Orient est la pire décision qui ait été prise » (Twitter 9 octobre).

Recomposition de la géopolitique locale

Un message interprété comme une sorte de feu vert par le président Erdogan qui a déclenché son opération « Source de Paix » le 9 octobre 2019. Cette opération militaire en territoire syrien est menée essentiellement par des groupes de supplétifs syriens rassemblés pour l’occasion sous la bannière de l’Armée Nationale Syrienne.

 

Devant l’avancée de ces derniers et la faible résistance des kurdes, de très nombreux pays du monde se mettent à désavouer la Turquie pour cette intervention. Le président Trump lui-même ira jusqu’à menacer la Turquie de sanctions économiques exemplaires si cette dernière dépassait certaines limites.

Confrontés à la perspective d’un anéantissement programmé, les autorités kurdes ont pris une décision historique qui a consisté à conclure un accord avec… Bachar el-Assad. C’est en définitive ce dernier qui sort grand gagnant de cet épisode belliqueux. Cette recomposition d’alliance est au bénéfice quasi exclusif du gouvernement syrien qui a pu franchir des frontières qui lui étaient interdites à cause de la supériorité aérienne de la Coalition. Privés de tout soutien aérien, les kurdes n’ont eu d’autres choix que de laisser passer les troupes syriennes et de remettre leurs positions à l’Armée Arabe Syrienne.

Il convient d’insister que cet état de fait est tout aussi historique qu’inattendu. La déroute subie par les troupes kurdes lors de l’opération « Olive Branch » en janvier 2018, qui avait amené à la perte du canton d’Afrin en quelques semaines a du lourdement peser dans ce revirement. C’est d’ailleurs une décision qui semble arranger à peu de chose près toutes les parties. Mis à part les kurdes qui voient leur rêve de fonder une entité politique autonome kurde (Rojava) s’effondrer. Une nouvelle donne qui vient d’aboutir le 17 octobre 2019 à une fragile pause de 120 heures négociée entre le président Trump et son homologie turc afin de permettre aux combattants kurdes de quitter la bande de 30 kilomètres exigée par la Turquie. Un moyen pour le président Erdogan de tirer son épingle du jeu de façon honorable.

Au gouvernement syrien de faire en sorte que ce désir de la Turquie devienne une réalité syrienne.

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Un BMC Kirpi turc détruit…

Martial Roudier

Photos : DR

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