Catégorie : Chroniques, par Pierre Vial
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800px JeanIIdFrance

 

En cette année 1364, l'horizon est bien noir pour les Français. Dans la longue guerre entreprise contre l'Anglais, la défaite de Crécy (1346) a sonné le glas de la chevalerie française. Aux Etats (assemblée du peuple, composée des représentants des trois ordres) de Paris, en 1347, des reproches cinglants ont été faits au roi Philippe VI de Valois. La Peste Noire de 1348 a jeté son manteau de deuil sur le pays (selon les régions, le tiers, la moitié — voire quelquefois plus encore — de la population a disparu). Héritant d'une situation dramatique, le roi Jean le Bon (1319-1364) a fait face avec courage. Mais la défaite de Poitiers (1356) est peut-être plus cinglante encore, si faire se peut, que celle de Crécy, les archers gallois faisant des ravages dans les rangs des Français. Symbole du désastre : le roi, qui a voulu se battre jusqu'au bout, est fait prisonnier sur le champ de bataille. Il paie ainsi un courage qui illustrait un principe directeur de la fonction royale chez les peuples européens : le souverain, chef de guerre de son peuple, se doit de donner l'exemple en combattant au premier rang, sans esprit de recul ou de renoncement. Jean a donc accompli son devoir. Mais le royaume est décapité.

Partout, le chaos. Des bandes armées parcourent le pays, pillent et détruisent, sur leur passage, tout ce qu'elles ne peuvent emporter. Sans qu'on sache toujours très bien de quel côté elles se trouvent. Mais, pour le paysan, le résultat est toujours le même. Catastrophique. Exaspérés, les paysans se retournent contre les seigneurs accusés d'impuissance, alors qu'ils sont censés les protéger (c'est le vieux contrat féodal). La Jacquerie se déchaîne, brûle les châteaux, pille les réserves et viole les gentes dames. Les villes s'enferment frileusement, égoïstement, à l'abri de leurs murailles.

 

Franc à cheval

 

A Paris, le pouvoir est à prendre. Le dauphin Charles, chétif jeune homme de 18 ans, entouré d'un conseil composé d'hommes déconsidérés, n'a ni ressources ni troupes. Le Prévôt des marchands, le riche drapier Etienne Marcel, fait alors entendre la voix des ambitions bourgeoises. Il espère s'appuyer sur la faction constituée, à partir d'ambitieux de tous poils, autour du roi de Navarre Charles le Mauvais, maître es intrigues en tous genres et qui n'a pas volé son surnom. L'objectif : placer sous influence le jeune dauphin et gouverner en son nom. En tenant Paris, Etienne Marcel pense tenir la France. Mais les provinces, accaparées par leur propre détresse, se soucient peu d'une capitale qui apparaît vite comme un chaudron de sorcières, où le pouvoir se fait et se défait en quelques jours. Pour s'imposer définitivement, Etienne Marcel fait assassiner, sous les yeux du dauphin, deux de ses conseillers. Erreur fatale. Le dauphin s'enfuit de Paris, rameute ses fidèles, constitue une armée et engage le combat. Etienne Marcel assassiné le 31 juillet 1358, Charles peut rentrer dans Paris.

Au roi anglais Edouard III, qui exige des conditions de paix exorbitantes, les Etats répondent que ce n'est « ni passable ni faisable ». Débarqué à Calais, décidé à ravager la France pour faire céder les Français, Edouard III ne trouve que le vide devant lui : le dauphin Charles a donné ordre, avec sagesse, d'éviter l'affrontement et de laisser l'ennemi se fatiguer à courir après des fantômes. Tactique payante : le roi anglais finit par proposer la paix de Brétigny, par laquelle il obtient Calais, l'Aquitaine, le Poitou mais en renonçant à revendiquer la couronne de France.

 

1280px Retour en angleterre de Jean II

 

La rançon du roi Jean est lourde, trop lourde pour un pays exsangue. Impayée, cette dette d'honneur est insupportable au roi Jean, qui retourne de son plein gré à Londres se constituer prisonnier pour être fidèle à la parole donnée. Il y meurt le 8 avril 1364, laissant à son peuple le souvenir d'un souverain ayant accompli stoïquement son devoir.

Sa disparition porte sur le trône son fils Charles. L'ex-dauphin a une lourde tâche devant lui : redresser une France épuisée, puis reprendre la guerre pour bouter l'Anglais hors du pays. Œuvre de longue haleine et de grande ténacité. Le surnom de Sage qui devait lui rester dit bien quelle intelligence politique il manifesta pour la réaliser.

Pierre Vial

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